S’engager dans une CCATM : un geste citoyen pour le territoire

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Dimanche 14 octobre 2018, ce seront les élections communales en Belgique. En Wallonie, le nouveau conseil communal devra décider, dans les trois mois de son installation, du renouvellement de la Commission Communale d’Aménagement du Territoire et de Mobilité et en adopter le règlement d’ordre intérieur. S’il n’est nullement obligatoire de s’adjoindre les services éclairés d’une CCATM, de plus en plus de communes en mettent une sur pied et comptent bien prolonger l’expérience de la participation citoyenne à l’occasion des élections communales. Vous aimeriez faire partie des candidats pour le prochain renouvellement ? C’est possible, par ici pour les explications !

217

D’abord, un chiffre : 217. Il y a aujourd’hui 217 Commissions Communales d’Aménagement du Territoire et de Mobilité. Sur les 262 communes que compte la Wallonie, voilà un record jamais égalé.

Et ces 217 CCATM vont bientôt avoir un solide morceau à se mettre sous la dent : le Schéma de Développement du Territoire ! Si l’on en croit le calendrier établi par le Ministre Carlo Di Antonio, le gouvernement devrait adopter le projet de Schéma de Développement du Territoire ce 5 juillet, adoption qui sera suivie d’une enquête publique de 45 jours en automne. C’est à ce moment-là que les CCATM devront remettre leur avis sur le projet de SDT. Même si les élections communales ont lieu au beau milieu de l’enquête publique du SDT, cela ne modifiera en rien la composition et les activités des CCATM en place, puisque le renouvellement – ou la création – de CCATM n’interviendra que plusieurs mois plus tard. A moins que le SDT prenne du retard (ce que personne ne souhaite), ce sont donc les 217 CCATM actuelles qui vont se pencher sur le Schéma de Développement Territorial.

217 CCATM : quel succès !

Le succès de cet organe de consultation peut s’expliquer notamment par le fait que les communes dotées d’une CCATM, d’un Schéma de Développement Communal et d’un Guide d’urbanisme (ex-Schéma de Structure Communal et ex-Règlement communal d’Urbanisme) peuvent délivrer les autorisations d’urbanisme sans avis préalable du fonctionnaire délégué. C’est ce qu’on appelle la « décentralisation ».

D’autres facteurs peuvent expliquer la croissance régulière du nombre de CCATM :

  • Les dossiers d’urbanisme intéressent de plus en plus de citoyens.
  • La CCATM est un des lieux-clés de la participation citoyenne en Wallonie.
  • Les communes ont pu se rendre compte de l’apport réel que constituent les débats et les avis de la CCATM dans l’analyse de tout dossier de demande de permis.
  • Les acteurs locaux et régionaux ont pu se rendre compte de l’apport réel que constituent les débats et les avis des CCATM dans leur vision globale du développement territorial.

Les mauvaises langues vous diront :

  • que certaines autorités se drapent derrière l’avis de la CCATM, même si celui-ci est non contraignant,
  • que d’autres la consultent pour le principe, sans tirer de leçon de l’examen effectué par la CCATM,
  • qu’un dossier important est parfois soumis à la CCATM avec un délai trop serré, ce qui ne lui permet pas de se réunir et de se prononcer dans les temps, entraînant de facto un avis favorable, alors que celui-ci aurait peut-être été défavorable.

Tout n’est pas toujours très net, et ceux qui ont accepté de faire partie d’une CCATM le savent ou le découvrent peu à peu. Cela ne les empêche pas de se passionner pour ce « travail ».

Une passion qui explique sans doute aussi l’accroissement constant du nombre de CCATM : une fois qu’on a commencé, on ne veut plus s’arrêter. Les communes qui, comme Namur, ont des dizaines d’années de CCATM derrière elles, n’éprouvent dès lors pas trop de mal à recruter, car les anciens membres ont souvent envie de rempiler. Lorsque des communes novices en matière de CCATM plongent dans le bain, c’est généralement parce qu’elles sont portées par la demande locale qui, non seulement, insiste sur l’utilité de cet organe de participation, mais souhaite également en faire partie.

8 – 12 – 16

Trois autres chiffres : 8, 12, 16. Selon le CoDT, la CCATM se compose, de huit, douze ou seize membres effectifs et d’une présidente ou un président. Le nombre de membres dépend de la population de la commune. Chaque membre peut avoir un ou plusieurs suppléants, cette faculté est laissée à la commune. La présidente ou le président n’a pas de suppléant.

Dans sa partie réglementaire, à l’article R.I.10-5, §5, le CoDT stipule que « Le membre suppléant participe à la Commission communale uniquement en l’absence du membre effectif. Dans cette hypothèse, le membre effectif prévient le membre suppléant de son absence. » C’est une nouveauté qui a fait régir la plupart des CCATM et de nombreux observateurs de l’aménagement du territoire : la participation citoyenne en matière d’urbanisme et de développement territorial est clairement déforcée par l’article R.I.10-5, §5.

Face au tollé, le Ministre Carlo Di Antonio a décidé d’attendre les élections communales et la mise en place des nouvelles CCATM pour implémenter ce mode de fonctionnement.

Peut-être l’article R.I.10-5, §5 ne sera-t-il JAMAIS implémenté ? Ce serait à espérer. Dans le cadre de la Task Force CoDT instaurée par le Gouvernement wallon pour monitorer l’entrée en service du nouveau Code de Développement Territorial, IEW a pu faire valoir les nombreux arguments qui lui avaient été transmis par ses associations et par des membres de CCATM. Notre contribution est reproduite en plein texte au-dessous de cette nIEWs. Le Ministre Di Antonio devra en tenir compte lors du rapport sur l’état d’avancement du travail de la Task Force, rapport dont le gouvernement wallon prendra acte dans les prochaines semaines.

D’où viennent les membres de la CCATM ?

D’où viennent les membres ? « De la commune, à coup-sûr ! ». Cela semble tomber sous le sens. En fait, il faut aller assez loin dans le Code pour trouver confirmation, dans les dispositions réglementaires, à l’article R.I.10-2, §2. A bien y regarder, on s’aperçoit que le candidat peut aussi être domicilié ailleurs, du moment que le siège social de l’association qu’il représente est situé dans la commune. Les négociations pré-CoDT avaient envisagé d’ouvrir la CCATM à des personnes actives dans la commune sans y résider ; finalement le Code semble se rallier petit à petit à cette idée.

La partie décrétale choisit de parler en premier lieu de la représentation politique de la majorité et de l’opposition, qui reste inchangée par rapport au CWATUP. Selon l’article D.I.10. , § 1er, « pour un quart, les membres représentent le conseil communal. » Soit deux membres pour une CCATM de huit membres, trois membres si elle compte douze membres, quatre membres si elle en compte seize au total.

« Les autres membres et le président font acte de candidature après appel public », poursuit le CoDT. Nous en déduisons qu’il n’y a pas de candidature à rédiger pour les représentants du conseil communal.

« La durée minimum de l’appel public est d’un mois. »

« Le conseil communal choisit les membres au sein de la liste des candidatures en respectant :
1° une représentation spécifique à la commune des intérêts sociaux, économiques, patrimoniaux, environnementaux, énergétiques et de mobilité ;
2° une répartition géographique équilibrée ;
3° une répartition équilibrée des tranches d’âges de la population communale ;
4° une répartition équilibrée hommes-femmes. »

L’article R.I.10-1. laisse au conseil communal le soin de désigner « Pour chaque membre effectif choisi dans la liste des candidatures (…) un ou plusieurs suppléants représentant les mêmes intérêts que le membre effectif. » Cette faculté a pour but d’atteindre plus facilement le quorum, en multipliant les chances de disposer de membres présents à chaque séance.

C’est l’article R.I.10-2 qui spécifie les modalités d’appel aux candidatures, citées ici in extenso :

« § 1er. Le collège communal procède à un appel public aux candidats dans le mois de la décision du conseil communal d’établir ou de renouveler la Commission communale. L’appel public est annoncé par voie d’affiche aux endroits habituels d’affichage, par un avis inséré dans un journal publicitaire distribué gratuitement à la population et un bulletin communal d’information, s’ils existent. Il est publié sur le site internet de la commune, s’il existe. L’avis est conforme au modèle qui figure en annexe 2.

§ 2. L’acte de candidature est personnel ; il est déposé selon les formes et dans les délais prescrits dans l’appel public. Le candidat représentant une association est mandaté par celle-ci. Le candidat est domicilié dans la commune ou le siège social de l’association que le candidat représente est situé dans la commune. L’acte de candidature reprend au minimum les nom, prénom, domicile, âge, sexe, profession du candidat. Le candidat y précise le ou les intérêts qu’il souhaite représenter parmi les intérêts sociaux, économiques, patrimoniaux, environnementaux, énergétiques et de mobilité, ainsi que ses motivations au regard de ceux-ci. A défaut de due motivation, l’acte de candidature est irrecevable.

§ 3. Si le collège communal estime insuffisant le nombre de candidatures reçues lors de l’appel public, il lance un appel complémentaire au plus tard deux mois après la clôture du premier appel. Cet appel prend cours à la date fixée par le collège communal. Les formalités de publicité sont identiques à celles de l’appel initial. »

Pour le droit de vote, retour à la partie décrétale du CoDT : l’article D.I.10, § 3 stipule que « l’avis de la commission émane de l’ensemble de ses membres et du président. Ont droit de vote, le président, les membres effectifs et le suppléant de chaque membre effectif absent. »

Sur quoi porte l’avis d’une CCATM ?

L’article D.I.9. du CoDT reprend les dispositions du CWATUP : « Outre les avis que le Code la charge de donner, la commission communale peut donner des avis d’initiative sur les sujets qu’elle estime pertinents. Le collège communal ou le conseil communal peut lui soumettre tout dossier qu’il estime pertinent ou toutes questions relatives au développement territorial, tant urbain que rural, à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme. »

L’ensemble des Plans, Périmètres, Schémas et Permis sur lesquels la CCATM doit donner un avis est repris dans la Lettre des CCATM n°90 publiée par IEW en 2017, « La boîte à outils CoDT ».

Si la commune veut mettre sur pied ou réviser un Plan Communal de Mobilité, un Programme Communal de Développement Rural ou un Plan Communal de Développement de la Nature, la CCATM est associée aux réflexions et peut remettre des avis.

La CCATM est chargée par le Code de l’environnement de remettre un avis sur les demandes de permis uniques assortis d’une étude d’incidences sur l’environnement. Il s’agit de l’avis sur la qualité de l’étude d’incidences et sur le projet (article R82 du Livre 1er du Code de l’Environnement) et de l’avis sur la forme et le contenu minimum de l’étude d’incidences, si le demandeur sollicite l’autorité compétente sur ce point (article R57 du Livre 1er du Code de l’Environnement).

Le Code de l’Environnement permet également

  • que la CCATM demande des informations sur une demande de permis et sur le déroulement de l’étude d’incidences
  • que la CCATM formule des observations ou des suggestions au gouvernement et à l’autorité compétente concernant une étude d’incidences (article D72 du Livre Ier du Code de l’environnement)
  • que la CCATM propose au ministre d’adresser un avertissement à l’auteur de projet d’une ou plusieurs étude(s) d’incidences jugée(s) insuffisante(s) ou incomplète(s) (article R70 du Livre Ier du Code de l’Environnement)
  • que la CCATM délègue des membres (2 au maximum) à une réunion de consultation préalable du public (articles D29 et R41-3 du Livre Ier du Code de l’Environnement)
  • que la CCATM réceptionne la notification du choix d’un auteur d’étude d’incidences sur l’environnement (article R72 du Livre Ier du Code de l’Environnement).

Si le mandat vous (re-)tente, voici quelques références incontournables en guise de préparation ou de recyclage.

Contribution d’IEW à la Task Force CoDT sur la présence simultanée des membres effectif et suppléant lors des séances de CCATM,

Article R.I.10-5, §5, alinéa 3 :
« Cette disposition va compliquer le fonctionnement des commissions communales. IEW demande un assouplissement, c’est à dire l’autorisation pour tous les membres d’assister à toutes les séances.

  • Comme la CRAT dans son avis sur l’arrêté (voyez notamment CRAT /16/AV.402/20 octobre 2016, p. 9-10), IEW plaide en faveur de la suppression de cet alinéa. Ce serait un retour au CWATUP, puisque la présence simultanée de chaque membre, effectif ou suppléant, aux séances, proscrite par le CoDT, était autorisée par le CWATUP.
  • De nombreux commentaires en ce sens ont été formulés par le public lors des formations au CoDT dispensées par la Fédération en 2017, mais aussi aux séances de présentation du Code organisées par le Ministre de l’Aménagement du territoire.
  • Les membres de CCATM nous envoient des arguments en faveur de la simultanéité de la présence des membres effectifs et suppléants en séance lors des réunions de la CCATM. Les voici :
    a) La présence simultanée permet d’éviter les problèmes de quorum. Il est souvent difficile de se coordonner entre effectif et suppléant, et ce même s’il existe un intérêt commun aux deux membres. En excluant les suppléants des séances, le CoDT va provoquer une démotivation énorme. Cela aura pour conséquence l’absence des deux membres. Car à quoi bon se déplacer, si l’on court le risque de ne pas pouvoir assister à la séance ?

b) En raison de leur engagement professionnel ou politique, des membres peuvent être directement concernés par un dossier et sommés de se retirer pendant le vote, après avoir été présents pour répondre aux questions et prendre connaissance de points soulevés lors du débat. Il faut alors que le membre suppléant soit disponible. Attend-t-il derrière la porte ? Si ce n’est pas le cas, le quorum risque de ne plus être atteint au départ du membre effectif ! Devra-t-on établir un « banc de réserve », comme au foot ?

c) En cas de vote, les membres admissibles au vote font leur choix et les membres surnuméraires s’abstiennent, mais ils participent au débat préalable. Chacun vient avec ses connaissances et ses sensibilités propres qui font la richesse des échanges, que le suppléant aie le droit de vote ou pas. L’article R.I.10-5, §5, alinéa 3 fait l’impasse sur la richesse de ces apports.

d) Plusieurs CCATM se basent sur un consensus construit après débat avec l’ensemble de la commission. Pour elles, le raisonnement « une voix, un siège » ne fait aucun sens, car il n’y a pas de vote.

e) Les séances sont parfois longues, il arrive qu’un membre doive partir avant la fin. Comment gérer cela ? A nouveau, le quorum peut faire défaut, puisqu’on imagine mal faire entrer un suppléant qui n’aura pas assisté au début de la séance.

f) La possibilité d’assister à toutes les séances permet d’assurer un suivi des dossiers d’une réunion à l’autre sans perte d’information : certains dossiers passent plusieurs fois en CCATM, d’autres sont récurrents. Si un suppléant est interdit de séance puis amené à siéger après plusieurs semaines ou mois sans participation, il n’aura pas l’efficacité et la pertinence des autres membres. Il lui manquera des éléments-clé, il devra accepter la méthode d’examen des dossiers sans avoir contribué à la construire. Élargissons ce raisonnement à l’ensemble de la commission : que de temps perdu et de patience mise à l’épreuve, pour ceux qui tentent d’animer ce groupe (le ou la présidente, le conseiller en AT/U, l’échevine ou l’échevin, les membres qui ont participé aux séances antérieures) !

g) La présence régulière aux séances de la commission communale permet à chaque membre d’améliorer sa compréhension des dossiers et sa méthode pour les étudier, de se former en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, ainsi que dans toutes les matières connexes abordées (par exemple égouttage, charge en nitrates, effluents d’élevage, etc.). Les membres de CCATM sont avant tout des citoyens, et même lorsqu’ils sont professionnels ou représentants politiques, le fait de siéger régulièrement leur donne l’occasion de mieux connaître les dossiers communaux en cours.

h) Pour permettre à cette mesure d’économiser des ressources, a-t-on envisagé de la coupler avec une réduction du nombre de courriers de convocation et de chaises dans la salle ? »

NB : Les contributions d’IEW à la Task Force CoDT sont disponibles dans leur intégralité, sur demande.

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Illustration de Joël Scuttenaire / Skutt pour le poster d’IEW « Autant en emporte le territoire