Pour une meilleure exploitation de l’or bleu en Wallonie

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Pour une région dont l’eau est une des principales richesses, la pénurie que connaissent certaines communes suite à la sécheresse actuelle rappelle la nécessité de sécuriser l’approvisionnement en eau sur tout le territoire. C’est grâce à une réflexion stratégique régionale, et non par une réponse en urgence, que la Wallonie pourra garantir la distribution d’une eau de qualité à tous ses citoyens.

En Wallonie, la préoccupation principale en matière d’eau est sans doute sa qualité. Avec raison, car notre territoire a beau jouir d’importantes ressources en eau souterraine et de surface, si celles-ci n’ont pas la qualité requise pour assurer les multiples usages et services indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes et de notre société, à quoi bon ! L’aspect quantitatif est moins mis en évidence, sauf en cas de situation exceptionnelle. En effet, l’eau est abondante en Wallonie. Pour certains peuples qui connaissent la famine, la maladie ou encore la guerre découlant d’une situation de stress hydrique, notre région doit être considérée comme « bénie des Dieux ». Non seulement les précipitations sont abondantes et régulières mais surtout les caractéristiques géologiques et pédologiques du sol wallon permettent la constitution de réservoirs d’eau accessibles et facilement exploitables. Malgré une densité de prélèvement élevée, le taux d’exploitation en eau de la Wallonie[[Le taux d’exploitation en eau (toutes sources confondues), appelé Water Exploitation Index – WEI+ –correspond au rapport entre les volumes prélevés (déduction faite des volumes restitués (fuites et eaux de refroidissement) et les ressources totales en eau (Faergemann, 2012).]] est estimé à 6 %, valeur inférieure au seuil de stress hydrique fixé par l’Agence Européenne de l’Environnement.

Néanmoins, notre territoire n’est pas à l’abri de difficultés d’approvisionnement localisées et ponctuelles comme le prouvent les restrictions d’utilisation établies récemment dans quelques communes. Certaines localités notamment en Gaume sont approvisionnées par des nappes plus superficielles qui n’ont pu être rechargées faute de pluies ces dernières semaines. Quelques communes connaissent un problème de sous-capacité des ouvrages. L’aquifère du Tournaisis a été surexploité notamment par l’activité industrielle en Wallonie mais aussi par la Flandre et la France avant que des mesures ne soient prises pour assurer la recharge de la nappe.

C’est dans un but de sécurisation de l’approvisionnement en eau potable qu’a été conçu le Schéma Régional d’Exploitation des Ressources en Eau. Peu connu des citoyens, cet outil de planification et de régulation cherche à optimiser le fonctionnement du réseau et à maîtriser ses coûts en jouant sur différents leviers :

  • Le développement d’échanges d’eau entre opérateurs en et hors de Wallonie ;
  • L’augmentation du taux d’utilisation des réservoirs stratégiques (ex. barrages sous utilisés);
  • L’anticipation de l’évolution des besoins liés à l’évolution démographique, au développement économique ou au changement climatique ;
  • La planification des travaux d’adduction et de mise en réseau des canalisations existantes.

L’objectif est d’assurer un taux de sécurisation de 30% sur l’ensemble du territoire. C’est dès 2010 que la Société wallonne des Eaux (SWDE) s’est vue mandatée par le Gouvernement wallon pour élaborer ce schéma. Celui-ci implique la collaboration des opérateurs actifs dans la gestion de l’eau en Wallonie mais aussi à Bruxelles et en Flandre puisque notre Région exporte près de 40% des volumes prélevés vers ces 2 régions. Depuis lors, plusieurs actions ont déjà été mises en œuvre avec tout d’abord une importante phase de diagnostic pour une meilleure connaissance du réseau et des volumes disponibles (localisation des captages et réseaux de distribution plus problématiques tant au niveau de la quantité que de la qualité, caractérisation d’aquifères, audit auprès des opérateurs, outils cartographiques synthétisant ces données…). Des contacts avec les pays et régions limitrophes ont été initiés dans le cadre de cette phase afin de mener une réflexion intégrée sur la sécurité d’alimentation.

Des actions au long cours ont ainsi été identifiées, notamment des travaux, majoritairement de liaisons, pour une longueur de 550 km ; ou encore des chantiers de sécurisation des raccordements moyennant des travaux complémentaires de chaque opérateur au sein de son propre réseau. Des projets de valorisation d’eau d’exhaure[[Eaux d’exhaure : les eaux de remontée de la nappe et de ruissellement lors de l’exploitation d’une mine ou d’une carrière qui doivent être évacuées]] sont également initiés.

Tout cela a évidemment un coût important qui est principalement financé via le Coût Vérité de Distribution (CVD) de la facture d’eau des ménages et via un retour de la redevance et de la contribution de prélèvement sur les prises d’eau potabilisable. Ces investissements nécessaires à sécuriser notre approvisionnement en eau doivent nous rappeler à quel point l’eau de qualité est une ressource limitée qu’il convient d’utiliser avec parcimonie. Même dans une région qui paraît à l’abri des difficultés d’approvisionnement en eau, un outil tel que ce Schéma devient indispensable dans la perspective d’une plus grande résilience aux épisodes de sécheresse qui seront sans doute plus fréquents à l’avenir. L’adaptation au changement climatique est une réalité, en Wallonie aussi.

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Illustration : Diagnostic Schéma régionale d’Exploitation des Ressources en Eau – Etat de la ressource eau par commune (Source SWDE- 2015). Cette carte est en cours d’actualisation suite à l’épisode de sécheresse de 2017.

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire