Le conclave budgétaire wallon débutera ce lundi 29 septembre. L’exercice implique de délicats arbitrages. Osons un parallèle : en période de vaches maigres, certaines entreprises commettent l’erreur de « couper » dans les budgets de recherche-développement, au risque de saper leur viabilité à moyen terme. Nous suggérons au Gouvernement wallon de ne pas suivre ces contre-exemples, de garder la tête froide et de maintenir les budgets dédiés à la transition écologique, condition de notre survie sociale et économique.
Une Carte Blanche publiée sur le site du journal Le Soir le 24/09/2025.
Pour l’exprimer de manière simplifiée, ramener un budget à l’équilibre, c’est aligner les dépenses sur les recettes. Dès lors que l’on s’interdit toute réflexion sur la possibilité d’accroître ces dernières, la réduction des dépenses demeure la seule voie d’action. Ce qui donne parfois aux conclaves budgétaires des airs de foire d’empoigne où chaque composante du gouvernement, chaque ministre tente de « sauver ses meubles », voire de supprimer des dépenses jugées inutiles ou inconvenantes. Certaines déclarations récentes, notamment entendues aux fêtes de Wallonie, font craindre aux acteurs de la société civile que l’environnement, la transition écologique et sociale ne fassent les frais du conclave à venir.
« On ne fait pas d’environnement dans un désert économique » assènent certains pour justifier leur absence de considération pour les défis environnementaux (bouleversements climatiques, effondrement de la biodiversité …). Cette assertion est pour le moins saugrenue. Car l’environnement (la nature dont fait partie l’humanité) se porte fort bien dans les déserts économiques. Pour preuve, les forêts primaires, foisonnantes de biodiversité. La proposition inverse – que l’on n’entend jamais – est par contre tout à fait vraie : on ne fait pas (ou si peu) d’économie dans un désert environnemental. Et mener des politiques économiques génératrices de bien-être commun devient de plus en plus difficile dans un environnement dont la dégradation s’accélère. Ce qui, en 2019, amenait l’IPBES (panel intergouvernemental sur la biodiversité, qui compte 147 Etats membres) à souligner l’impérieuse nécessité, pour assurer la pérennité de l’espèce humaine, de mener « une réorganisation en profondeur à l’échelle du système de l’ensemble des facteurs technologiques, économiques et sociaux, y compris des paradigmes, des objectifs et des valeurs. » La société civile, en « prise directe » avec la population est un des acteurs clés de cette réorganisation. Ce qui implique un rôle de critique constructive dont certain·e·s responsables politiques s’accommodent mal, prétendant que l’on ne « mord pas la main qui vous nourrit ».
Sous ses airs de bon sens populaire, cette seconde assertion – excuse classique aux coupes dans le financement de la société civile – constitue un réel danger pour la démocratie. Ceci pour au moins trois raisons. Premièrement, la qualité d’une démocratie se mesure notamment par la capacité des personnes qui occupent momentanément le pouvoir à nourrir et interagir avec une opposition active. Celle-ci, financée par le pouvoir en place, est tout à la fois parlementaire, médiatique, syndicale et associative. S’il est soucieux de la pérennité de l’Etat de droit, un gouvernement finance sans amertume et sans arrière-pensée ces contre-pouvoirs. Deuxièmement, plutôt qu’une main nourricière, un gouvernement constitue – le temps d’un mandat – une courroie de redistribution du budget. Lequel est notamment alimenté par les impôts des citoyens, dont la confiance dans le secteur associatif demeure forte et stable. Troisièmement, s’il est vrai que la société civile « mord » parfois, c’est bien là un de ses rôles salutaires. Ses acteurs ont à cœur de l’exercer dans un esprit de critique constructive. De plus, ses missions ne s’arrêtent bien heureusement pas là. Le travail d’éducation permanente permet de préparer les citoyen·ne·s à l’indispensable transition écologique, facilitant l’acceptation de mesures politiques a priori peu populaires. L’éducation à l’environnement permet de conscientiser les citoyen·ne·s de demain aux enjeux auxquels elles et ils seront confrontés. Les analyses politiquement apartisanes de la société civile et le dialogue de qualité qu’elle entretient avec les pouvoirs législatif et exécutif ainsi que les administrations contribuent à instruire utilement la décision politique … la liste serait encore longue.
Conscients de la difficulté de l’exercice budgétaire à venir, nous sommes également alarmés par certaines prises de positions politiques et par la situation dramatique de certains acteurs de la société civile (de nombreux organismes ont dû commencer à licencier et la survie de certains n’est pas assurée). Dès lors, nous appelons l’ensemble du gouvernement wallon à sortir la tête du guidon et à conserver la hauteur de vue nécessaire pour éviter de « couper là où c’est facile », soit dans le financement des associations d’environnement et à finalité sociale. Les économies à court terme qui en résulteraient risqueraient, en nuisant à l’indispensable transition écologique et sociale, de se payer fort cher à moyen et long terme.
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