Le « monde d’après » peut encore voir le jour !

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Changer structurellement le fonctionnement de nos sociétés

Les décisions quotidiennes sont principalement conditionnées à la structure dans laquelle nous vivons. Si l’avion ou la voiture demeurent beaucoup moins chers ou plus efficaces que le train, même un citoyen « concerné » finira par faire le choix le plus néfaste pour l’environnement. Nous pourrions multiplier les exemples. Si notre liberté individuelle de choix existe, elle est principalement conditionnée par l’organisation de la société dans laquelle nous vivons.  En d’autre terme, pour réduire fortement les consommations d’énergie et de matières premières dans nos sociétés, nous ne pouvons pas compter (que) sur la bonne volonté des citoyens1.

Dès lors, le « monde d’après » ne viendra que si des décisions sont  prises par les acteurs politiques et économiques détenteurs d’un pouvoir susceptible d’entraîner des modifications structurelles dans  le fonctionnement de notre société. C’est là l’essence du combat porté par IEW et du message qui l’accompagne.

La « relance » post COVID, une occasion unique ?

Les plans de relance en cours de discussion au niveau européen, fédéral et régional wallon offrent une occasion importante d’imprimer ces changements structurels dans nos sociétés. Pourquoi ? Suite à la crise économique due au COVID, il est acquis que les autorités publiques vont dépenser sans compter dans les prochaines années. D’une part la somme d’argent mise à disposition au niveau européen a augmenté (via son budget et différents fonds dont le Fonds de relance et de résilience)2, et d’autre part, et surtout, les règles budgétaires qui fixaient une limite à l’endettement des états ont été suspendue, ce qui leur permet de s’endetter (presque) sans compter… En d’autre terme, des milliards d’Euros seront dépensés par les autorités publiques dans les toutes prochaines années au noms de la « relance » de l’économie (certains n’hésitent pas a dire que se dessine le plan d’investissement public le plus important depuis le plan Marshall au lendemain de la seconde guerre).

Nous sommes dès lors dans un véritable momentum qu’il s’agit de ne pas rater tant il est clair depuis des années que la transition écologique dépend notamment d’investissements publics. Nous devons utiliser ce moment pour transformer structurellement le fonctionnement de nos sociétés et de notre économie, nous devons investir les moyens publics dégagés dans ce qui est vert (train, isolation des bâtiments, chaine d’alimentation durable, … ). Et surtout éviter de mettre le moindre euro dans des secteurs ou des projets qui détruisent ou détruiront la planète (le gaz « fossile », la pétro chimie, le secteur aérien, l’étalement urbain, l’extension du réseau routier…) Pour reprendre la demande adressée dès mai 2020 aux autorités par le plan Sophia, il faut nourrir «  la rapide et nécessaire transition vers une autre économie, inclusive, coopérative, circulaire, une économie qui opère dans les limites de la planète et respecte d’autres valeurs que la concurrence et l’obsession du ‘moins cher’. »

En Belgique, la relance se construit encore (rien n’est joué !)

Les plans de relance sont toujours en discussion tant du côté fédéral que wallon (la Flandres et Bruxelles ont déjà déposé un projet). Tout reste donc ouvert à ce stade à ces niveaux de pouvoir. Nous faisions déjà une première analyse de ces plans mi-octobre.

Depuis lors, les ONGs environnementales sous la houlette d’IEW du coté francophone se sont investies dans les différents processus de consultation mis en place par les autorités. Nos 3 missions : 1/ Augmenter la part de financement dédiée à la transition écologique, 2/ limiter les financements de l’économie grise et 3/ pousser aux réformes structurelles nécessaires en sus de ce financement.

1/ Augmenter les investissements durables

Dan son dossier Vers un plan finance/climat intégré, IEW listait certains secteurs en demandes cruciale d’investissements publics. Au premier chef, il y a la rénovation de nos bâtiments qui répond parfaitement à l’objectif de relance (en pourvoyant de l’emploi et de l’activité) tout en répondant au défi social (lutter contre la précarité énergétique) et évidemment environnemental ! A lui seul il requière des besoins de financement public importants (autour de 750 millions par an pour le logement privé, social et les bâtiments publics). IEW  a rendu sa liste avec d’autres priorités de financement notamment dans le transport, l’agriculture, la biodiversité… Il y a de quoi faire ! Dès lors: pourquoi dépenser l’argent disponible ailleurs ?

2/ Limiter les investissements dans l’économie insoutenable

L’Union européenne à un petit nom pour ce principe qui doit présider au choix des projets financés par les états avec l’argent européen :  Do Not Harm, en d’autres termes, il ne faut pas investir dans des secteurs qui « font mal » à l’environnement. Mais pas toujours facile de distinguer le « vert» du  « gris » ce qui explique les débats âpres qui ont lieux au niveau européen sur la place de la « taxonomie », c’est-à-dire sur la définition de ce qui est vert.

D’autant que les lobbyistes de certains secteurs, comme le pétrole, le gaz, la pétrochimie ou l’aérien dont le développement est tout simplement impossible dans une « autre économie », sont toujours prêts à avancer des solutions technologiques incantatoires, ou à soutenir qu’ils sont le seul moyen de faire tourner une économie ! Au final nul doute que ce discours arrive aux oreilles de nos dirigeants y compris en Belgique.

C’est le cas de l’économie digitale et de ces nombreux acteurs économiques de poids… Aussi bien au niveau régional wallon que fédéral, « la numérisation» de notre société pourrait bien recevoir une grosse part du gâteau de la relance… S’il est indéniable que le numérique a permis beaucoup de choses durant le confinement, nous ne devons pas plonger comme des enfants dans le lock in numérique ! Le numérique peut sauver la planète ou précipiter sa chute, nous le rappelions il y a pile une an. Chaque développement du digital doit être évalué à l’aune de son intérêt pour la société et de ses impacts sociaux et écologiques. On pense évidemment à la 5G qui apparaît par exemple dans les propositions du secrétaire d’état a la relance fédéral alors qu’une analyse sur l’intérêt de son déploiement et sur son impact n’a pas été menée (et mériterait de l’être).

Autre secteur polluant qui place ces pions dans le débat belge, celui du gaz qui financerait bien des réseaux supplémentaires. Mais quel en serait l’intérêt si on veut vraiment sortir de l’énergie fossile dans 20-30 ans ? La réponse du secteur passe notamment par l’hydrogène, le nouveau chouchou des salons énergétiques (et des cabinets ministériels partout en Europe). Encore une fois, IEW craint que l’on ne perde la raison devant les sirènes des lobbies (très efficaces). L’hydrogène est définitivement une technologie intéressante mais uniquement si on parle d’hydrogène vert, c’est-à-dire celui produit grâce aux surproductions d’énergies renouvelables qui apparaitront progressivement en cas de pic de soleil ou de vent. Les quantités disponibles seront limitées et ne justifient aucunement de développer des réseaux supplémentaires !

3/ Entreprendre des réformes structurelles

La relance ne passe pas que par des investissements ! Nous devons modifier le fonctionnement de nos sociétés et de nos économies dans ses rouages les plus intimes : ce sont les « réformes structurelles ». Dans notre dossier Finance Climat nous citions notamment la nécessité de verduriser la fiscalité. Nous ne sommes pas les seuls à le demander. La Commission européenne par exemple épingle régulièrement la Belgique pour sa fiscalité bien peu environnementale dont nos fameuses voitures de société et autre carte essence « nationale », scandaleuses tant au niveau social qu’environnemental. Mais à ce stade, même les réformekes annoncées lors de la formation du nouveau Gouvernement  fédéral ne semblent pas discutées dans le cadre de la relance… (Le Gouvernement propose d’électrifier le parc… c’est-à-dire de remplacer les BMW X5 super polluantes par des Tesla S de 2,5 tonnes qui le sont à peine moins).

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Cet article est réalisé avec le soutien de la Minor Foundation for Major Challenge

  1. Pour les personnes interessées par la science du comportement et son rôle dans la transition écologique, l’ADEME en France a publié un papier de vulgarisation qui fait le tour de la question.
  2. Lire le document de questions/réponses proposé par la Commission européenne sur cet accord.