Pesticides et effets sur la santé : nouvel état des lieux

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Le nouveau rapport de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) sur l’effet des pesticides sur la santé est sorti il y a peu. Il s’agit d’une actualisation de sa dernière version datant de 2013. Quels en sont les apports ?

Nouvelles pathologies

De nouvelles pathologies ont fait leur apparition dans cette dernière édition. En 2013 on suspectait principalement les pathologies cancéreuses hématologiques (lymphome non-hodgkinien, myélome multiple, leucémies), les néoplasies solides (mélanome, tumeurs cérébrales et cancer de la prostate) et les maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, Alzheimer et sclérose latérale amyotrophique). En 2020, les preuves scientifiques se font plus robustes pour de nouvelles maladies. L’expertise inclut aujourd’hui les troubles du développement des enfants, l’endométriose, les pathologies thyroïdiennes et respiratoires, ainsi que les cancers urologiques (vessie et rein), et le cancer du sein (voir figure ci-dessous).

Bientôt tous crétins ?

Le niveau de présomption d’un lien entre l’exposition aux pesticides et les troubles cognitifs passe de moyen à fort. La fonction cognitive, c’est l’ensemble des capacités cérébrales qui impliquent la mémoire, l’attention, le raisonnement, le jugement ou la compréhension.

Une cohorte française (PHYTONER) a suivi durant 4 ans des travailleurs viticoles en comparant leurs expositions aux pesticides et leurs performances cognitives. Le résultat est clair, les personnes étant le plus exposées sont moins performants.

Les agriculteurs sont évidemment directement concernés, mais y a-t-il un effet pour les populations riveraines de ces surfaces agricoles ?

Oui ! Par exemple, deux cohortes menées en Grèce et Californie, ont montré un déclin cognitif et de la démence chez les personnes de 60 ans et plus vivant à proximité des champs traités par des organophosphorés. On observe également que les enfants résidant à moins de 1.5km de surfaces agricoles ont un risque plus élevé de déficits intellectuels et de troubles autistiques. Dans les fonctions cognitives, les troubles de la mémoire et les déficits de l’attention sont en moyenne les plus impactés par l’exposition aux pesticides. Au plus longue est l’exposition, au plus marqué sera l’effet.

Protégeons les femmes enceintes

L’exposition durant la grossesse est une fenêtre d’exposition critique (pour des pesticides d’usage professionnel ou domestique). Le fœtus étant en plein développement, des modifications subtiles peuvent perturber irrémédiablement la santé de l’enfant à naître1. L’exposition aux pesticides montre une présomption forte de lien avec des troubles du développement neuropsychologique et moteur. Les molécules incriminées sont les insecticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes (perméthrine) qui sont de plus en plus utilisés en remplacement de ces derniers. Ces deux familles de pesticides sont également en lien avec une hausse de l’anxiété chez les enfants.

Dans la famille des organophosphorés, si souvent accusés, on retrouve le chlorpyriphos. D’après l’étude EXPOPESTEN, réalisée en 2018, qui mesure les taux urinaires de pesticides chez les enfants en Wallonie, le chlorpyriphos est retrouvé chez 100% d’entre eux 2. Il est toujours pulvérisé en Wallonie à hauteur de 20 tonnes/an selon les relevés de 2017 3. Des chiffres qui devrait faire réflechir…

Mancozèbe, Parkinson et leucémies : protégeons nos agriculteurs

Le manèbe, un fongicide qui n’est plus commercialisé depuis 2017, est utilisé dans les neurosciences pour induire des syndromes parkinsoniens chez les souris de laboratoire ? 4. Il a été remplacé progressivement à partir de 1995 par le mancozèbe, qui est maintenant le pesticide le plus pulvérisé en Wallonie 56. Ce sont des molécules utilisées dans la culture de pomme de terre, pour lutter contre l’agent responsable du mildiou.

Coté santé, le mancozèbe est incriminé dans la survenue de leucémies et de tumeurs du système nerveux central (doublement du risque de gliome chez les personnes exposées) 7. Il est également neurotoxique. Les personnes exposées au mancozèbe ont deux fois plus de risque de développer un Parkinson 8. Il interfère également avec le fonctionnement de la thyroïde : en provoquant une hypothyroïdie transitoire au premier trimestre de la grossesse, il peut avoir un impact sur le développement du fœtus en perturbant définitivement l’architecture cérébrale. Ces modifications structurelles de l’embryon sont comparables à celles observées chez les personnes autistes 9. Il est également suspecté jouer un rôle dans le développement de l’endométriose, par ses effets pro-inflammatoires et immunomodulateurs 10.

En janvier 2021, l’Union Européenne n’a pas renouvelé l’autorisation de mise sur le marché du mancozèbe. L’agriculture wallonne devra donc, dès janvier 2022, trouver une alternative pour la lutte contre le mildiou, qui peut en quelques jours entrainer une perte totale des cultures. Les derniers étés particulièrement secs ont permis une baisse de la vigilance mais cet été pluvieux risque de fournir aux agriculteurs de nouveaux défis…

Une bonne chose donc que l’agriculture se passe de ce genre de molécule, mais un immense défi à relever pour trouver des alternatives en lutte intégrée.

L’impact des pesticides sur la santé des agriculteurs et des populations riveraines n’est plus à démontrer. L’enjeu de la recherche aujourd’hui est d’une part de cibler les molécules les plus problématiques pour prioriser leurs interdictions et d’autre part de développer une agriculture résiliente qui sait s’en passer.

Photo d’illustration : ©S.Leitenberger/stock.adobe.com


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  1. Román GC. Autism: Transient in utero hypothyroxinemia related to maternal flavonoid ingestion during pregnancy and to other environmental antithyroid agents. J Neurol Sci. nov 2007;262(1‑2):15‑26
  2. ISSEP – INSTITUT SCIENTIFIQUE DE SERVICE PUBLIC. EXPOPESTEN : Biomonitoring des pesticides dans des populations d’enfants vivant dans des zones d’expositions aux pesticides contrastées. 2018
  3. Comité régional phyto – ELIM. Estimation quantitative des utilisations de produits phytopharmaceutiques. 2020
  4. Hou L, Sun F, Sun W, Zhang L, Wang Q. Lesion of the Locus Coeruleus Damages Learning and Memory Performance in Paraquat and Maneb-induced Mouse Parkinson’s Disease Model. Neuroscience. 1 nov 2019;419:129‑40
  5. 806 Tonnes vendues en 2017, ce qui représente 12% de la totalité des pesticides vendus en Wallonie !!
  6. Comité régional phyto – ELIM. Estimation quantitative des utilisations de produits phytopharmaceutiques. 2020
  7. ollection Expertise collective. Inserm. Pesticides et effets sur la santé : Nouvelles données. Montrouge : EDP Sciences; 2021
  8. Pezzoli G, Cereda E. Exposure to pesticides or solvents and risk of Parkinson disease. Neurology. 28 mai 2013;80(22):2035‑41
  9. Román GC. Autism: Transient in utero hypothyroxinemia related to maternal flavonoid ingestion during pregnancy and to other environmental antithyroid agents. J Neurol Sci. nov 2007;262(1‑2):15‑26
  10. ollection Expertise collective. Inserm. Pesticides et effets sur la santé : Nouvelles données. Montrouge : EDP Sciences; 2021