1.000 morts/an évitables dans nos villes wallonnes si…

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En janvier 2021, le « Barcelona Institute for Global Health » a publié une étude qui analyse l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé au niveau de villes Européennes. Sur base de cette étude, l’institut a développé un classement des villes en fonction de leurs performances respectives, « l’ ISGlobal Ranking of Cities. »

Ce classement a récemment été mis à jour pour intégrer les nouvelles lignes directrices de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur la qualité de l’air. De plus, cette nouvelle version comprend maintenant aussi un nouveau paramètre en plus de la pollution atmosphérique  l’impact sanitaire lié au manque d’exposition aux espaces verts en ville.

Onze villes Belges sont reprises dans ce ranking : Bruxelles, Namur, Charleroi, Liège, Mons, Courtrai, Leuven, Anvers, Gand, Ostende. Et ce que l’on peut dire c’est que ces villes ne jouent pas les bonnes élèves… loin de là.

L’ISGlobal Ranking of Cities, c’est quoi ?

L’ISGlobal Ranking of Cities, c’est un projet continu qui vise à évaluer l’impact sanitaire de l’aménagement urbain et lié au transport de 1000 villes européennes 1. Les villes sont alors classées en fonction de leurs performances respectives pour les différents paramètres étudiés, à savoir la pollution atmosphérique, l’accessibilité aux espaces verts, la nuisance sonore et les effets d’îlot de chaleur 2.

A partir de ces résultats, l’ISGlobal Ranking of Cities a développé 2 grands projets de classements : (1) basé sur la pollution de l’air et (2) basé sur le manque d’exposition aux espaces verts.

  • Pour la qualité de l’air, le « Barcelona Institute for Global Health » a analysé le taux de mortalité annuel lié (1) aux particules fines (PM2,5) et (2) au dioxyde d’azote (NO2). Il a développé deux classements, un pour chaque polluant.

    Pour rappel
    Les particules fines sont des polluants qui proviennent principalement du trafic routier ou du chauffage résidentiel. Au vu de leur petite taille, elles peuvent facilement être inhalées et atteindre les poumons. Les particules fines forment des agrégats dont la structure adhère au tissu pulmonaire. Elles peuvent engendrer des problèmes respiratoires, des maladies cardiovasculaires, des cancers …
    Le dioxyde d’azote (NO2) est un gaz toxique irritant qui provient principalement des émissions de véhicules moteur, et principalement des moteurs diesel. Il génère aussi des problèmes respiratoires, tels que l’asthme et des infections respiratoires.
  • En ce qui concerne les espaces verts, le « Barcelona Institute for Global Health » a hiérarchisé les villes en fonction (1) du pourcentage de zones vertes 3 et (2) de l’indice de végétation (« indice de végétation par différence normalisé 4», voir tableau ci-dessous) dans les villes. Il en a aussi fait deux classements.

Qu’est-ce que l’indice de végétation par différence normalisé ou  indice de Tucker (NDVI en anglais)?

Les valeurs du NDVI sont comprises en théorie entre -1 et +1, les valeurs négatives correspondant aux surfaces autres que les couverts végétaux, comme la neige, l’eau ou les nuages. Les formations végétales quant à elles, ont des valeurs de NDVI positives, généralement comprises entre 0,1 et 0,7 – les valeurs les plus élevées correspondant aux couverts les plus denses.

→ Plus l’indice de végétation est élevé, plus un espace vert aura un couvert végétal dense.

Voyons comment nos villes belges, et principalement wallonnes, performent.

La Belgique dans le bas du classement

De manière générale, la Belgique n’est pas bonne élève. Que ce soit en termes de qualité de l’air ou en termes d’accessibilité et qualité des espaces verts en ville, nos villes se retrouvent le plus souvent dans la moitié la moins performante du classement !

Plus préoccupant encore : nos résultats en termes de pollution au NO2 et de couvert végétal (indice de végétation). Anvers représente la 2ème ville ayant le plus grand taux de mortalité lié au NO2, Bruxelles est 8ème et Liège 26ème. En ce qui concerne le taux de mortalité dû à un indice de végétation trop bas, 6 villes belges montrent des résultats inquiétants, à savoir Bruxelles, Ostende, Anvers, Gand, Liège et Charleroi (du pire au moins pire). Bruxelles étant la capitale européenne avec le plus grand taux de mortalité dû au manque d’espaces verts 5 (Fig. 1).  

Or nous savons que la qualité de nos espaces verts et un haut taux de végétation sont essentiels pour limiter les effets de pollution atmosphérique et d’îlots de chaleur urbain !

Figure 1 : Classement des capitales européennes en fonction du manque d’exposition aux espaces verts

Petit zoom sur nos performances wallonnes ?

1. Pollution atmosphérique

En ce qui concerne la pollution de l’air, nos villes wallonnes n’en mènent pas large. Les niveaux maximums de concentration annuelle en dioxyde d’azote et particules fines recommandés par l’OMS sont largement dépassés partout – aussi bien les anciens seuils (2005) que les nouveaux (2021) (Fig. 2)!

Si les 4 villes wallonnes (Liège, Charleroi, Mons et Namur) appliquaient les seuils de pollution recommandés dans les nouvelles lignes directrices de l’OMS, environ 750 morts par an pourraient être évitées (pour ces 4 villes là). Environ 450 « morts évitables » sont dues à une surexposition aux PM2.5 et 300 au NO2.

Figure 2: Comparatif des niveaux maximum de pollution atmosphérique

2. Espaces verts

Pour les espaces verts, le constat est mitigé. Liège et Charleroi sont clairement à la traîne avec un taux de mortalité inquiétant dû à une faible densité de végétation. D’un autre côté Mons et Namur présentent des résultats acceptables. Surtout Mons pour qui les résultats en termes de couvert végétal et de quantité d’espaces verts sont cohérents. Au contraire, Namur semble avoir un pourcentage d’espaces verts adéquats mais une couverture végétale limitée. Cela remet en question la qualité de ces espaces qualifiés d’espaces verts.

L’ISGlobal Ranking of Cities estime qu’environ 250 morts pourraient être évitées si Mons, Charleroi, Namur et Liège respectaient les normes OMS sur les espaces verts 6.

Face à ces résultats, que faire ?

Pour les citoyens, il y a un tas d’actions individuelles ou collectives qui peuvent être mises en place pour améliorer la qualité de l’air dans nos villes. On peut par exemple changer nos modes de transport et favoriser les transports actifs – tels que la marche ou le vélo – ou les transports publics, changer nos modes de consommation …

Cependant, le message de ce classement est clair : pour améliorer la qualité de vie dans nos villes wallonnes, il est urgent de repenser la mobilité et l’aménagement urbain. Il est urgent de remettre de la nature en ville et limiter l’espace laissé à la voiture, en favorisant par exemple l’utilisation de voitures légères, en instaurant la zone 30 généralisée et en favorisant le développement d’alternatives à la voiture.

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  1. Les villes de la même zone métropolitaine ont été rassemblées ce qui fait que pour le classement sur la pollution de l’air on compte au total 858 villes européennes et pour le classement en fonction des espaces verts, 866 villes. 
  2. L’îlot de chaleur urbain est un effet de dôme thermique, créant une sorte de microclimat urbain où les températures sont significativement plus élevées : plus on s’approche du centre de la ville, plus il est dense et haut, et plus le thermomètre grimpe (notre-planète.info).
  3. Surface officiellement définie comme espace vert.
  4. https://e-cours.univ-paris1.fr/modules/uved/envcal/html/vegetation/indices/qques-indices/indices-simples.html
  5. En fonction de l’indice de végétation.
  6. L’OMS recommande que des espaces verts de minimum 0,5 hectare soient disponibles à 300 mètre de distance des maisons.