Hommage aux lobbyistes de l’industrie automobile

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Que les fidèles lecteurs se rassurent : point de laïus ici sur la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports ni de sermons décrivant les nombreux autres effets néfastes de l’automobile.

Non! Un hommage pour changer. Hommage aux plus ou moins fines stratégies d’adaptation des constructeurs automobiles face aux tentatives plus ou moins sincères des pouvoirs publics de s’attaquer aux problèmes susmentionnés en usant des outils dont ils disposent. Hommage aux lobbyistes du secteur donc.

Les outils publics relèvent de quatre catégories :

 la planification (aménagement du territoire, investissements en transport en commun, …) ;

 les normes et réglementations (normes de produits, code de la route, …) ;

 la fiscalité (taxe de mise en circulation, taxe de circulation, accises, Eurovignette, …) ;

 l’information et la sensibilisation.

Pour les constructeurs automobiles, la planification ne constitue pas à proprement parler un danger palpable. Il s’agit plutôt d’une « menace de fond ». C’est en ce sens qu’ils semblent avoir intérêt à participer au retard de publication des différents plans de maîtrise de la mobilité (on a presque abandonné tout espoir de voir un jour sortir des « cartons » le quasi-mythique plan national de mobilité durable annoncé il y a près de dix ans). Les lobbys de l’automobile sont donc plutôt hypo-actifs sur ce front.


Les normes et règlements
constituent, eux, un danger certain auquel il convient d’échapper à tout prix (ou peu s’en faut). L’industrie déploie donc beaucoup d’énergie, fait preuve de beaucoup de créativité pour les rendre aussi inopérants que possible. Il s’agit véritablement ici de « miner le terrain » afin de s’affranchir, de tout cadre contraignant. Un exemple riche d’enseignements est la manière magistrale dont le Règlement européen établissant les normes CO2 des voitures neuves vendues en Europe a été progressivement vidé de sa substance. Le texte final fixe des « objectifs contraignants » qui, à peu de choses près, se limitent à prolonger l’évolution du secteur observée depuis 1995.

La fiscalité est tout à la fois source d’angoisse et d’intérêt. Une fiscalité au service de l’environnement s’apparente à un cauchemar pour qui a pour profession de fabriquer – et donc vendre – des véhicules automobiles. Le mot d’ordre des lobbys industriels semble ici être de détourner les outils, ou du moins de faire en sorte que la carotte fiscale soit beaucoup plus développée que le bâton. A titre illustratif, l’Etat fédéral a déboursé en 2009 près de 67 millions d’euros en primes à l’achat de véhicules dits « propres ». Si l’effet en termes d’orientation du marché vers les véhicules moins polluants est manifeste, on pouvait arriver à un même résultat tout en dédiant ces budgets au développement des alternatives à la voiture. Les recommandations d’IEW en la matière sont présentées dans le très récent dossier « Taxer plus, taxer mieux ».

Enfin quatrième outil des pouvoirs publics, l’information et la sensibilisation ne représentent pas beaucoup de danger (il est notoire qu’ils ont tendance à ne convaincre que les convaincus…). Par contre, légèrement détournés, récupérés, mijotés aux petits oignons, ils peuvent très vite revêtir les étincelants mais très peu reluisants oripeaux de la publicité…

Le concept de voiture propre s’inscrit pleinement dans la stratégie industrielle, et participe à la lutte contre les trois dernières catégories d’outils des pouvoirs publics. La voiture électrique constitue le fin du fin de la chose. Elle est utilisée pour réduire la portée des règlements européens, canaliser les incitants fiscaux et « communiquer » habillement pour instiller dans les esprits un message doux à entendre : la technologie peut nous « sauver », les constructeurs vont nous fabriquer de beaux petits véhicules « zéro pollution », notre système de mobilité est donc soutenable.

Outre le fait que ceci est particulièrement dommageable du fait du report au-delà du raisonnable de l’indispensable remise en question de notre hyper-mobilité, le véhicule électrique présente également de nombreux dangers spécifiques. Les débats qui l’entourent se focalisent quasi exclusivement sur les seuls gaz à effet de serre. Le véhicule électrique ne participe aucunement à diminuer incidences sociales (dont la confiscation de l’espace public) et ses incidences environnementales majeures sont peu « visibles » pour le citoyen ordinaire. Extraction de matières premières rares (les incidences sociales peuvent, sur ce plan, s’avérer catastrophiques), construction des véhicules, retraitement des déchets en fin de vie : autant de sujets tabous dans les brochures en papier glacé vantant la voiture électrique. Nous y reviendrons prochainement.

Morale de tout ceci : la puissance et l’efficacité des lobbys de l’industrie automobile sont impressionnants. L’ignorer, c’est se condamner à l’échec dans toute tentative d’orienter les politiques publiques vers la prise en compte des impératifs environnementaux.

Extrait de nIEWs (n°69, du 11 au 25 février 2009),

la Lettre d’information de la Fédération.

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