Lignes à haute tension et ondes électromagnétiques

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Avec le projet Boucle du Hainaut qui consiste en la construction d’une nouvelle ligne à très haute tension (380Kvolts) reliant les postes d’Avelgem et de Courcelles, les discussions au sujet de l’impact sanitaire et environnemental de ces installations se font plus actives. Il est dès lors utile de faire un état des lieux des connaissances actuelles et des réglementations belges et européennes. Alors que les questions énergétiques et environnementales ont été abordées dans une précédente nIEWs nous nous concentrerons ici sur les questions sanitaires. 

Les lignes à haute (entre 63 000 et 90 000 volts) et très haute tension (entre 225 000 et 400 000 volts) font partie du réseau de grand transport qui achemine l’électricité des centres de production (centrales thermiques, centrales nucléaires, etc.) vers des postes de transformation où l’électricité sera convertie en moyenne tension (20.000 volts).

L’électricité est alors transportée via le réseau de distribution qui comprend des lignes de moyenne et basse tension (entre 230 et 400 volts). 

Les lignes à (très) haute tension, telle que celle envisagée dans le projet Boucle du Hainaut, sont utilisées pour transporter l’électricité sur de longue distance car elles limitent les pertes d’énergie 1.

Lignes à haute tension et ondes électromagnétiques, what ‘s the link ? 

En passant le long des lignes à (très) haute tension, le courant électrique va générer à la fois un champ électrique (CE, mesuré en volt/mètre) et un champ magnétique (CM, mesuré en Ampère par mètre ou en Tesla (T)). Ces deux champs interagissent entre eux et créent ce que l’on appelle un champ électromagnétique (CEM).  

Figure 1: Source: Elia – Les champs électromagnétiques et le réseau à haute tension

Ce champ électromagnétique peut exercer une force sur les particules chargées électriquement dans son entourage. Or, de petits courants électriques sont présents naturellement dans notre corps, notamment utilisés par notre système nerveux pour envoyer des signaux à notre organisme. 

Ainsi, les CEMs  peuvent interférer avec les particules chargées de notre corps et induire des changements à court et à long terme qui peuvent potentiellement impacter notre santé.

Quels sont les effets à court et long terme d’une exposition aux CEM générés par des lignes haute tension ?  

A court terme, ces champs électriques et magnétiques peuvent induire un courant électrique dans le corps dont l’impact sanitaire dépend de l’intensité et de la durée d’exposition. Par exemple, à des intensités de champs plus élevées que celles que l’on trouve dans notre environnement quotidien, ce courant induit peut perturber le fonctionnement des nerfs et des muscles ou provoquer la perception de scintillements lumineux dans le champ visuel. Ces effets sont en général réversibles et disparaissent lorsque l’exposition disparait. 

Les effets à long terme sont plus complexes. Ils concernent principalement les CM 2et représentent les impacts liés à une exposition prolongée à des CM, notamment dans le cas des riverains de lignes à haute tension.

Quels sont donc les impacts potentiels d’une exposition prolongée aux champs magnétiques ?  

Les avis du monde scientifique ne sont pas unanimes sur la question. Cependant, plusieurs études épidémiologiques ont observé un lien possible entre une exposition prolongée à des champs magnétiques basse fréquence (caractéristiques de lignes haute tension) et l’occurrence de leucémie chez l’enfant 3.

De plus, depuis quelques années, des publications scientifiques font état d’une augmentation possible de maladies neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer) chez les personnes habitant à proximité des lignes à haute tension ou exposées dans le cadre de leur profession.

Finalement, la présence de lignes à hautes tensions serait parfois associée à l’apparition de symptômes d’électro-hypersensibilité (EHS) chez les riverains de ces lignes. Ces symptômes comprennent notamment des maux de tête, irritabilité, vertiges, état dépressif, sommeil perturbé, perte de mémoire, perturbations auditives, visuelles… Le lien de cause à effet entre ces symptômes et la proximité de lignes à hautes tensions n’a pas été officiellement démontré. Une enquête de ressenti conduite par le Centre de recherches indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM), démontre/observe une plus grande fréquence de l’ensemble des symptômes dans l’ensemble de la population exposée que dans la zone non exposée.

Quelles sont les normes et recommandations pour limiter l’impact des CM ?

En 1998, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP; reconnue par l’OMS) a développé des recommandations d’exposition aux CEM. Elle proposait la valeur de 100 μT comme valeur maximale d’exposition de la population à des CM de basse fréquence et de 5Kv/m dans les zones habitées pour les CE 4. Ces valeurs on été reprises dans les recommandations européennes (1999) 5 et fédérales.

En 2010, l’ICNIRP a réévalué ces recommandations et défini 200 µT comme nouvelle limite d’exposition.

Il est intéressant de constater que les recommandations de l’OMS ont été revues à la hausse et celles de l’Europe et la Belgique n’ont pas été modifiées; même après que le Centre International de Recherche contre le Cancer de l’OMS (CIRC) ait classé les CM émis par les lignes électriques comme cancérogène possible (catégorie 2B) 6. Cette décision est basée sur une analyse d’études épidémiologiques qui suppose une duplication du nombre de leucémies infantiles associées à une exposition moyenne à un champ magnétique du réseau dans les habitations supérieur à 0,3-0,4 µT. Même au niveau belge, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) conseille de limiter l’exposition de longue durée aux champs magnétiques des enfants de moins de quinze ans, particulièrement à des valeurs supérieures à 0,4 µT.7

Au niveau régional, le tableau est différent : la Flandre adopte une position plus ambitieuse et précautionneuse que la Wallonie. Alors que la Wallonie ne dispose pas à ce stade de législation propre fixant des seuils limites d’exposition au CM, la Flandre a défini en 2004 (arrêté du Gouvernement flamand du 11 juin 2004) une valeur limite de 20µT et une valeur guide de 0,4 µT.

Il est dès lors légitime de se poser la question de la justesse des normes utilisées en Wallonie pour protéger ses citoyens de l’impact à long terme d’une exposition prolongée aux CM !  

Au-delà de la nécessité de revoir de manière globale les normes suite à l’avis du CIRC, IEW encourage la Wallonie à légiférer en la matière et à fixer des valeurs seuils notamment sur base des recommandations du CSS et de la valeur guide de 0,4 µT utilisée en Flandre. En effet, la valeur de 0,4µT semble être une valeur critique au-dessus de laquelle les effets à long terme des CM, telles que l’Alzheimer et la leucémie infantile, seraient multipliés. 

Plus d’information ? Lisez l’analyse d’IEW suite à la consultation sur le projet Boucle du Hainaut



  1. Engie : « Tout savoir sur les lignes à Haute Tension »
  2. Il n’existe, en effet, pas d’indications d’effets à long terme d’une exposition à un champ électrique de valeur inférieure à la valeur limite (voir ci-dessous). Les barrières naturelles telles que les murs, la végétation et les habitations représenteraient une protection suffisante selon la Flandre (Vlaanderen – Departement Omgeving )
  3. Anses : Etudes (2019) et un groupe de travail (2018) sur l’impact d’une exposition à des champs électro magnétique basse fréquence. 
  4. ICNIRP Guidelines for limiting exposure to time-varying electric, magnetic and electromagnetic fields (up to 300 GHZ)
  5. Recommandation du Conseil 1999/519/CE
  6. Cancer Environnement, le Portail francophone d’information de référence sur les risques de cancer en lien avec des expositions environnementales, professionnelles ou des comportements individuels. Synthèse de l’impact des champs électromagnétiques sur la santé.  
  7. Recommandations du Conseil Supérieur de la Santé concernant l’exposition de la population aux champs magnétiques émanant des installations électriques (2008).