Les Flamands avancent sur la consigne, les Wallons chipotent…

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L’idée est dans l’air depuis des années. La consigne sur les canettes, voire sur d’autres emballages de boissons, revient régulièrement dans l’actualité. Plusieurs pays ont opté pour ce système. Au Pays-Bas et en Flandre, de nombreux acteurs se positionnent clairement en faveur d’un tel mécanisme. La Wallonie tergiverse. Petit tour d’horizon de la question…

La consigne sur les canettes fait chez nous figure d’Arlésienne : évoquée régulièrement dans les plans de gestion des déchets, on se tâte, on évalue, on annonce, on recule…Déjà sur la table lors de la précédente législature, l’idée de la consigne revenait dans la DPR de 2014 avec un positionnement clair du Ministre Di Antonio en faveur du système. C’était sans compter les producteurs et distributeurs plutôt opposés au mécanisme et qui ont préféré financer des campagnes de propreté publique en échange d’une mise au frigo de la consigne.

Pourtant le concept a déjà fait ses preuves à travers le monde (Allemagne, pays scandinaves, états US et provinces canadiennes,…) et d’autres pays et régions d’Europe bougent sur la question: la Lituanie a adopté le mécanisme en 2016, le Gouvernement écossais a annoncé cet été son intention d’appliquer le système d’emballages de boissons consignés et le reste du Royaume-Uni y pense sérieusement. Une étude de faisabilité de l’application du système en Catalogne montre des résultats très positifs et la France, dans le cadre de sa future feuille de route Economie circulaire, semble miser sur la consigne.

Vidéo : Questions/Réponses sur la consigne (en anglais) – Reloop Platform

Cet intérêt international couplé à une attention médiatique particulière pour la pollution marine relance le débat, principalement au Nord du pays. Depuis quelques semaines, plus de 200 villes et communes, associations, coopératives, entreprises de Flandre et des Pays-Bas ont rejoint la plateforme StatiegeldAlliantie qui appelle leurs autorités respectives à adopter un système de consignes sur les canettes et pour les bouteilles en PET. Une campagne de communication dynamique et diverses actions sur les réseaux sociaux mobilisent citoyens et acteurs de la société civile. 38 communes flamandes et 71 communes néerlandaises se sont clairement positionnées en faveur du système. Dans le cadre des prochaines élections communales et des futures régionales de 2019, le sujet sera bien à l’ordre du jour chez nos voisins du Nord !

Il est vrai que la question de la propreté publique est une préoccupation majeure pour beaucoup de communes et l’application de la consigne peut répondre partiellement à la problématique des déchets sauvages. Une étude de l’OVAM[“Onderzoek naar de hoeveelheden en de beleidskosten van zwerfvuil in Vlaanderen – Theoretisch model, clusteranalyse, steekproef” – [https://www.ovam.be/sites/default/files/atoms/files/Zwerfvuil_Studie_2015-DEF-1.pdf]] évalue à 155 millions d’euros le coût de la lutte contre les déchets sauvages par les communes flamandes. Et même si la consigne sur un certain type de déchet ne résout pas à elle seule les problèmes de malpropreté, l’économie pour les communes flamandes est chiffrée à plus de 20 millions d’euros par an[« Impactanalyse invoering statiegeld op eenmalige drankverpakkingen” – OVAM – [http://www.ovam.be/sites/default/files/atoms/files/DEF-Eindrapport%20impactanalyse%20SGS%20eenmalige%20drankverpakkingen-06.05.2015.pdf]]. La pression sur le Gouvernement flamand se fait donc plus forte. La Ministre de l’environnement flamande Joke Schauvliege s’est montrée favorable à l’application du système mais elle s’est engagée à attendre les résultats des campagnes financées par les industries. Le bilan flamand est attendu pour cette année même si on peut raisonnablement s’interroger sur la méthode d’évaluation des impacts.

On le sait, la lasagne institutionnelle belgo-belge complique les choses et il serait impensable de mettre en place le mécanisme dans une seule région du pays. D’où la question : et les Wallons dans tout ça ? Même si l’ensemble de nos concitoyens semblent plébisciter le système de consigne[D’après une récente enquête de Test-Achats, la majorité des belges sont prêts à passer au système de consigne. Sur 1150 sondés, 68 % des répondants sont favorables à une consigne sur les bouteilles PET et 64 % le sont pour une consigne sur les canettes. Si la décision d’adopter ce système de consigne est prise, 88% des répondants se disent prêts à rapporter ces emballages de boissons à des points de collecte comme les supermarchés. [https://www.test-achats.be/famille-prive/supermarches/news/une-consigne-pour-lutter-contre-les-dechets-sauvages-pour-ou-contre]], les pouvoirs locaux wallons sont peu mobilisés sur la question. Il n’existe actuellement pas d’estimation des coûts de la gestion des déchets sauvages pour les pouvoirs locaux wallons mais une étude pour le compte du SPW dont les résultats sont attendus pour ce semestre devrait permettre d’évaluer l’ampleur, et surtout le coût, de la problématique. Dès lors, beaucoup de communes et d’intercommunales adoptent une position très prudente. De nombreuses questions et craintes méritent d’être abordées : la peur de changer un business model qui fonctionne étant donné le bon taux de collecte via les sacs bleus PMC, les coûts logistiques et d’investissement dans les nouveaux équipements de collecte et de tri, la crainte de voir les sacs poubelles vandalisés, etc. Par ailleurs, avec l’arrivée du sac « mauve » P+MC (qui contiendra davantage de plastiques), les intercommunales s’inquiètent des investissements à consentir dans de nouvelles lignes de tri. En effet, si demain la consigne sur les canettes et bouteilles PET est instaurée, la gestion du sac « bleu/mauve » change sensiblement.

Il est donc urgent que la Wallonie développe une stratégie globale pour optimiser la collecte sélective des différents déchets et leur recyclage et de s’inspire des expériences étrangères pour répondre aux craintes des communes! Si la Flandre est prête à instaurer la consigne rapidement, que le Gouvernement wallon n’attende pas les résultats des campagnes « Wallonie plus propre » pour entamer la discussion avec Bruxelles et la Flandre.

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire