Gestion de l’eau : la Région coulée par l’Europe

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Il est des courriers que l’on redoute de recevoir et, quand ils arrivent (parce qu’ils arrivent toujours…), que l’on déteste ouvrir parce que l’on sait pertinemment ce qu’ils contiennent : généralement le rappel d’une obligation dont on a plusieurs fois postposé l’acquittement. L’agacement se joint alors à la culpabilité et l’on ne peut généralement réprimer une expression peu polie du genre « m…, ils ne peuvent pas me lâcher un peu ceux-là ! ».

C’est probablement ce qu’ont du se dire (dans leur fort intérieur, pas de vive voix, of course !) les responsables wallons à la réception du courrier adressé à la Belgique par la Commission européenne. La raison de ce rappel à l’ordre ? Nous n’avons toujours pas de plans de gestion des bassins hydrographiques. Toujours pas d’objectifs environnementaux pour les masses d’eau. Toujours pas de consultation du public à ce sujet. Bref, la Région wallonne ne répond pas aux obligations les plus concrètes de la Directive cadre sur l’eau (DCE), celles qui doivent permettre de restaurer la qualité de 65% nos eaux de surface.

Et la Commission tire les conclusions suivantes : « Cet état de fait compromet la réalisation des objectifs de la directive. Tout retard supplémentaire aura des répercussions sur la mise en ½uvre générale de la directive, sur l’établissement des mesures et, en définitive, sur l’amélioration de l’environnement aquatique. C’est la raison pour laquelle la Commission a adressé un premier avertissement écrit aux États membres concernés afin de les inciter à accélérer les procédures relatives à l’adoption des plans. Ils disposent d’un délai de deux mois pour lui répondre. »

Rappelez-vous les problèmes qu’avait connus la première tentative de rédaction des plans de gestion : informations très incomplètes, catalogue d’idées de mesures, enquête publique se trompant d’objet.
La rectification du tir est en cours nous assure-t-on. Objectif : rattraper le retard, un retard alourdi par d’autres, en matière d’assainissement des eaux usées notamment.

Etant donné que les échéances des obligations de la DCE sont très proches (bon état des eaux en 2015), les missions prioritaires confiées à l’administration, à la SPGE Société Publique de la Gestion de l’Eau) et à la SWDE (Société wallonne des eaux ) visent avant tout à… trouver des excuses ! Ici elles s’appellent « justifications d’ordre économique en matière d’exemption ». Il y a visiblement beaucoup de boulot, et le Gouvernement appelle la SWDE en renfort. Pas évident de justifier, chiffres à l’appui, que les « améliorations nécessaires de l’état des masses d’eau ne peuvent raisonnablement être réalisées dans les délais indiqués ». Là où on va s’amuser, c’est dans le respect de la condition générale : « Les échéances (…) peuvent être reportées aux fins d’une réalisation progressive des objectifs pour les masses d’eau, à condition que l’état de la masse d’eau concernée ne se détériore pas davantage ». Les informations les plus récentes font état de la dégradation de la qualité des eaux souterraines, et la situation des eaux de surface, très contrastée, est à tenir à l’oeil.

En matière de participation, la Région wallonne avait annoncé la (véritable) consultation du public sur les plans de gestion pour la seconde moitié de 2009, tous les documents européens en font d’ailleurs encore mention. Dans les faits, elle devrait démarrer en décembre 2010.

En attendant – parce qu’on attend toujours, la Belgique est une tache rouge au milieu de ses voisins européens, rejoignant les pays les moins avancés dans la protection de leurs milieux aquatiques, Espagne, Portugal et Grèce en particulier. Et la présidence belge de l’Union démarre dans moins d’un mois. Dans un tel contexte, il fallait vraiment oser choisir l’eau comme un sujet phare de la Wallonie pour la présidence européenne. La Région et la Commission proposent une conférence à Liège les 19 et 20 octobre 2010, sur les aspects économiques de la Directive cadre eau, et en particulier sur l’aspect tarification. Voilà comment une Directive novatrice et exigeante, assortie d’un système rapproché de suivi par la Commission, permet de créer de l’expertise et de la valoriser.

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Extrait de nIEWs (n°77, du 10 au 24 juin 2010),

la Lettre d’information de la Fédération.

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