L’Europe, leader mondial de l’économie circulaire ?

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La Commission européenne semble avoir fait de l’économie circulaire son cheval de bataille puisqu’en moins de cinq ans, elle vient de publier son deuxième plan d’action en la matière. Un jalon important vers des modèles de production et de consommation plus durables.

Fin 2015, la Commission européenne publiait un premier paquet Economie circulaire avec pour objectif principal d’améliorer la gestion « aval » des déchets et de favoriser le recyclage de toute une série de flux. Depuis lors, les discussions pour une meilleure gestion des ressources et une réduction des impacts générés par certains déchets, singulièrement les plastiques, se sont amplifiées. Axe important du Green Deal, l’économie circulaire est considérée comme un levier important pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Aussi, la Commission n’a pas tardé à présenter son nouveau Plan d’action Economie circulaire (PAEC) qui devra se concrétiser d’ici 2023 par une série de propositions législatives, révisions de directives et autres initiatives. Entre espoirs déçus et grande satisfaction, petit tour d’horizon du contenu de ce plan.

Ecodesign, réparabilité, durabilité… une autre manière de concevoir les produits

Des produits durables, réparables, recyclables, à faible l’empreinte environnementale et exempts de substances toxiques… voilà l’ambition de la Commission et qui mérite d’être saluée. Le chantier est colossal et il reposera sur des normes d’éco-conception, des restrictions des usages uniques ou encore la lutte contre l’obsolescence prématurée. Une grande avancée est le « droit à la réparation » qui devra être garanti pour un grand nombre de produit. Par ailleurs, une meilleure information au consommateur sera garantie avec un renforcement des exigences sur les labels et allégations environnementales.

Focus sur quelques filières

Le plan propose d’avancer plus concrètement sur différents secteurs en s’intéressant à toute la chaine de valeur et plus uniquement la façon dont sont gérés leurs déchets. Ainsi une initiative d’économie circulaire pour le matériel électronique devrait s’attaquer à l’obsolescence prématurée, proposer des normes pour des appareils plus durables et réparables. Le chargeur universel, promis de longue date, devrait devenir réalité. Les autres secteurs visés sont :

  • Batteries et les véhicules : mesures d’éco-design pour diminuer l’empreinte écologique des batteries et piles, contenu recyclé obligatoire et nouveau cadre pour améliorer la collecte et la récupération des matériaux. L’élimination progressive des piles non rechargeables est clairement envisagée ;
  • Plastiques : volonté de s’attaquer aux microplastiques ajoutés intentionnellement ou libérés dans l’environnement de façon inopinée. Un bémol selon les organisations environnementales : l’intérêt de la Commission pour les plastiques biosourcés et biodégradables alors que ceux-ci n’ont pas prouvé leur innocuité pour l’environnement et qu’ils n’offrent pas, aujourd’hui, des gages suffisants de durabilité ;
  • Emballages : une révision de la Directive Emballages1 renforcera les exigences en matière de réemploi et de recyclabilité. Des objectifs de réduction feront levier pour lutter contre le suremballage. Un soutien à la mise à disposition d’eau de distribution dans les lieux publics est également une proposition à saluer ;
  • Textiles : énorme potentiel d’amélioration sur toute la filière quand à peine 1% des textiles sont recyclés. La Commission entend proposer une stratégie textile globale comprenant des mesures d’éco-conception. Cette stratégie devrait faire en sorte que les produits textiles ayant le plus faible impact sur l’environnement deviennent la norme ;
  • Construction et bâtiments : secteur très consommateur en ressources, la Commission veut développer une approche globale du bâti durable notamment via un journal du bâtiment- sorte de passeport qui attesterait de la modularité et de la durabilité du bâtiment tout au long de son cycle de vie. La Commission entend aussi fixer des exigences (et garanties) sur le contenu en matières recyclées pour les produits de construction ;
  • Production alimentaires : des objectifs contraignants de réduction du gaspillage alimentaire devraient enfin être fixés et intégrés dans une stratégie plus globale pour rendre la distribution et la consommation alimentaire plus durable.

Une réduction de la consommation de ressources aux contours trop flous

Si le PAEC exprime explicitement la volonté de réduire la production de déchets et vise à doubler la part des matières secondaires dans l’économie d’ici 2030, on regrette l’absence d’objectif de réduction de la consommation de ressources (et de ses impacts) en terme absolu, alors qu’un tel objectif figurait dans une version antérieure du plan. Sans cap, sans objectif chiffré, le découplage attendu « croissance économique-consommation des ressources » ne se traduira sans doute pas par une réduction significative de la pression sur les ressources naturelles, les écosystèmes et la biodiversité.

Une approche systémique pour un leadership mondial

Pour appliquer ce plan, bon nombre de législations devront être modifiées ou élaborées mais loin de cloisonner les mesures dans des silos, la Commission semble développer une approche plus holistique de l’économie circulaire en la raccrochant par exemple à la nouvelle stratégie industrielle de l’UE. Ainsi, la circularité dans les processus industriels devrait être promue à travers une révision de la Directive relative aux émissions industrielles et dans les BREF2. Ces aspects seront aussi pris en compte dans d’autres stratégies (« farm to fork », stratégie durable produits chimiques…). Un autre point important est la mesure et la modélisation de l’impact d’une plus grande circularité sur les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, l’UE entend convaincre le reste du monde d’emboîter le pas sur ces questions puisqu’elle va proposer une Alliance pour une économie circulaire mondiale et jouer un rôle de leader pour parvenir à un accord mondial sur les matières plastiques. Un beau pari mais risqué quand on connait la difficulté à s’accorder sur une gouvernance mondiale en matière de climat.

IEW ne manquera pas d’aborder certains aspects de ce plan de façon plus spécifique dans ces prochaines analyses.


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  1. Directive 94/62/CE
  2. Best available techniques REFerence : documents de référence qui font état des meilleures techniques disponibles par secteur d’activité

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire