L’OCDE critique la politique fiscale belge

Une étude économique de l’OCDE concernant la Belgique vient tout juste de paraître (juillet 2011). L’organisation internationale y tance sévèrement notre pays en pointant sa politique environnementale, et plus singulièrement son recours aux outils fiscaux, beaucoup trop timide et ne permettant pas de traiter les externalités négatives imputables aux comportements polluants. Ainsi, «les externalités négatives dues aux transports devraient être traitées à l’aide de taxes sur les carburants, de péages routiers et de redevances de congestion, tandis qu’il conviendrait de moins favoriser les déplacements quotidiens et l’utilisation de voitures de société.»

D’emblée, l’organisation internationalement reconnue donne le ton et appelle la Belgique à accroître sa fiscalité environnementale : «Afin de renforcer la croissance potentiellement encore faible, il est indispensable d’augmenter sensiblement l’emploi, tout en veillant à assurer une croissance plus verte (IEW, pour sa part, plaide pour une transition économique au sens strict du terme, et non pour un scénario business-as-usual que l’on se contente de teindre de vert) grâce à un recours plus large à la fiscalité environnementale.»

Et ce n’est pas la première fois que l’OCDE tance de la sorte notre pays. En 2007 déjà, l’organisation économique enjoignait la Belgique à« renforcer et/ou élargir ses efforts de protection de l’environnement et améliorer leur rapport coût-efficacité en recourant davantage aux instruments économiques (taxes, redevances, mécanismes d’échanges de permis d’émissions, par exemple) et à l’analyse économique (analyse coûts-avantages entre autres) notamment pour la gestion de l’air, de l’eau et des déchets.» Et de déplorer que « un certain nombre d’allègements fiscaux entraînent des effets pervers sur l’environnement» et que «aucune action n’a été entreprise pour introduire une réforme fiscale écologique comme le recommandait l’OCDE dans son précédent examen des performances environnementales.»

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et la Belgique semble se complaire à sa place de queue de peloton européen en matière de fiscalité verte. D’une part, notre pays se caractérise par des taux fiscaux relativement faibles, pour beaucoup établis dans la perspective d’accroître les recettes fiscales et non de préserver l’environnement, constat partagé par l’OCDE dans son dernier rapport, notamment en matière d’énergie où «les taux spécifiques sur la plupart des combustibles sont en effet à des taux proches des minima de l’Union européenne, ou égaux voire nuls» et «la plupart des exemptions aux droits d’accise autorisée par la législation européenne» sont appliquées. D’autre part, la Belgique se taille aussi une place fort peu enviable parmi les champions d’Europe à recourir massivement aux subsides dommageables à l’environnement, octroyant des cadeaux fiscaux à des biens et services polluants, au rang desquels les voitures de société.

«Les pollueurs doivent supporter le coût marginal de la pollution»

Telle est en substance la principale recommandation de l’OCDE à la Belgique en matière de politique environnementale. Petit focus sur les injonctions précises de l’organisation économique.

Le système fiscal dont jouissent les voitures de société est depuis longtemps décrié par les ONG environnementales et… l’OCDE elle-même ! L’institution économique décrète en effet que «toutes ces subventions ont un coût productif élevé puisqu’elles sont également accordées à des personnes qui choisiraient de toute façon un véhicule à faibles émissions, ainsi qu’un lourd coût budgétaire (plus de 200 millions d’euros en 2010) et devraient être supprimées». Au banc des accusés, figure également le bonus-malus environnemental wallon.

Toujours sur le plan des transports, la différenciation fiscale favorisant le diesel (non justifiée sur le plan environnemental) et ayant débouché sur une forte dieselisation de notre parc automobile ne rencontre pas davantage les faveurs de l’organisation internationale qui appelle à «accroître la taxation relative au gazole, plus polluant, ce qui devrait atténuer le biais belge en faveur du diesel, et donc abaisser le niveau des émissions de NOx et de particules.»

L’idée d’une taxe carbone sur le sol belge a à plusieurs reprises émergé dans l’esprit de nos politiques (le Ministre Paul Magnette et le Secrétaire d’État à la fiscalité Bernard Clerfayt) mais ne s’est jamais concrétisée dans les faits. Pourtant, l’OCDE considère que «une taxe sur le carbone est un moyen efficace et peu coûteux de réduire les émissions» et appelle de ce fait à la création d’une taxe carbone à l’échelle nationale via un «réalignement des droits d’accise et l’introduction d’une taxe carbone sur les combustibles».

Pour faire face à la problématique de la qualité de l’eau – qui est encore inférieure à la norme européenne – et singulièrement des pratiques agricoles intensives, l’OCDE recommande à la Belgique de mettre en place «une taxe sur les pesticides reflétant leur teneur en produits polluants et d’une réglementation plus stricte sur leur utilisation».

Vers un front commun ONG – OCDE ?

Il n’y a qu’un pas, que nous ne franchirons pas ! Ceci dit bien que le mouvement environnemental soit plus nuancé sur le concept d’économie verte, et de la croissance de manière générale, on peut se réjouir que certaines assertions de l’OCDE dans son dernier rapport sur la Belgique se rapprochent de certains constats et revendications portés par les ONG environnementales. C’est notamment le cas en matière de fiscalité verte, pour laquelle les quatre fédérations environnementales belges (Inter-Environnement Wallonie, le Bond Beter Leefmilieu (BBL), le Brusselse Raad voor het Leefmilieu (BRAL) et Inter-Environnement Bruxelles) ont récemment déposé un cahier de revendications politiques, à l’attention du futur gouvernement. Dans celui-ci, onze propositions concrètes dont la mise en ½uvre peut être immédiate, parmi lesquelles la contribution climat énergie, la suppression des voitures de société, la refiscalisation du diesel et une taxe sur les pesticides.

EN SAVOIR PLUS

 Nos propositions pour une fiscalité verte, IEW, BBL, BRAL et IEB.

 OCDE, 2011, Études économiques de l’OCDE : Belgique 2011.

 OCDE, 2007, Examens environnementaux de l’OCDE : Belgique 2007.