Sécurité des camions : les intérêts financiers priment sur la vie des citoyens européens…

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Les représentants des 28 Etats membres de la Commission et du Parlement européens ont conclu, la nuit passée, un accord sur le renforcement de la sécurité des camions. La législation européenne autorisera les constructeurs à apporter des améliorations au design des cabines pour améliorer la visibilité du conducteur et diminuer les conséquences des collisions avec d’autres véhicules, des cyclistes ou des piétons. On devrait se réjouir de cette évolution sauf que : la législation « autorisera »… mais n’obligera pas et, comble de l’absurde, ces améliorations seront interdites avant 2022 !

Antonio Avenoso, directeur exécutif de l’ETSC (European Transport Safety Council – Conseil européen pour la sécurité des transports) critique durement cet accord déplorable : « Ces changements permettraient d’éviter jusque 900 décès par an sur les routes européennes ; tout délai se paie dès lors en vies humaines. L’idée que ces améliorations devraient être soumises à un moratoire pour permettre à tous les constructeurs de se trouver sur un pied d’égalité est sans précédent. Imaginez le nombre de vies qui auraient été perdues si l’introduction d’innovations comme la ceinture de sécurité ou le contrôle électronique de stabilité avait été retardée pour des raisons analogues ! »

En raison de leur taille et de leur poids, les conséquences des collisions avec des poids lourds peuvent être catastrophiques, avec un risque beaucoup plus élevé de décès et de blessures graves. Selon les données de l’ETSC, 4300 personnes ont ainsi perdu la vie sur les routes européennes en 2011 (118 en Belgique) dans des accidents impliquant au moins un camion.

La Commission européenne proposait initialement d’autoriser un allongement des cabines de camions dès 2017, ce que soutenait le Parlement. Les constructeurs (suédois et français en tête) ont lobbyé les Etats afin que ceux-ci proposent de reculer l’entrée en vigueur de cette améliorations à 2025. Raison invoquée : une introduction trop rapide déséquilibrerait la saine concurrence entre constructeurs. Les Etats ont suivi ceux-ci ; le Parlement est parvenu à limiter la casse en ne reportant « que » à 2022 et non 2025.

Pour Inter-Environnement Wallonie et les Parents d’Enfants Victimes de la Route, l’accord de cette nuit (qui doit encore être approuvé formellement par les Etats membres au sein du Conseil et par le Parlement) marque le triomphe des intérêts financiers corporatistes face à la qualité de vie et à l’environnement. Avec cet accord aussi désastreux que pitoyable, les Ministres européens sacrifient des milliers de vies. Ils sabordent aussi le projet politique de tout un continent. Il nous semble utile de rappeler encore, ici, l’analyse de Montesquieu : « Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime » (Montesquieu, Mes pensées).