Il y a plusieurs manières de rénover

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Inspirée par la recherche d’Amy Twigger-Holroyd sur la customisation des vêtements en tricot pour leur donner une nouvelle vie, j’ai eu envie de transposer sa typologie aux manières de transformer une construction. Son « Reknit Spectrum » permet de prévisualiser les effets en fonction des actions envisagées. L’exercice, appliqué au bâtiment, ouvre les possibles : en répartissant des actions et en les caractérisant, on se rend beaucoup mieux compte de la diversité des interventions potentielles.

Le contexte environnemental et économique tend à convaincre de plus en plus d’acteurs qu’il faut rénover plutôt que démolir et construire du neuf. Du coup, se pose très logiquement la question du « comment » rénover. Quels gestes poser ?

C’est important de faire connaissance avec les multiples manières de transformer. Les gestes et les techniques sont une porte d’entrée qui, une fois passée, permet vraiment aux plus sceptiques de commencer à penser à la rénovation comme une voie enthousiasmante, réaliste, raisonnable, et bien plus variée qu’il n’y paraît. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Sauf quand la construction est démolie. Là, c’est vraiment trop tard.

Voici l’excellente répartition typologique d’Amy Twigger-Holroyd. Dans un instant nous allons tester à quel point elle est transposable du monde du vêtement au monde de la construction.

 

Comme point de départ de son « Reknit Spectrum », la chercheuse a choisi un pull à manches longues et col ras-du-cou. L’important, c’est de visualiser ce qu’on peut en faire. Les explications d’Amy à propos des différentes options de son arborescence sont ici : https://reknitrevolution.org/

J’ai ensuite traduit de l’anglais au français les différentes options, comme illustré dans le dessin ci-dessous.

J’ai ensuite transposé l’arborescence dans un nouveau dessin. Cette fois, le pull est remplacé par un bâtiment dans son contexte urbanistique. Chaque type d’action donne un effet différent sur le bâtiment d’origine.

Pour ma transposition, l’objet pris en considération est un bien immobilier habitable, couvert d’une toiture à double pente, non mitoyen. La fonction actuelle du bâtiment n’est pas précisée, cela pourrait être du logement, ou mixte, voire même une inoccupation. Comme pour le pull ci-dessus, qui n’a peut-être plus servi de pull depuis longtemps…

A travers une série d’interventions plus ou moins lourdes, le bâtiment de départ se métamorphose.

J’ai gardé la même structure arborescente, les mêmes catégories d’actions qu’Amy Twigger-Holroyd. J’en ai juste ajouté une (« NEW ! », action n°2), qui consiste à déplacer le bâtiment. Pour un pull, le déplacement fait partie du quotidien tandis que pour un bâtiment, objet « « im-mobile » par excellence, se déplacer est une chose extraordinaire, exceptionnelle, sur laquelle je reviendrai dans les commentaires ci-dessous.

Dessiner ces ajouts et ces retraits, qui peuvent être assimilées à des « traitements », met sur papier la potentialité de rénovation et de transformation d’une construction.

Passer de quelque chose que l’on met sur soi à un endroit où l’on se met, cela implique des torsions de sens intéressantes. Il y a une relative tension entre le schéma « Reknit » » et le schéma « Transposition » parce que les catégories ne peuvent être simplement décalquées, d’un bien meuble vers un bien immeuble. J’ai trouvé une action supplémentaire, vous en trouverez sans doute d’autres. Et vous trouverez certainement d’autres exemples pour chacune des actions. It’s a work in progress !  Mes commentaires doivent vous permettre de différencier facilement les interventions et de les identifier avec des exemples concrets que vous rencontrez IRL (= in real life = dans la vraie vie).

Les actions possibles

Action Zéro : l’entretien
Action 1 – Copier, dupliquer
Action 2 – Déplacer
Action 3 – Décorer en surface par collage ou vissage, obturer, reboucher
Action 4 – Embellir en relief par collage ou vissage
Action 5 – Ajouter sans ouvrir, accrocher
Action 6 – Incruster sur une paroi, creuser de manière sporadique
Action 7 – Insérer dans une assise ou plusieurs assises
Action 8 – Modifier un niveau, une aile
Action 9 – Ajouter un niveau, enlever un niveau
Action 10 – Démonter et remonter dans une autre forme, tout ou partie
Action 11 – Enlever une paroi et la remplacer (taille identique)
Action 12 – Enlever une paroi et la remplacer (taille différente)
Action 13 – Diviser

Action Zéro : l’entretien

De la même manière qu’Amy Twigger-Holroyd ne reprend pas dans son schéma le lavage du pull, je n’ai pas illustré l’entretien du bâtiment dans la série d’actions possibles. C’est pourquoi l’entretien porte le numéro « 0 » et n’est pas dans l’arborescence : parce qu’il tombe sous le sens.

La rénovation peut se passer de grands gestes et de chantiers coûteux. Cela passe par un entretien au jour le jour. Votre meilleur outil est votre attention.

Nettoyer, entretenir, c’est essentiel pour connaître son bâtiment. Il ne s’agit pas d’aseptiser en éliminant la moindre toile d’araignée L’entretien vous aide à faire le check up des structures et des finitions, pour programmer des interventions mineures, néanmoins indispensables. L’entretien permet de repérer les taches douteuses – celles qui ne partent pas au nettoyage et peuvent dénoter, par exemple, un champignon ou une humidité ascensionnelle. Prendre soin est la démarche de base, celle qui permet d’éviter de se retrouver avec un bâtiment gravement atteint par une ou plusieurs pathologies.

Ainsi, au moment de décider de l’ordre et de l’ampleur d’une rénovation énergétique, vous aurez une bonne longueur d’avance. Non seulement parce que vous connaissez votre bâtiment, mais en plus parce que vous l’aurez maintenu en bonne forme.

La liste des actions de transformation : préalable juridique

Dans le prescrit officiel, que dit-on des transformations ? Sans entrer dans des détails juridico-techniques, je me borne ici à rappeler que le CoDT organise le régime d’autorisations d’urbanisme sur le territoire de la Wallonie. Selon la nature et l’ampleur des travaux envisagés, le projet de transformation

  • soit, doit faire l’objet d’une demande de permis d’urbanisme (article D.IV.4),
  • soit, relève de ce qui est communément appelé « les petits travaux », ou « petits permis », qui sont réglés par la nomenclature du CoDT (article R.IV.1-1),

Dans ce deuxième cas et sous certaines conditions, le projet peut être mené à bien sans qu’une autorisation soit délivrée. Il convient donc de vérifier, préalablement à la lecture du tableau de nomenclature, si les actes et travaux projetés entrent ou pas dans le champ d’application de l’article D.IV.4 du CoDT (= sont soumis à permis d’urbanisme). Voyez également, pour les formulaires ad hoc, les annexes 6 à 9 du CoDT.

Le Code de l’environnement intervient pour les permis uniques (= permis d’urbanisme + permis d’environnement), notamment en encadrant la participation du public et la réalisation d’une étude d’incidences. Les exonérations de permis d’urbanisme ne dispensent pas de respecter les autres réglementations applicables aux actes et travaux projetés : Code civil (servitudes, mitoyenneté, etc.), Code rural, les zones de recul réglementaires le long des voiries régionales, les distances le long des cours d’eau, les règles relatives à l’empiétement sur le domaine public, le décret voirie, le décret PEB

Action 1 – Copier, dupliquer

Comme le Copy d’Amy Twigger-Holroyd, l’action 1 consiste à fabriquer un double exact de l’objet d’origine. Pour un vêtement, la copie à usage domestique fait partie des manières logiques de prolonger son existence (sur le principe qu’avec plusieurs les mêmes, chacun s’use moins vite). En confection, la copie, même si elle est condamnée et poursuivie, peut être considérée comme une forme d’hommage au modèle.

En matière d’immobilier, l’authenticité est jetée aux orties quand une copie est conçue expressément pour rendre l’original désuet et inutile, pour le dénaturer ou pour servir de prétexte à sa démolition.

Où met-on la copie ? Juste à côté de l’original ? Ou à l’autre bout du monde ? Plusieurs villes nouvelles chinoises ont adopté les gabarits haussmanniens, en leur ajoutant tout de même cinq ou six étages, et Las Vegas dispose d’un restaurant installée dans un double de la Tour Eiffel, entre autres répliques de monuments célèbres.

La copie en série peut générer du profit. La démultiplication est une forme d’économie d’échelle poussée à fond : un seul plan sert à construire plein de clones, comme les tours et barres de logement construites en béton précontraint à l’issue de la seconde guerre mondiale dans toute l’Europe, ou les immeubles touristiques des littoraux du monde entier.

Reproduire à l’identique génère des questions éthiques sur le modèle et la copie, sur le clonage, sur les droits d’auteur. Et puis, que fait-on du devoir d’innovation des architectes ? De l’âme des bâtiments ? Du fameux « Genus Loci » ?

Il arrive que la copie se fasse à une échelle plus humaine et dans une perspective plus inventive. C’est par exemple le cas de la restauration du couvent corse d’Alta Rocca. Après un siècle d’abandon, il est devenu Maison du Territoire. A la place de la partie écroulée, amputant le bâtiment de moitié, Amelia Tavella a choisi de reproduire le gabarit manquant, en reconstituant la silhouette disparue dans d’autres matériaux qui signalent l’intervention.

Action 2 – Déplacer (NEW!)

La translation d’un bâtiment n’est pas chose aisée. L’entreprise s’illustre notamment dans des démarches de sauvegarde patrimoniale, telles les opérations réalisées à Bokrijk ou au Fourneau-Saint-Michel (Lavaux-Sainte-Anne). A chaque fois, les bâtiments anciens ont été extraits de leur site d’origine pour être rassemblés sur un site semi-naturel, qui se visite comme un musée en plein air. Ici aussi, se pose la question de l’authenticité, puisque la localisation fait – en tout cas pour moi – partie intégrante du processus de construction. La valeur patrimoniale perd de son intensité.

Des conditions environnementales précaires ou la nécessité de se rapprocher d’un chemin d’approvisionnement plus pratique amènent à déplacer des maisons, comme c’est le cas au Chili, notamment sur l’île de Chiloé, où l’opération s’appelle la Minga. Les bêtes de somme sont de la partie. Également appelée « Tiradura de casa » et réalisée sur des rondins, comme à Ancud, elle fait intervenir la population dans son ensemble. La complexité de la translation exige plusieurs jours de travail de préparation et la présence de charpentiers expérimentés. La maison est décimentée de son assiette, des étançons sont placés à l’intérieur pour former un contreventement qui évitera les déformations pendant le trajet. La force motrice consiste en attelages de bœufs, de motocyclettes, de tracteurs, avec les encouragements de centaines de personnes. Un énorme barbecue clôture toute Tiradura ou Minga. Parfois, une portion du trajet de la translation passe par la mer.

Pour revenir plus près de chez nous, l’une des maisons les plus anciennes du Quai des Belges à Marseille n’est plus à son emplacement d’origine. En 1954, l’hôtel de Cabre, pourtant rescapé des bombardements, a changé d’îlot : déplacé de quinze mètres et pivotage à 90° pour s’inscrire dans le nouvel alignement de la Grand-Rue. La Bruxellisation a commencé à Marseille, on dirait…

Action 3 – Décorer en surface par collage ou vissage, obturer, reboucher

Amy Twigger-Holroyd reprend sous ce terme les interventions brodées qui n’enlèvent pas de matière au vêtement et qui peuvent éventuellement le renforcer, notamment visuellement. J’ai rapproché cette catégorie d’action des nombreuses interventions de surface telles que :

  • Bardage
  • Caillebottis pour plantes grimpantes
  • Shingles
  • Obturation ou rebouchage de baies par maçonnerie
  • Chaulages et enduits épais
  • Isolation plane par l’extérieur
  • Remplacement de vitres
  • Pose de volets déroulants sur baies

Ces actions ont pour but de protéger le bâtiment, d’en augmenter le coefficient énergétique, mais aussi de le parachever avec une dimension visuelle parfois très prégnante.

Action 4 – Embellir en relief par collage ou vissage

Ici, on quitte le domaine du plat pour entrer dans la troisième dimension assumée. Ces ajouts se manifestent en haut relief. Le point d’attache doit être une amarre solide, comparable à la jonction tricotée mise en avant comme critère distinctif par Amy Twigger-Holroyd. Le lien au bâtiment reste cependant assez volatil : on doit pouvoir facilement faire et défaire, remplacer, supprimer.

J’inclus ici :

  • Marquise
  • Auvent
  • Store déroulant
  • Chenal
  • Gouttière
  • Pompe à bras
  • Contrefort de fantaisie

Le point commun de ces ajouts en relief est qu’on ne peut pas marcher dessus. Sinon, cela relève de l’action 7.

Action 5 – Ajouter sans ouvrir, accrocher

Catégorie du décor appliqué par quelques points de couture sur le pull du Reknit Spectrum, on reste dans le domaine du haut-relief, toujours sans ouvrir la paroi ou le toit, avec des attaches espacées, qui permettent d’enlever et de remettre. Quelques exemples :

  • Volets sur gonds
  • Moustiquaire sur gonds
  • Panneaux solaires
  • Abri à animaux (niche, nichoir, nid artificiel, etc.)
  • Thermomètre extérieur
  • Nom de la maison en lettres forgées, plaque de profession libérale, Patrimoine, Label Clé Verte
  • Enseigne, lumineuse ou non
  • Guirlandes d’ampoules

Action 6 – Incruster sur une paroi, creuser de manière sporadique

Avec cette action 6 et les suivantes, nous quittons l’univers de la décoration de surface pour entrer dans l’altération en profondeur. On enlève du matériau au bâtiment. Premier stade, l’action 6 refouille une paroi en quelques points dispersés, de taille réduite. Cette opération ne doit pas entraîner un affaiblissement de la structure. L’intervention, toute modeste qu’elle soit, peut atteindre un effet visuel spectaculaire, et / ou apporter un changement important dans l’éclairement des espaces intérieurs, par exemple.

  • Remplacer quelques dm² par un claustra
  • Remplacer quelques dm² par des blocs à évents
  • Remplacer quelques dm² par des briques de verre
  • Creuser une ou des petites niches murales.

Action 7 – Insérer dans une assise ou plusieurs assises

Nous arrivons aux transformations qui entament de plus larges surfaces. Elles peuvent correspondre à des travaux de reconfiguration des espaces intérieurs. Étant donné qu’elles modifient substantiellement les parois, une reprise en sous-œuvre est indispensable. Cette action 7 inclut l’installation de linteaux sur les nouvelles baies, de renforts autour des nouveaux percements, de colonnes, consoles, piliers ou poteaux pour remplacer les trumeaux supprimés ainsi que pour soutenir les nouvelles parties en porte-à-faux. Relèvent de l’action 7 :

  • Percement de fenêtres et de portes
  • Pose de vélux, de lucarnes, de chiens-assis dans une toiture
  • Pose de balcon
  • Porche
  • Préau
  • Pompe à chaleur, puits canadien
  • Conduit de cheminée

Action 8 – Modifier un niveau, une aile

Similaire aux interventions qui consistent à changer le col, les poignets ou la base d’un pull, l’action 8 ouvre complètement une assise pour transformer un niveau, soit pour modifier l’élévation d’une aile attenante ou celle du bâtiment principal. Elle ne change pas la hauteur totale, elle change les caractéristiques d’un niveau. Elle inclut les modifications suivantes :

  • Établissement d’un portique
  • Ouverture d’une loggia
  • Transformation de la toiture
  • Conversion du toit en terrasse tropézienne (ou hollandaise)
  • Réaffectation d’un garage en autre usage, avec ouverture de baies supplémentaires

Action 9 – Ajouter un niveau, enlever un niveau

Là où l’action 8 ne modifiait pas le gabarit global du bâtiment, l’action 9 le raccourcit ou augmente sa hauteur, son épaisseur. C’est le groupe d’interventions qui permet d’ajouter une unité de logement, voire plusieurs. Ou une surface de bureau, sachant qu’avec le schéma les destinations ne sont pas spécifiées. Voici quelques unes des transformations possibles  :

  • Remplacer la toiture en pente par une plateforme
  • Surélever le toit
  • Mansarder le toit
  • Ajouter un ou plusieurs étages
  • Supprimer un ou plusieurs étages
  • Supprimer le garage
  • Ajouter une annexe
  • Ajouter un car-port
  • Ajouter une terrasse surélevée

Un excellent exemple de l’action 9 nous est donné par Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, qui ont gagné le Pritzker Prize en 2021. Dans des tours d’habitation, notamment Grand Parc à Bordeaux, ils ont ajouté une trame de balcons qui augmente l’espace de vie de chaque occupant et améliore considérablement la durabilité de l’immeuble.

Action 10 – Démonter et remonter dans une autre forme, tout ou partie

Se servir des matériaux du bâtiment pour en construire un autre, voilà le principe de l’action 10. Comme un pull qu’on détricoterait soigneusement pour réutiliser la laine dans un tout autre modèle. Le bâtiment est considéré comme une carrière et un magasin de bricolage, dont chaque élément doit être démonté et inventorié pour servir dans la nouvelle construction.

Démonter et reconstruire autrement, in situ
Démonter et reconstruire autrement, à un autre endroit
Démonter et construire plusieurs bâtiments plus petits

Action 11 – Enlever une paroi et la remplacer (taille identique)

Le plan et l’alignement de l’ancienne paroi sont respectés, c’est la matière qui change. Particulièrement en vogue depuis plusieurs décennies dans son interprétation « de verre et d’acier », l’action 11 est très photogénique. Elle impose un changement radical de texture, par exemple en remplaçant un mur de maçonnerie par un vitrage sur plusieurs niveaux.

Action 12 – Enlever une paroi et la remplacer (taille différente)

L’action 12 suit le principe de l’action 11 en introduisant un changement de forme. En plan, la modification de la paroi crée une protubérance. Celle-ci peut s’étendre sur plusieurs étages.

  • Oriel
  • Véranda
  • Appentis
  • Pose d’un toit sur une terrasse
  • Coursive ou « porch » à l’américaine

Action 13 – Diviser

De toutes les actions énumérées ici, la division est peut-être la plus discrète. Elle n’a en tout cas pas nécessairement besoin d’interventions physiques sur le bâtiment pour opérer une transformation pourtant substantielle : diviser en plusieurs lot ce qui auparavant n’en formait qu’un.

La division d’un bâtiment en plusieurs unités distinctes doit permettre à chacune de fonctionner indépendamment. Il faut donc une porte d’accès principale pour chaque nouvelle unité, des prises de jour en suffisance, et une surface minimum en m² plancher (une question parlementaire a été adressée au Ministre Collignon à ce sujet en mars 2021). L’immense majorité des villas quatre-façades présentent ces caractéristiques, ce qui leur permettrait d’être converties sans travaux extérieurs. Intéressant, quand on sait que de nombreuses personnes souhaiteraient diviser leur bien. Pertinent, au regard des impératifs de sobriété. Interpellant, quand il se trouve des communes pour estimer que la division ne leur apportera rien de bon et qu’elles la refusent en bloc.

En conclusion : Aucun bâtiment n’est « insauvable ».

La transposition du schéma Reknit Spectrum d’Amy Twigger-Holroyd vers le monde de la construction me paraît un bon outil pour parler de transformations et de rénovation. Le schéma permet de commencer à imaginer un futur où le bâtiment est « remis dans le circuit ».Plusieurs actions du schéma sortent des confins de la rénovation, typiquement le clonage ou la démolition, mais je trouve opportun de les maintenir dans le schéma pour que celui-ci couvre le spectre le plus large possible.

Mon souhait est que vous puissiez vous en servir, notamment dans vos démarches de participation citoyenne, ou dans la conception de projets d’urbanisme et d’architecture, pour voir autrement les m², le bâti existant, les matériaux, le site, le non bâti.

Décodage d’IEW à Leuven, mai 2022. « C’est des beaux restes. »« Mettez-vous devant, que je fasse une photo du groupe ! »

En savoir plus

Depuis vingt ans, le travail d’Amy Twigger Holroyd consiste à questionner notre manière de concevoir le vêtement dans le monde occidental. Nous sommes tellement habitué.es à  ce qu’il soit conçu pour nous ; nous ne nous impliquons ni dans la coupe, ni dans l’assemblage, ni dans les choix de couleurs ou d’ornements. En réponse à cela, elle a mis au point des projets – entre art conceptuel et travaux pratiques – qui impliquent les personnes dans le processus de fabrication et de modification du vêtement. Les interventions développées peuvent être utilisées pour réparer, cacher les taches, résoudre des problèmes d’adaptation à une morphologie ou des usages particuliers, customiser pour réveiller une tenue trop vue. Chacune est hautement flexible en termes d’échelle et d’esthétique.

La chercheuse vise également à explorer la thèse romantique de la réalisation de vêtements « à la maison ». Dans son livre Folk Fashion: Understanding Homemade Clothes, elle interroge l’attachement émotionnel aux pièces de vêtements que nous fabriquons nous-mêmes et met à mal le mythe d’une confection autonome comme seule solution à la consommation massive de vêtements. Des mesures structurelles doivent être prises par l’industrie, conclut-elle. D’après https://www.fashiondenier.com/conversations/a-conversation-with-amy-twigger-holroyd

Reconstruire la ville sur la ville

Reconstruire la ville sur la ville, c’est d’abord un travail d’entretien des bâtiments, ensuite de rénovation, jamais de remplacement des bâtiments. Sinon, si nous voulons vraiment remplacer, ne nous cachons pas derrière les mots. Disons simplement : « démolition ».

L’enjeu derrière l’expression « (re)construire la ville sur la ville » , c’est le fait urbain avec toutes ses charges et son potentiel d’attractivité. Il faut reconnaître que les villes ont vécu, reconnaître et respecter cette expérience acquise.

De la même façon, une interprétation erronée du terme de « rénovation », dans le chef de grandes entreprises immobilières, est de faire de l’excès de zèle en dépouillant l’ancienne construction, route ou autre structure, à un point tel qu’il ne reste qu’une coquille aseptisée, ou un tracé symbolique. Au contraire, il faut promouvoir la rénovation comme un chantier de valorisation des savoir-faire et encourager les pouvoirs publics à pratiquer le nettoyage avec parcimonie : au lieu de garder un ou deux bâtiments emblématiques et remplir le vide avec des immeubles banals, il faut s’efforcer de réhabiliter l’ensemble des constructions, si disparates soient-elles. Un quartier fait de maisons identiques n’est pas une ville, c’est une « cité », dans le sens belge, péjoratif et populaire du mot. (extrait de la nIEWs « Le sort de Durobor »)