Energie : il reste tant à faire…

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Au fédéral, 4 ans de perdu… A moins que …  

L’ambition de la législature fédérale était claire. Redonner une vision en matière d’énergie… Clarifier et consolider l’agenda de sortie du nucléaire et booster la transition énergétique en Belgique… Quatre ans plus tard, on ne peut pas dire qu’on y voit plus clair en terme de vision, et on est loin d’être prêts pour une sortie du nucléaire coordonnée en 2025… En cas de prolongation du nucléaire après 2025, notre approvisionnement électrique dépendra alors de capacités qui ont montré leur manque total de fiabilité (pannes à répétition qui nous amènent chaque hiver à parler de black-out), sans parler du risque croissant lié à l’utilisation de centrales vieillissantes… Il est évident que la responsabilité du Gouvernement fédéral sera grande si un tel scénario venait à se confirmer.

Mais peut-être n’est-il pas trop tard ? Pour éviter ce scénario catastrophe, la priorité est de faire passer le mécanisme de soutien aux nouvelles capacités électriques (appelé CRM pour Capacity Remunération Mechanism) qui viendront « épauler » les renouvelables après la fermeture des centrales nucléaires. Le temps presse, la loi doit être votée d’ici aux élections. Mais les obstacles sont nombreux et demandent un engagement réel du Gouvernement :

  1. Après avoir approuvé le projet de loi ce 11 janvier, le Gouvernement minoritaire fédéral devra trouver une majorité ponctuelle à la chambre. Hélas, à notre connaissance, les négociations avec l’opposition n’ont pas vraiment commencé…
  2. Deuxième obstacle, la Court de justice de l’UE a recalé un projet de loi CRM semblable en Grande Bretagne précisément parce que celle-ci n’avait pas laissé suffisamment de temps à la Commission pour l’évaluer. Il est donc crucial d’intégrer les négociations avec la Commission EU le plus tôt possible.
  3. Surtout, quelles capacités pourront être soutenues par le mécanisme ? En 2016, Elia avait estimé à 3,6GW la capacité nécessaire… C’est le prochain gouvernement qui devra prendre cette décision mais la ministre Marghem doit mandater la CREG (et sans doute Elia) pour qu’ils affinent les calculs faits. C’est le cœur de la décision pour les environnementalistes. Il reste des marges pour diminuer au maximum le soutien à des centrales électriques au gaz polluantes, notamment en boostant la « gestion de la demande » (des baisses de consommation ponctuelles mise sur le marché contre rémunération quand le vent souffle peu par exemple).

Au niveau de la Wallonie : ne pas confondre vitesse et précipitation…

Le Ministre Crucke et son équipe n’ont pas perdu de temps depuis leur entrée en fonction. En un an et demi, beaucoup de projets ont été lancés et souvent de manière intelligente et concertée. Bravo ! Mais attention à ne pas rester au milieu du gué. Quelques dossiers cruciaux doivent encore atterrir d’ici la fin de la législature.

Notamment,le ministre Crucke s’est lancé dans le chantier de la révision du mécanisme de soutien aux renouvelables déjà passé en première lecture au Gouvernement… Sans rentrer dans les nombreux détails  echniques de cette proposition très large, voici quelques points d’attention sur ce dossier crucial :

  1. Enjeux numéro 1 : Trouver le juste soutien public qui permet à la fois d’accélérer l’installation de renouvelables tout en limitant au maximum les sur-subventionnements. Dans cette recherche d’équilibre, le gouvernement a sans doute voulu trop vite baisser les coûts (en diminuant le taux d’octroi de certificats verts et en supprimant la garantie d’un rendement minimum). C’est ce que le régulateur wallon, la CWAPE, vient de signaler dans une récente étude (il n’a fait le calcul que pour l’éolien).
  2. Pour l’éolien, les niveaux de soutien proposés son insuffisants et surtout plus étalés dans le temps (on passe de 15 ans de soutien à 20 ans mais en baissant le montant annuel). Cela favorise les gros opérateurs qui disposent de cash au détriment des petites structures comme les coopératives citoyennes…
  3. Pour l’éolien toujours, «  diminuer les niveaux de soutien doit se faire en parallèle d’une amélioration des conditions de marché » disait-on déjà l’année passée. Et de ce point de vue, le Gouvernement wallon a peu avancé. Si on regarde la filière éolienne, la pax éolienica censée faciliter l’installation de mats en Wallonie reste hélas une paix de papier… (Où en sont les négociations avec l’armée sur les zones d’exclusion aérienne ? Et le décret Di Antonio sur la participation citoyenne, élément crucial pour l’acceptabilité des projets ? )
  4. Pour résorber la bulle des certificats verts, le Gouvernement propose de renvoyer la patate chaude à la génération future via une « titrisation » de la dette. (En gros on paiera jusque 2034 !) Pourquoi pas… Mais à condition de limiter au maximum l’usage de ce pis-aller. Il qui alourdit la facture (la CWAPE estime à 374 millions € le cout du mécanisme dans un scénario type) et, période électorale oblige, le ministre Crucke propose carrément de baisser la facture à court terme (en baissant la surcharge Elia… )… A revoir !

Au final, l’impression est que ce dossier de révision du mécanisme de soutien aux renouvelables n’est « pas mûr »…  Vouloir le faire passer coûte que coûte serait peu judicieux.

Comment financer la transition ?

Comme nous le rappelons régulièrement, après des années de sous-investissement chronique, nous devons collectivement investir dans la transition énergétique. Mais nos décideurs politiques (de tous bords) ont le plus grand mal à assumer cette nécessité devant l’électeur. Cela les amène à soit ne pas prendre de décision (dans le cas du nucléaire), soit à renvoyer la responsabilité à plus tard (dans le cas du soutien wallon)… C’est typiquement le cas dans LE dossier test pour la fin de la législature, la TVA sur l’électricité que certains partis  (PS/ CDH en tête) voudraient baisser de 21% à 6% ce qui serait une erreur tant au niveau environnemental que social.
Un débat public devra impérativement se faire au niveau belge (avec le fédéral et les régions) et regrouper les acteurs économiques et sociaux autour de plusieurs questions:

  • Qui va payer ? Les grandes entreprises sont aujourd’hui de plus en plus systématiquement exonérées… Si cela se justifie parfois pour protéger les industries energie-intensives soumises à la concurrence, une exonération trop systématique se fait au détriment principalement des PMEs et des classes moyennes.
  • Par quel canal ? Aujourd’hui, nous payons l’électricité via la facture ce qui a le mérite de privilégier un principe de pollueur-payeur contrairement au paiement via l’impôt…
  • Comment garantir un accès décent à l’énergie pour les plus démunis ? Rappelons que 20% des wallons ont du mal à payer leur besoins énergétiques de base !!!
  • Comment améliorer l’acceptation sociale de ces coûts d’investissement ? On l’a vu avec les gilets jaunes, nous sommes devenus structurellement dépendant à une énergie bon marché (nous dépendons de la voiture, vivons dans des maisons souvent sur dimensionnées et mal isolées… ). La hausse nécessaire du prix de l’énergie devra se faire de manière lisible pour que les consommateurs aient la possibilité de s’adapter et de se débarasser de cette addiction.

D’ici aux élections, il serait bien que chaque parti reconnaisse la nécessité d’un tel débat et surtout ne prenne pas de décision à l’emporte pièce qui irait à l’encontre de cette nécessité …