Élevages intensifs : mieux les localiser ou les éliminer ? Une enquête de la Fédération

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Territoire
  • Temps de lecture :6 min de lecture
You are currently viewing Élevages intensifs : mieux les localiser ou les éliminer ? Une enquête de la Fédération

C’est devenu une réalité : l’implantation des élevages intensifs de porcs ou de poulets en Région wallonne est systématiquement l’objet de vives oppositions de la part des riverains.

Où faut-il alors implanter ce type d’élevages qui, rappelons-le, ne relève pas de l’agriculture traditionnelle de notre région ? Dans des zones agro-économiques, dont le principe existe dans notre législation mais n’a jamais été activé ? À proximité des exploitations ? Ou encore en zone agricole, mais à l’écart de l’habitat ?

Au-delà de la question de la localisation, n’est-il pas temps de repenser nos systèmes de production de viande, grands émetteurs de CO2, pollueurs de notre environnement, notamment de notre eau de consommation, générateurs de conflits sociaux et qui en outre dégradent potentiellement notre santé et contribuent à l’appauvrissement des paysans du Sud et à la déforestation ?

Durant l’été 2008, des experts de la Fédération ont réalisé une enquête auprès d’une partie de la population confrontée directement aux nuisances de ce type d’exploitations. Cette enquête avait pour but de déterminer quelles sont les réalités sociologiques qui sous-tendent les conflits qui déchirent nos villages, au nom du cadre de vie mais aussi d’une certaine philosophie des pratiques agricoles. L’objectif final étant de mettre à plat les critères de décision en matière d’implantation des élevages industriels.

Ce travail de terrain a abouti à une série de constats :

Au-delà du nymbisme, une prise de conscience des enjeux collectifs

Les nombreuses levées de boucliers que les projets d’élevages industriels provoquent dans les villages ont souvent été qualifiées de syndrome NIMBY (Not in My Back Yard) par les partisans de ces implantations.

On accuse généralement les opposants à ce type de projet de se soucier uniquement des nuisances que ces exploitations occasionneront dans leur environnement immédiat, c’est-à-dire principalement les odeurs et les bruits liés au charroi ou à l’activité de l’élevage.

Et pourtant on observe, au sein de la population, l’émergence d’une réelle réflexion de fond sur la problématique des élevages intensifs, sur ses enjeux et conséquences. Il ne s’agit plus, pour les riverains, de défendre uniquement leur propre cadre de vie, mais bien de se battre pour le développement en Région wallonne d’une agriculture durable, respectueuse de l’environnement et des êtres vivants.

Les principaux arguments mis en avant par les riverains confrontés à ces exploitations sont multiples et relèvent tant des préoccupations sociales, qu’économiques ou environnementales.

Citons notamment, les dérives du système intégré (contrats entre les éleveurs et les grosses firmes agroalimentaires généralement flamandes), le cadre réglementaire insuffisant et les contrôles trop rares, les nuisances olfactives, la dévaluation immobilière, la pollution des sols et des eaux souterraines, les dangers sanitaires, la qualité de la viande produite, l’intégration paysagère, le bien-être animal, l’impact sur le tourisme, les questions éthiques, etc.

L’existence de cas extrêmes

En certains endroits de Wallonie, la concentration des élevages intensifs met en péril le bien-être des habitants, l’environnement et le développement économique et durable de ces zones.

Les régions de Comines-Warneton, Braives-Burdinnes, de Sivry-Rance et le village d’Estinnes-au-Val, particulièrement touchés ce phénomène, nécessitent la mise en place urgente par les autorités locales et régionales de mesures visant à freiner ce développement anarchique.

Une cohabitation difficile

La multiplication des élevages intensifs exacerbe les tensions déjà présentes entre agriculteurs et non agriculteurs en milieu rural. Les exploitants ont le sentiment que les autres habitants tentent de leur imposer leur vision de la ruralité, notamment par le rejet d’activités agricoles voisines.

Les riverains savent que les éleveurs qui se lancent dans ce type d’exploitations ne représentent pas la majorité de la population agricole. Les projets de porcheries et de poulaillers industriels déclenchent généralement chez eux une opposition de principe, renforcée par l’image négative que véhicule l’élevage intensif.

En organisant des visites dans leurs installations ou des séances d’information, les éleveurs ont le sentiment de faire un effort, de prouver leur bonne foi. Le refus des riverains, malgré ces démarches, de voir leur projet aboutir, renforce leur impression d’être rejetés.

À l’inverse, les éleveurs ne cherchent pas non plus à comprendre ce qui motive ces oppositions massives, à en connaître les raisons, ni à se renseigner sur d’éventuelles alternatives.

Pas de localisation « parfaite »

Il semble essentiel de maintenir l’installation des élevages industriels en zone agricole ou d’habitat rural. En effet, s’il est sans doute nécessaire de garantir une distance par rapport à l’habitat résidentiel pour éviter les problèmes de bruit et d’odeur, il ne faut pas non plus aboutir à un éloignement excessif des bâtiments d’élevage qui serait coûteux en termes d’infrastructures et négatif du point de vue paysager.

Bien que les évolutions techniques aient permis de réduire fortement les nuisances olfactives des élevages industriels, le problème est loin d’être résolu. Il n’y a pas, en Région wallonne, de dispositif d’évaluation de ces odeurs qui permettrait de déterminer le rayon de gêne olfactive causée par une exploitation, sur base de critères objectifs.

Il importe donc de développer un outil d’évaluation concerté et négocié avec tous les acteurs (riverains, éleveurs, environnementalistes, FPW, etc.) afin d’éviter des contestations ultérieures.

L’alternative des zonings agro-industriels apporte son lot d’inconvénients qui rendent cette option irréaliste (incompatibilité du système avec une alimentation de qualité, pas de résolution du problème des épandages, multiplication des transports, déshumanisation de la profession, réification de l’animal, etc.).

Enfin, bien qu’elle soit centrale, la question de la localisation n’apporte de solution qu’aux seuls problèmes paysager et de voisinage. Elle ne répond en rien aux questions environnementales, sanitaires et économiques que pose le développement de cette activité.

Consultez le rapport de l’enquête sur l’implantation des élevages intensifs en Région wallonne peut être consulté ici.