Des grains de sable grippent la mécanique de l’Ecopack wallon

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C’est bien connu, les cordonniers sont les plus mal chaussés. Je vous l’avoue, chargée de mission énergie, je n’habite pas une maison passive, ni même basse énergie. La maison semi mitoyenne que j’ai acquise voici quelques années date du début du XXème, une époque où l’isolation consistait en un mur de briques et des chiffons sous la porte. Au gré de mon budget, j’essaie de rendre ma maison plus économe en énergie : isolation du toit, remplacement des châssis et, en projet, l’isolation d’un mur latéral extérieur.

Entretemps, la fin des déductions fiscales pour les investissements économiseurs d’énergie est passée par là, freinant mon enthousiasme (et celui de mon banquier). Comment mener à bien ce nouveau chantier indispensable ? Et puis, ô espoir, l’Ecopack wallon est arrivé ! Ce mécanisme permet de réaliser des rénovations d’ampleur afin d’améliorer les performances énergétiques des bâtiments. L’Ecopack est constitué d’ une prime et un emprunt à taux zéro avec la garantie d’un préfinancement pour éviter d’hypothéquer les budgets, parfois précaires, des candidats à la rénovation.

« Chouette », ce package est fait pour moi car en plus d’isoler mon mur, je dois aussi remplacer une chaudière peu performante ! Fin mai 2012, je prends contact avec la « hot line » de l’Ecopack et j’explique en deux mots mon projet. Quelques questions de l’opérateur suffisent à vérifier que ce projet rentre bien dans les conditions « d’éligibilité » et il m’assure qu’un éco-passeur prendra contact avec moi d’ici… 6 semaines. En attendant, l’opérateur m’encourage à faire établir des devis « pour ne pas perdre de temps ».

Nous voici mi-juillet et ne voyant rien venir, je rappelle la hot line, de peur qu’on m’ait « oubliée ». Que nenni, on n’a pas égaré ma demande, les écopasseurs sont simplement noyés sous les sollicitations. Au Cabinet du Ministre en charge de l’énergie, on reconnait les soucis d’engorgement mais on assure que des renforts vont pallier ce problème. Finalement, l’éco-passeur a pris contact avec moi mi-août. Les six semaines sont devenues trois mois de délai.

Aussi, puisqu’il fallait prendre les devants, j’ai contacté plusieurs entrepreneurs afin d’établir le devis pour l’isolation du mur. Sur quatre entrepreneurs contactés, deux se sont déplacés et m’ont remis un devis (dont un où j’ai vraiment du insister). On ne peut que se réjouir de la bonne santé du secteur de la construction dont les carnets de commandes semblent bien remplis mais il est à déplorer que beaucoup d’entreprises ne daignent pas répondre, à moins d’envisager un chantier d’ampleur pharaonique. Gageons que la mise en œuvre du troisième pilier[[3ème pilier de l’AEE : renforcer les capacités du secteur de la construction pour la construction/rénovation de bâtiments]] de l’Alliance Emploi-Environnement permettra de renforcer l’offre d’entreprises actives dans la rénovation.

Avec deux devis, avançons ! Consciencieuse je me rends au service d’urbanisme de mon administration communale pour effectuer les choses dans les règles. Mon projet nécessite d’isoler par l’extérieur car ma maison est trop étroite pour le faire par l’intérieur, et consiste en la pose d’isolant et d’une ardoise de parement. On m’informe que selon le plan communal particulier[[Les PPA sont devenus par la suite les Plans communaux d’aménagement (PCA)]], et ses prescriptions urbanistiques, qui datent de 1962, je ne peux pas changer le matériau de façade, à savoir la brique. Ma maison n’est pourtant qu’une petite habitation ouvrière, modeste, en second rang dans une zone de cours et jardins. Pourquoi ne pas remonter un mur de brique puisque l’urbanisme me l’impose ? C’est que cette option doublerait la facture et empièterait sur la parcelle des voisins. Toutefois, tout espoir n’est pas perdu : je peux déroger aux prescriptions urbanistiques en demandant un permis d’urbanisme en bonne et due forme. Me voilà donc embarquée pour le permis et ses joyeusetés. A fournir: rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement (le même document que ce soit pour l’isolation d’un mur ou pour la construction d’une tour de 10 étages), plans, photos, lettre de motivations et …une patience de 115 jours ! Cet ensemble de contraintes m’a fait m’interroger sur le nombre de candidats à la rénovation qui, découragés et confrontés à de telles démarches, reculent dans leur projet ou essaient de contourner les procédures.
Ne nous méprenons pas, les prescriptions urbanistiques sont indispensables pour un bon aménagement des lieux et une harmonie dans le « vivre ensemble » mais certains outils d’urbanisme et d’aménagement du territoire sont totalement obsolètes et peu en phase avec les défis climatiques et énergétiques auxquels nous sommes confrontés.

Alors que la conservatrice Agence internationale de l’énergie sort enfin du bois sur l’importance des économies d’énergie et en appelle à un « monde efficace »(en matière d’utilisation d’énergie), il est urgent de rendre efficaces les outils réglementaires et les procédures administratives pour réaliser des mesures qui sont aujourd’hui techniquement faisables, et qui pourraient être financièrement à la portée de tous grâce à des mécanismes adaptés.

Les autorités communales, comme régionales, doivent rendre possible et même faciliter les investissements nécessaires à une réduction des consommations. Comment ? Parlons-en ensemble lors de la prochaine université d’automne organisée par Inter-Environnement Wallonie ce 14 décembre.

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire