De l’urgence d’un plan de réduction des sangliers

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Les derniers rebondissements liés au dossier de la peste porcine africaine en Gaume, rebondissements judiciaires cette fois, avec des mandats d’amener délivrés ce mercredi 6 février, par la Juge d’instruction chargée du dossier à l’encontre d’agent(s) du DNF, de garde-chasse et de chasseurs ainsi que les perquisitions menées en parallèle, montrent à quel point ce problème est profond, ancré dans les terroirs et largement hors contrôle.

Ce texte est une Carte blanche co-rédigée par Inter-Environnement Wallonie et la Fédération Wallonne de l’Agriculture et publiée dans La Libre

Depuis près de quinze ans, les signaux d’alarme sur les surdensités de grand gibier en Wallonie se succèdent et leurs conséquences négatives tant au niveau économique, qu’écologique ou sociale, voire sanitaire se font toujours davantage ressentir.

Des acteurs d’horizons très variés s’en sont ouverts aux différents Ministres ayant eu la chasse dans leurs attributions et ont présenté des revendications claires de prise en charge structurelle de cette problématique au niveau régional.

Milieux scientifiques, associations représentatives des agriculteurs, des pouvoirs locaux, des propriétaires forestiers, des environnementalistes, auditeurs de certification forestière (PEFC) et l’administration du Ministre elle-même se sont exprimés.

À de nombreuses reprises depuis quinze ans. Et en vain.

Aucun plan crédible n’a été conçu pour ramener ces densités à des seuils compatibles avec des équilibres agro-sylvo-cynégétiques indispensables.

Fin novembre dernier, la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA) et Inter-Environnement Wallonie (IEW) manifestaient à Namur avec un cahier de revendications précis : une réduction drastique des populations de sangliers (80%), l’interdiction du nourrissage artificiel, un cadastre précis des animaux abattus, des facilités de tir laissées aux agriculteurs, …

En fin de manifestation, le Ministre nous a reçus. Nous a écoutés. Ne nous a pas entendus.

Une déclaration médiatique a fait état d’une volonté de réduire (à 50% seulement) les populations de sangliers en deux ans, certes, mais sans la moindre contrainte légale envers le monde de la chasse.

Une obligation de trois battues en janvier-février mais sans le moindre objectif chiffré contraignant à atteindre par rapport aux prélèvements des années antérieures.

Un écran de fumée sur l’éradication du sanglier au Nord du sillon Sambre-et-Meuse, qui n’est finalement que le réceptacle des débordements des centaines de milliers d’hectares de forêts, de prairies et de cultures du Sud de ce sillon où se trouve le cœur du problème. Et là rien. Aucun plan. Aucune mesure.

L’argument selon lequel toutes les forces vives seraient concentrées à la gestion de la crise de la Peste porcine africaine en Gaume ne peut en aucun cas justifier les retards pris dans la gestion des surdensités de sangliers sur tout le reste de la Wallonie. Au contraire, la crise de la PPA illustre et justifie l’urgence d’agir partout sur le territoire wallon.

Si le Ministre en charge de cette matière se contente de nous écouter, nous, FWA et IEW, nous tournons désormais vers le Ministre Président et le Gouvernement wallon dans l’espoir que ceux-ci nous entendent et prennent la mesure de la gravité de cette situation.

Nous revendiquons avec force et d’urgence un plan régional de réduction des densités de sangliers sur tout le territoire wallon. Ce plan doit contenir des objectifs-cibles contraignants. Il doit être décliné dans un agenda précis qui balise l’atteinte de cet objectif de réduction. Il doit comporter des moyens de monitoring scientifique indépendant et transparent. Il doit prévoir des quotas de tirs obligatoires par conseils cynégétiques, non seulement quantitatifs mais également qualitatifs, pour s’assurer que le prélèvement des adultes et des femelles soit bien garanti. Il doit inclure les mécanismes de contrôle de ces obligations de tirs et prévoir les sanctions en cas de non-respect par le monde de la chasse. Il doit intégrer la reprise en main par l’autorité publique en cas d’échec du monde de la chasse à atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement. Il doit enfin prévoir un rapport détaillé au Parlement en fin de chaque année cynégétique.

Il doit enfin se traduire en arrêtés du Gouvernement wallon avec la même célérité que celle qui a prévalu pour indemniser les chasseurs et les ateliers de découpe.

On n’ose imaginer un rebond de la PPA depuis la Gaume vers un des massifs de la grande continuité forestière de l’Ardenne, de la Famenne et du Condroz. Les conséquences économiques pour les filières agricoles, forestières et touristiques, pour les finances des communes et des propriétaires privés, pour la gestion des crises sanitaires des peuplements forestiers seraient tout simplement désastreuses sur le long terme.

On aurait là des preuves évidentes de la non application du principe élémentaire de précaution.

Et une responsabilité politique serait clairement engagée.

Canopea