Energy package : les ONG appellent le Conseil et le Parlement européen à renforcer la proposition de la Commission

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La Commission européenne a présenté ce mercredi les contours précis de l’Energy Package, qui constitue à la fois une arme majeure dans la lutte contre les changements climatiques et le cadre permettant de mener une indispensable révolution énergétique. Analyse associative…

Lors du Conseil européen de mars 2007, il a été décidé que les Etats membres devront d’ici 2020 réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 30% [[En cas d’accord global international et d’engagements similaires de la part des autres pays industrialisés, scénario indispensable et par ailleurs très probable vu les résultats encourageants de la Conférence de Bali. Dans le cas contraire, l’UE s’est engagée à réduire unilatéralement ses émissions de 20%]] et porter la part des sources d’énergie renouvelables à 20% de leurs consommations. Ils devront par ailleurs améliorer leur efficacité énergétique de 20% à la même échéance. L’Energy package comprend quatre volets principaux destinés à opérationnaliser la mise en ½uvre de mesures destinées à atteindre les deux premiers objectifs (l’objectif d’amélioration de l’efficacité énergétique fera l’objet d’un processus à part) :

1) répartition de l’effort des Etats membres pour atteindre l’objectif global de réduction d’émissions
2) révision de la directive sur les sources d’énergie renouvelables
3) révision de la directive « ETS », qui organise le marché d’échange de quotas d’émissions pour les quelques 12 000 entreprises européennes concernées
4) la définition d’un cadre réglementaire pour la capture et la séquestration du carbone

La proposition de la Commission européenne présentée ce mercredi n’est que la première étape d’un long processus, puisque tant le Conseil que le Parlement européens seront amenés à traiter la question. Des modifications y seront donc apportées. De nombreuses ONG européennes ont vivement réagi à la proposition de la Commission en appelant les autres organes décisionnels de l’UE à modifier les nombreuses dispositions qui affaiblissent fortement la portée des objectifs du Conseil européen.

Répartition de l’effort de réduction d’émissions pour les 27 Etats membres

Les associations regrettent que les chiffres présentés par la Commission reposent sur l’objectif européen de réduction de 20% des émissions. En effet, cela apparaît contradictoire avec l’accord du Sommet de Bali, lequel faisait référence à la nécessité pour les pays industrialisés de réduire domestiquement leurs émissions de 25% à 40% entre 1990 et 2020, des chiffres par ailleurs recommandés par le GIEC il y a quelques mois à peine pour avoir une chance acceptable de maintenir le réchauffement global sous la barre des 2°C (un objectif lui aussi soutenu par le Conseil européen de 2007).
Si l’on considère par ailleurs le fait que la Commission autorise les Etats membres à recourir massivement à l’achat de quotas à l’étranger, les réductions effectives des Etats membres seraient donc dans ce cas de figure inférieures à 20% (de l’ordre de 15% maximum). La Commission européenne ignore donc les recommandations scientifiques et propose un objectif qui n’est pas cohérent avec la position du Conseil, puisque l’on est très éloigné des 25% à 40%.

Révision de la législation européenne en matière de sources d’énergie renouvelables

Les associations sont globalement satisfaites par l’objectif de porter la part des sources d’énergie renouvelables à 20% des consommations d’énergie d’ici 2020, bien qu’il eut été préférable – et réaliste – d’aller au-delà de ce chiffre (25% semble tout-à-fait réaliste) tant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre que pour diminuer notre dépendance aux sources d’énergie fossiles dont les prix sont structurellement appelés à augmenter.
Cependant, de nombreuses ONG ont fait part de leur plus vive inquiétude quant à la proposition d’imposer aux Etats membres d’incorporer 10% de sources d’énergie renouvelables (lisez : d’agrocarburants) pour le secteur des transports. Il apparaît en effet étonnant qu’un tel objectif soit fixé de manière contraignante pour le transport alors que ce n’est pas le cas dans les autres secteurs (électricité, production de chaleur ou de froid), lorsqu’on sait que l’utilisation de la biomasse dans le secteur des transports est la façon la moins efficace d’exploiter cette source d’énergie renouvelable. Par ailleurs, les critères proposés par la Commission pour assurer que la biomasse soit produite de manière durable (une condition posée par le Conseil européen de mars 2007) sont à ce stade nettement insuffisants.

Les conséquences négatives d’un développement massif des agrocarburants tel qu’envisagé aujourd’hui par l’UE sont pourtant particulièrement préoccupantes, en particulier dans les pays du Sud : hausse des prix des denrées alimentaires, déforestation, exploitation des populations locales, altération des écosystèmes et de la biodiversité, etc. On considère enfin que le potentiel de réduction d’émissions de gaz à effet de serre par le recours aux agrocarburants est très limités, voire nul pour certaines filières (Comme le confirme un très récent rapport confidentiel [dévoilé par le [Financial Times le 17 janvier) réalisé par les services internes de la Commission qui, très ennuyée, a tenté d’en minimiser la portée.]].
Dans ce contexte, Inter-Environnement Wallonie plaide pour que cet objectif de 10% soit revu à la baisse et non-contraignant. Par ailleurs, le système mis en place pour garantir la durabilité de la biomasse produite doit être considérablement renforcée.

Révision de la Directive « Emission Trading Scheme »

Le système d’échange de quotas d’émissions actuellement en vigueur comporte de nombreuses lacunes qui en affaiblissent fortement l’efficacité. La Directive qui en définit la mise en ½uvre sera donc revue afin d’en corriger les lacunes.
Les ONG sont satisfaites qu’il soit proposé que les instances européennes soient dorénavant chargées d’allouer les quotas aux entreprises. Le système actuel, qui en laisse la responsabilité aux Etats membres, incite en effet ceux-ci à se montrer particulièrement généreux pour favoriser leur industrie. Cela avait récemment conduit le prix de la tonne de carbone à des niveaux ridiculement bas (proche de zéro) en raison d’une surabondance de quotas.
La Commission propose par ailleurs qu’une partie de ces quotas soit dorénavant mise aux enchères et non plus allouée gratuitement, afin notamment d’éviter les windfall profits (les producteurs d’électricité, par exemple, incluaient les prix de quotas pourtant reçus gratuitement dans leurs prix de vente). Il est cependant regrettable que les pressions exercées par l’industrie aient conduit la Commission à affaiblir le texte, exemptant par exemple les industries intensives en énergie de ce système.

En conclusion, la proposition présentée cette semaine par la Commission pose les premiers jalons d’une révolution énergétique indispensable pour faire face au réchauffement global et réduire notre dépendance vis-à-vis des sources d’énergie fossiles. Affaiblie en dernière minute suite aux pressions intenses de l’industrie et de certains Etats membres – parmi lesquels la Belgique -, elle devra toutefois être améliorée à de nombreux égards par les Etats membres et le Parlement européen afin d’être plus efficace et cohérente avec la proposition du Conseil européen de mars 2007. Et de permettre à l’UE de s’engouffrer dans cette dynamique qui ne pourra être que bénéfique tant d’un point de vue environnemental, qu’économique et social. Il en est de notre devoir en raison de notre responsabilité dans le problème du réchauffement. Et de la crédibilité d’une UE qui, véritable moteur en matière de politique climatique sur la scène internationale, se doit d’être cohérente sur le plan national.

Pour plus d’information : Climate Action Network Europe

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