Evolution de l’opinion des Belges en matière d’environnement

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Il y a peu d’enquêtes d’opinion aussi large et précise que l’enquête nationale réalisée a la demande de la RTBF et de la VRT. réalisée par le CEVIPOL. Même si une enquête n’est pas l’opinion, elle montre tout de même des tendances lourdes. Suite à une discussion avec l’auteur principal de l’enquête, Jean-Benoit Pilet, que nous avons eu la chance de recevoir dans nos bureaux, voici les enseignements principaux que l’on peut en tirer  pour la lutte environnementale.

Sur la question de l’environnement, l’enquête est claire : L’environnement ne préoccupe plus (trop) les Belges. Un chiffre le montre assez clairement : en 2019, au cœur des manifestations pour le climat, 30% des Wallons citaient spontanément le climat ou la biodiversité comme leur préoccupation principale. En 2025, ils ne sont plus que 2-3% selon les régions… Plus grave, l’environnement n’apparait tout simplement pratiquement plus dans les préoccupations citées spontanément par les Belges lors de l’enquête…

Flandre 24Flandre 25Wallonie 24Wallonie 25BXL 24BXL 25
Immigration (24%)​Budget (18,5%)​Réforme politique (23,5%)​Economie (22%)​Réforme politique (25,3%)​Economie (20%)​
Réforme politique (23%) ​Réforme politique (18%)​Economie (22,4%)​Réforme politique (17%)​Economie (13,1%)​Réforme politique (16%)​
Budget (18%)​Immigration (16%)​Budget (9,6%)​Budget( 11%)​Immigration (13,1%)​Criminalité (14%)​
Economie (10%)​Economie (11%)​Criminalité (8,9%)​Criminalité (9%)​Climat (12,6%)Budget (10%)​
Climat (6%)Criminalité (7%)​Climat (7,4%)Immigration (8%)​Budget (11,1%)​Emploi (7%)​
Criminalité (4%)​Sécurité internat. (8%)​Immigration (6,8%)​Sécurité internat. (6%)​Criminalité (7,1%)​Immigration (6%)​
Sécurité sociale (2%)​Emploi (4%)​Sécurité sociale (5,9%)​Emploi (5%)​Sécurité sociale (3,8%)​Sécurité internat. (5%)​
Inégalités (2%)​Climat (3%)Inégalités (4,7%)​Climat (2%)Inégalités (2,7%)​Climat (3%)

Que s’est-il passé ?

Tout d’abord, d’autres crises sont aujourd’hui perçues comme plus importantes et urgentes pour l’opinion. Mais il faut relativiser cela aussi. La sécurité internationale qui occupe le devant de l’actualité au moment du sondage (mars 25) n’est la préoccupation principale que pour 6% des Wallons. Depuis 2021, c’est la préoccupation économique (pouvoir d’achat, inflation…) qui prédomine.

Bien que le CEVIPOL ne dispose pas d’enquête intermédiaire, d’autres enquêtes en Flandres montrent que ce désintérêt s’est fait de manière très progressive depuis 2019, submergé par d’ « autres crises » d’abord le COVID, puis l’inflation et les crises internationales. « On pense à l’environnement quand le reste va bien ».

A l’inverse, la préoccupation environnementale ne semble pas augmenter quand des catastrophes naturelles font l’actualité comme durant les inondations de 2020.

Un élément souligné par le CEVIPOL apporte un autre éclairage. Quand on demande aux Belges « quel est l’enjeu INTERNATIONAL le plus important », le climat devient alors la 3è préoccupation citée. Cela semble suggérer que la crise environnementale n’est pas ou plus considérée comme un problème « local ». « C’est pas moi c’est les Chinois »…

A la question posée « quel est l’enjeu international principal, l’environnement revient au troisième rang…

L’enquête CEVIPOL nous apprend une autre évolution par rapport à 2019. Il n’y a plus de différence de classes d’âges que l’on retrouvait très forte en 2019 où les jeunes et diplômés étaient beaucoup plus préoccupés que leurs ainés. Des différences légères  existent toujours, notamment selon le revenu, le diplôme ou le genre, mais elles sont finalement peu significatives…

Revenu mensuel<1700€1700-2500€2500-3600€3600-4700€4700-5600€>5600€
1,1%​2,3%​2,2%​1,9%​3,8%​2,9%​
GenreHommesFemmes
2,5%​1,5%​
DiplômeAucun/primaireSecondaire inf.Secondaire sup.Supérieur non-univ.Université
0,42%​1,05%​0,77%​1,53%​3,95%​
Classes d’âge18-2930-4445-6465 et +
1,99%​2,13%​1,6%​2,32%​
Gauche-droite0-23-456-78-10
4,9%​2,4%​1,0%​0,8%​0,0%​
Pourcentage de gens citant d’abord l’environnement comme préoccupation selon l’âge, le revenu, le diplôme, le genre ou la perception politique (gauche/droite)

Le Cevipol a aussi testé certaines mesures environnementales. Si l’environnement n’est plus une préoccupation «citée spontanément », le soutien dans la population pour des mesures environnementales assez fortes reste élevé. Notamment taxer davantage les produits polluants est soutenu par 60 à 80% des citoyens selon les régions. Le soutien est encore plus important pour des mesures comme l’Interdiction du glyphosate, ou la taxation des grandes entreprises.

Cela permet de réconcilier les résultats de cette enquête avec d’autres plus spécifiques sur des questions environnementales comme l’enquête sur le climat réalisée par l’administration fédérale tous les 5 ans (dernière édition 2021) . Quand on leur parle environnement, les gens demeurent concernés et prêts à agir. Pas de climato scepticisme donc…

A part sur le nucléaire, les Belges soutiennent toujours des mesures environnementales fortes, y compris celles perçues comme impopulaires comme les taxes environnementales)

Sur le soutien aux mesures, on retrouve des différences générationnelles plus marquées, les jeunes et les diplômés restant plus favorables à l’instauration de mesures environnementales perçues comme moins acceptables par le reste de la population comme la taxation environnementale sur de produits nuisibles. Cela confirme les résultats d’études moins représentatives (car collectant des réponses sur base volontaire) comme le tout dernier baromètre de l’environnement sorti par le soir en juin 25.

En termes de partis, les auteurs de l’étude précise que les Engagés, qui ont tenté de mobiliser sur ce thème lors de la campagne des élections 2024 ne sont pas perçus comme plus « environnementalistes » que le PS ou le MR. « Clairement, malgré leur baisse électorale, Ecolo et Groen ne sont pas encore du tout menacés par d’autres partis comme propriétaire de cet enjeu« , relataient les experts du CEVIPOL dans Le Soir.

Dernier élément probant : l’enquête CEVIPOL laisse entrevoir une société belge de plus en plus clivée sur un axe gauche/droite. On pourrait penser que l’environnement est plutôt perçu comme « de gauche ». Ce n’est pas le cas d’après le CEVIPOL, même si certaines mesures (nucléaire, voiture thermique) sont plus difficiles pour les électeurs qui se disent plus à droite. Une grande partie de l’enquête est disponible sur le site de la RTBF.

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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