Transformer le(s) système(s) alimentaire(s) – Collaboration ET approche systémique, le duo gagnant

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Cela fait près de 15 ans que je travaille sur le thème de l’alimentation durable. Aujourd’hui, plus que jamais je me pose la question de la pertinence de mon action pour faire évoluer les systèmes alimentaires vers plus de durabilité. Je suis particulièrement convaincue de la nécessité de faire évoluer la gouvernance démocratique et de renforcer la participation et la collaboration des acteurs du système alimentaire et des citoyens avec la mise sur pied par exemple de conseils de politiques alimentaires. Cependant, pour que cette collaboration engage une transformation profonde, je suis tout aussi convaincue qu’une nouvelle manière de penser et d’agir est nécessaire : l’approche systémique. J’explore cette approche passionnante depuis un an et demi : sa complexité est telle que j’y vais pas à pas, par petites touches. Je livre les premiers résultats de mes compréhensions… en espérant que cela donne envie à d’autres de s’y intéresser.

Ces dernières années sont marquées par une intention de plus en plus forte de transformer les systèmes alimentaires vers plus de durabilité. La Wallonie s’est dotée d’une Stratégie et d’un Collège wallon pour une Alimentation Durable (CwAD). Des projets territoriaux portés par des acteurs économiques, publiques, associatifs, de la recherche, etc. se développent dans tous les coins de la Wallonie cherchant à mettre en œuvre les solutions scientifiquement connues depuis de nombreuses années pour rendre durable les systèmes alimentaires à savoir:

  • mettre en place des filières de qualité qui produisent un minimum d’impacts sur l’environnement ;
  • réduire le gaspillage alimentaire qui représente au niveau mondial 1/3 de la production ;
  • produire et manger moins en particulier de produits d’origine animale ; produire un kilo de viande – qui est un concentré de végétaux-  coûte forcément plus cher à la planète que de produire un kilo de végétaux.
  • rendre accessible des produits et des repas sains tout en rémunérant correctement les travailleurs et en réduisant la pauvreté.

Pour quels résultats aujourd’hui ? L’appétit des consommateurs pour les circuits courts, les produits de qualité, le bio, le zéro déchet semble certes grandir d’années en années. Mais on est loin d’observer une rupture dans les indicateurs problématiques. Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture, la prévalence du surpoids et de l’obésité, le nombre de personnes bénéficiant d’aide alimentaire, rien que ces 3 indicateurs continuent d’augmenter. Pourquoi des solutions simples en apparence sont-elles si difficile à concrétiser ? Pourquoi malgré la volonté d’acteurs de plus en plus nombreux, le système peine à se transformer?

Une réponse vient de la manière dont nous abordons et cherchons généralement à résoudre les problèmes dits « complexes » comme ceux liés à l’alimentation.

De par notre éducation, l’approche analytique consistant à étudier et à optimiser les parties d’un système nous est beaucoup plus familière. Or, il est fondamental de changer de lunettes. « Si  nous voulons provoquer la restructuration en profondeur des systèmes, nécessaire pour résoudre les problèmes les plus graves du monde,  la première étape consiste à penser différemment. Tout le monde. Toute la société. » a écrit Donnela Meadows, systémicienne et co-autrice du livre Halte à la croissance.

Cette autre manière de penser, complémentaire à l’approche analytique, c’est l’approche systémique, un terme que l’on entend et utilise de plus en plus, en général pour faire référence à une vision d’ensemble, globale voire cohérente par opposition à une approche en silo. Ainsi le référentiel alimentation durable de Wallonie le présente comme un des 8 principes généraux pour une transition vers un système alimentation durable en vue de favoriser « l’intégration horizontale prenant en compte simultanément les dimensions économiques, sociales et environnementales et verticale des politiques avec la cohérence entre les niveaux de pouvoir et les échelles géographiques ».

C’est en réalité bien plus qu’un principe. En effet, «la pensée systémique est un terme général pour représenter un ensemble de méthodes et d’outils qui se concentrent sur les systèmes plutôt que sur les parties comme contexte pour définir, comprendre et résoudre des problèmes complexes. (…) la pratique de la pensée systémique nous aide à cesser de fonctionner de crise en crise et à penser d’une manière moins fragmentée et plus intégrée.”3 »

Pour David P. Stroh,  « Devenir un penseur systémique plus efficace signifie développer ses capacités émotionnelles, comportementales, spirituelles et cognitives.  La meilleure façon d’apprendre est en faisant et il existe de nombreuses ressources pour aider.”

En voici quelques-unes pour terminer ce premier article etoccupervos longues soirées d’hiver. On se retrouve au printemps pour en discuter ?

A suivre…

Ressources

  • Joël de Rosnay, Le macroscope, Vers une vision globale, Ed. du Seuil, 1975.
  • Gérard Donnadieu et al, L’approche systémique : de quoi s’agit-il ? synthèse de travaux du groupe AFSCET. 2003  
  • David Peter Stroh, Systems thinking for social change. A practical guide for solving complex problems, avoiding unintended consequences, and achieving lasting results, Broché, 2015
  • Donella Meadows, Thinking in systems, Broché, 2015
  • Draper Kauffman, Systems one : an introduction to systems thinking, 4ème édition, 1980
  • Linda B Sweeney,  Dennis Meadows, The system thinking playbook, 1995
  • https://complexity.university/

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  1. Linda B Sweeney,  Dennis Meadows, The system thinking playbook, 19951 Pour Joël de Rosnay, ce n’est ni une science, ni une théorie, ou une discipline « mais une nouvelle méthodologie permettant de rassembler et d’organiser les connaissances en vue d’une plus grande efficacité de l’action. »

    La systémique s’appuie sur des savoirs et des concepts spécifiques qui permettent de décrire et comprendre les systèmes. On y retrouve des termes comme finalité, homéostasie, adaptation, émergence, flux circulant entre des réservoirs, boucles de rétroaction positives et négatives, délais, etc etc. La systémique est aussi une pratique, une démarche, un savoir-être pour entrer dans la complexité. Il y a donc une évidence : « la mise en œuvre de cette démarche passe par un effort d’apprentissage conceptuel et pratique auquel doivent consentir tous ceux (chercheurs, décideurs professionnels et politiques, hommes d’action mais aussi simples citoyens désireux de comprendre leur époque) qui ambitionnent de réaliser une plongée heureuse dans la complexité, afin d’être capable dans un premier temps de s’y orienter, puis dans un second temps d’agir sur elle. 2http://www.afscet.asso.fr/SystemicApproach.pdf