Get Real : voitures, mensonges et CO2

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Mobilité
  • Temps de lecture :7 min de lecture
You are currently viewing Get Real : voitures, mensonges et CO2

Ce lundi 21 octobre 2019 se tenait à Bruxelles, dans les locaux de la Chambre, un workshop organisé par IEW dans le cadre du projet LIFE « Get Real » mené conjointement par l’association allemande DUH et la fédération européenne T&E. Petite synthèse de cet événement intitulé « émissions de CO2 des voitures neuves et droits des consommateurs ».

Le projet LIFE Get Real vise à améliorer la fiabilité des émissions de CO2 annoncées par les constructeurs d’automobiles et à explorer les moyens légaux dont disposent les consommateurs pour faire entendre leur droit à une information fiable. Afin d’en présenter largement les résultats, mettre ceux-ci en perspective et en faciliter l’appropriation tant par les acteurs publics que par la société civile, le projet inclut l’organisation de workshops dans divers Etats européens, dont la Belgique.

Une trentaine de personnes de tous horizons (politique, administratif, consultance, ONGs, …) assistaient au workshop du 21 octobre à Bruxelles. Celui-ci se déroulait en deux temps, constitués chacun de deux exposés suivis d’un débat (on trouvera le programme complet ici).

Après une introduction par Annette Stolle, responsable adjointe du département trafic et pollution de l’air de DUH (ici), le premier temps était centré sur les aspects techniques et leur nécessaire prise en compte dans les politiques publiques :

  • exposé relatif aux tendances du marché automobile européen et au différentiel entre les émissions de CO2 annoncées par les constructeurs et les émissions réelles (ici) par le Dr Axel Friedrich, expert en transports ;
  • exposé illustrant les implications du différentiel CO2 en matière d’information des consommateurs (étiquetage CO2) et de fiscalité (voitures de société et contributions ONSS) (ici) par Pierre Courbe, chargé de mission mobilité chez IEW.

Le second temps était centré sur les droits des consommateurs et les moyens de faire respecter ceux-ci :

  • présentation des résultats d’une analyse comparant les possibilités de mener des actions collectives en justice dans 6 Etats membres européens (dont la Belgique) (ici) par Silvia Ernst, du bureau Geulen & Klinger ;
  • présentation de l’action en réparation collective menée contre le groupe Volkswagen en Belgique (ici) par Simon November, de Test-Achats.

Les deux premiers exposés et le débat qui s’en est suivi ont permis de comprendre l’origine du différentiel entre les émissions de CO2 annoncées par les constructeurs et les émissions réelles (mesurées sur route), lequel atteint aujourd’hui 40% (contre 9% en 2001). L’évolution du cadre législatif européen (notamment le passage du cycle de test NEDC au cycle WLTP), si elle est positive, ne suffit pas à résoudre le problème. Les constructeurs ne manifestent aucun signe d’une réelle volonté d’améliorer la fiabilité des données publiées. Pire : en continuant à développer l’offre de voitures plus lourdes et plus puissantes donc consommant plus d’énergie et dès lors émettant plus de CO2, les constructeurs se condamnent eux-mêmes à tricher pour atteindre les objectifs de réduction des émissions que leur impose la législation européenne. En Belgique, le pouvoir fédéral ne semble pas avoir pris la mesure du problème. D’une part, lors de la modification, en 2017, du système d’étiquetage CO2 des voitures pour tenir compte du passage au cycle de test WLTP, la qualité de l’information fournie au consommateur a été dégradée. D’autre part, le Gouvernement fédéral n’a jamais adapté la fiscalité des voitures de société pour tenir compte de la croissance du différentiel CO2, ce qui a notamment eu pour effet de diminuer les cotisations ONSS dues sur ces moyens de rémunération alternatifs en dépit de la croissance du nombre de voitures de société. La non fiabilité des émissions de CO2 annoncées par les constructeurs devrait également être prise en compte par les pouvoirs régionaux pour la réforme des outils fiscaux régionaux : la taxe de mise en circulation (TMC) et la taxe de circulation (TC).

Des deux derniers exposés et du débat qui s’en est suivi, on retiendra entre autres la très grande hétérogénéité entre les systèmes d’action collective en justice en vigueur dans les différents Etats européens, le système belge étant celui qui octroie aux consommateurs la meilleure défense de leurs droits. On observe néanmoins une certaine lenteur dans le traitement de l’action en réparation collective introduite par Test-Achats contre le groupe Volkswagen et D’Ieteren. Ainsi, ce n’est qu’en décembre 2017 que le tribunal de Bruxelles déclarait recevable cette action déposée en juin 2016. Point positif de la décision : le tribunal choisissait le système d’opt-out, c’est-à-dire que tous les consommateurs belges possédant une voiture de marque VW impactée par le dieselgate bénéficieront, le cas échéant, des mesures de réparation octroyées aux plaignants représentés par Test-Achats. Par ailleurs, les pouvoirs publics ne donnent aucun signe d’une volonté de réduire le différentiels CO2 et d’améliorer ainsi la fiabilité des informations fournies aux consommateurs. Dès lors, il apparaît tout à fait opportun d’initier une réflexion sur une action en réparation collective en ce domaine.

Le workshop Get Real a permis de mettre en contact des personnes de différents horizons et de croiser les expertises. Il a également illustré la nécessité d’offrir aux pouvoirs législatif et exécutif une information fiable, non partisane. Trop souvent encore, en ce domaine, des décisions politiques sont prises en l’absence d’une telle information, voire sous l’influence d’une information biaisée issue des seuls constructeurs – lesquels sont, par nature, plus enclins à protéger leurs intérêts financiers que la santé publique, la biodiversité, le climat planétaire ou les droits des consommateurs. La très grande technicité de ces questions plaide pour une meilleure collaboration entre les cabinets ministériels et l’administration, l’expertise de cette dernière devant être reconnue, valorisée et développée comme le notait en 2017 la Commission européenne dans son examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne en Belgique.1

Les personnes souhaitant obtenir des informations complémentaires sur ces questions peuvent contacter p.courbe@iew.be.

  1. Commission européenne. 2017. L’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’UE. Rapport par pays – Belgique – Document de travail des services de la Commission, p. 31-32