StopBeton et budget 2019 : ça bug

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Il y a tout juste un an, la nIEWs spéciale « Perspectives politiques 2018 » mettait une fois de plus l’accent sur la nécessité de prendre des mesures concrètes pour réduire l’artificialisation des sols en Wallonie. LE gros dossier 2018 annoncé à l’époque par le Ministre de l’Aménagement du Territoire n’était autre que le Schéma de Développement du Territoire (SDT). Un an plus tard, la mesure phare de ce document, le STOP BETON, fait couler beaucoup d’encre. IEW demandait un objectif clair et ambitieux en termes d’artificialisation. C’est chose faite puisque ce Stop Béton annonce la fin de toute nouvelle artificialisation à partir de 2050. La mesure est donc prise. Et comme dirait Georges : « What else ? ». Et bien c’est qu’on reste un peu notre faim quant au caractère concret de la mesure. Comment ce Stop Béton va-t-il se mettre en œuvre ? Une étude menée par la CPDT est actuellement en cours et devrait aboutir (en 2019 ?) à un ou plusieurs scénarii possibles concernant le mécanisme à adopter et, in fine, le coût que cette mesure aura sur le budget wallon et la manière dont les opérateurs (secteur de la construction, secteur immobilier…) devront s’adapter.

Ce qui inquiète par ailleurs, c’est la confirmation des quartiers nouveaux dans le document stratégique régional en termes d’aménagement du territoire. D’une superficie minimum de 15 ha, vous comprendrez aisément qu’on est ici bien plus sur « de l’extension de la ville », que sur de la « reconstruction de la ville sur la ville ». En y ajoutant d’autres mesures concrètes comme les extensions de réseau routier, l’agrandissement d’infrastructures, la nécessité annoncée de prévoir des superficies importantes pour « répondre aux besoins économiques », on peine à trouver de la cohérence au sein de ce document dont le slogan est pourtant devenu le « Stop Béton ». 

Au niveau budgétaire, pas de grands renversements pour 2019. Les budgets sont généralement constants. Deux augmentations majeures sont cependant à noter concernant l’aménagement du territoire et l’urbanisme (programme 16.02). Il s’agit d’une part de dépenses liées à la dématérialisation des permis d’urbanisme et d’autre part, d’un article budgétaire dédié à l’ « Opérationnalisation, suivi et évaluation du schéma de développement du territoire, révision des plans de secteur (études préalables, connexes ou complémentaires, réalisations, actions de sensibilisation et information) ». Nous pourrions ainsi nous réjouir de voir le budget consacré à la mise en œuvre du SDT, et donc à une stratégie Stop Béton, augmenter d’un million d’euros (passant ainsi de 815.000 € à 1.815.000€. En réalité, la partie de ce budget consacrée au SDT concerne essentiellement l’impression du document final, sa diffusion et, nous le supposons, l’étude menée actuellement par la CPDT consacrée plus spécifiquement à la mise en œuvre du « Stop Béton ». Comme le nom de cet article budgétaire l’indique, ce budget est également consacré à la constitution de dossiers de base pour les projets de révision de plans de secteur d’initiative régionale, à la réalisation de rapports sur les incidences environnementales, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la mutation des zones de loisirs du plan habitat permanent en zones d’habitat vert, et à la réalisation  d’enquêtes publiques en matière de révision de plan de secteur, y compris pour la mise en œuvre de la mutation des zones de loisirs du plan habitat permanent en zones d’habitat et…. pour le projet « Quartiers Nouveaux ». Enfin, les crédits visent par ailleurs à financer le projet « Quartiers Nouveaux », en particulier : l’accompagnement des communes sélectionnées par une cellule d’experts et l’organisation de séminaires dans le cadre des clusters. 

C’est fou tout ce qu’on peut imputer comme actions et projets différents sur un seul et même article budgétaire ! L’avantage (enfin, ça dépend du point de vue), c’est qu’on ne doit pas clairement répartir le budget entre ces différentes activités. Et ce n’est pas faute d’avoir été décortiqué en commission par les députés wallons. Nous apprendrons néanmoins lors de l’exposé du Ministre que les moyens accrus de cet article budgétaire visent notamment à accroître les actions entreprises au niveau des Quartiers Nouveaux. 

En outre, d’autres articles budgétaires mentionnent spécifiquement ces Quartiers Nouveaux. C’est le cas de l’article 33.09 « Subventions au secteur privé en matière d’aménagement du territoire, en ce compris en lien avec les « Quartiers Nouveaux », ou encore l’AB 43.05 « Subventions aux communes en matière d’aménagement du territoire, en ce compris en lien avec les « Quartiers Nouveaux ». 

A côté du développement des Quartiers Nouveaux qui bénéficient de financements à travers de nombreux articles budgétaires, des moyens prévus pour le déploiement de zones d’activités économiques ou encore pour l’extension du réseau routier, on ne parvient pas à trouver de moyens supplémentaires pour des outils tels que la rénovation et la revitalisation urbaines, de nouveaux budgets pour la formation en lien avec la rénovation ou le recyclage de matériaux de construction. Du côté des recettes, rien n’indique non plus une volonté de revoir la fiscalité immobilière en faveur de la réutilisation, la reconversion et la valorisation de l’existant. 

Cependant, pour nous mettre du baume au cœur, les budgets alloués aux SAR (sites à réaménager) sont constants, voire en légère augmentation sur certains articles budgétaires et il semblerait que le gouvernement envisage de travailler avec une nouvelle version de Quartiers Nouveaux, de plus petite ampleur, et donc plus envisageable au cœur des centralités.

Finalement, à défaut d’avoir un SDT cohérent en son sein, mais aussi avec d’autres documents stratégiques wallons, le budget 2019 consacré à l’aménagement du territoire au  sens large 1 peut, lui, se targuer de refléter parfaitement cette incohérence.

Ceci étant dit, le SDT n’est pas encore définitivement adopté et nous pouvons garder l’espoir que l’ensemble des mesures de ce schéma ne contrecarrent plus l’atteinte de l’objectif d’en finir avec l’artificialisation des sols en 2050.

Après tout, les vœux de la nouvelle année, c’est jusqu’au 31 janvier !


  1. C’est-à-dire, en ce compris les budgets réservés aux villes via des outils tels que la rénovation urbaine et la revitalisation urbaine.

Audrey Mathieu

Aménagement du territoire & Urbanisme