Schéma de Développement du Territoire : dépouillement en cours

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Après l’enquête publique régionale sur le projet de SDT, enquête qui se déroulait du 30 mai au 14 juillet 2023, les communes avaient jusqu’au 31 juillet pour rendre leur avis. La phase de consultation des instances d’avis s’est quant à elle clôturée un mois plus tard. Les autorités des régions limitrophes disposaient du même délai – 28 août 2023 – pour transmettre leur avis, en vertu de la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontières, ou Convention d’Espoo. Et maintenant que fait-on ? Patience, dépouillement en cours…

Nous ne sommes pas dans l’inconnu total quant au calendrier, puisque des parlementaires ont posé des questions, en particulier lors de la séance de Commission du 12 septembre 2023, et que le ministre Willy Borsus, leur a donné des réponses sur la suite des événements.

« Depuis la fin de l’enquête publique, mon administration est en charge de collecter, d’encoder, de classer, de dépouiller et d’analyser toutes ces contributions. Compte tenu de l’importance du sujet, le travail avance à bon rythme, mais, à l’évidence, il faudra encore un certain nombre de semaines pour qu’il soit finalisé. Il va notamment être nécessaire d’identifier les courriers identiques qui auraient été adressés par plusieurs communes différentes. Il faut aussi pouvoir identifier l’ensemble des éléments transversaux et particuliers de toute nature exprimés, et pouvoir en faire une analyse transversale et individuelle pour en faire la somme, ce qui est un travail considérable.

(…) Je suis moi-même régulièrement informé de l’état d’avancement du travail de l’administration. Il est trop tôt pour conclure ou indiquer de quelle manière, quelles considérations précises, quelles considérations transversales, locales ou de toute nature vont être intégrées alors dans le SDT, version définitive, qui sera soumise au Gouvernement. Elles doivent par ailleurs être analysées au regard de l’évaluation sur les incidences environnementales. N’ignorant pas que le SDT précédent a fait l’objet d’un recours, j’ai souhaité, pour chacune des étapes, préparer toutes les hypothèses juridiques. Vous connaissez l’adage : si vis pacem, para bellum [Si tu veux la paix, prépare la guerre.]

(…) Le travail de dépouillement devrait être terminé dans la première quinzaine d’octobre. Suivra un travail d’identification des propositions d’adaptation du projet de SDT et d’intégration des différentes propositions. L’objectif est de pouvoir présenter une nouvelle version du SDT d’ici à la fin de l’année à mes partenaires du Gouvernement.

Comme vous le mentionnez, ce travail se fait en parallèle des travaux liés à la réforme du CoDT, qui suit sa consolidation après la remise de l’avis du Conseil d’État. Comme annoncé, les travaux de finalisation du SDT et son adoption en troisième lecture par le Gouvernement suivront dans la foulée l’actualisation de la partie décrétale du CoDT début octobre. Il sera alors examiné par votre Parlement, et, je l’espère, approuvé. Puis la partie « arrêté » doit encore être diligentée ; nous y travaillons ».

A la fin de cet extrait de la séance du 12 septembre 2023 de la Commission de l’Economie, du commerce extérieur, de la recherche et de l’innovation, du numérique, de l’aménagement du territoire, de l’agriculture, de l’IFAPME et des centres de compétences, le ministre Borsus fait référence à l’articulation entre l’adoption du SDT et l’actualisation du CoDT, les deux dossiers étant ouverts en même temps. Force est de constater que le nouveau CoDT n’a pas encore été présenté à l’ordre du jour du gouvernement wallon et que nous sommes déjà début novembre 2023.

Lorsqu’il aura intégré les modifications provoquées par la consultation régionale, le SDT sera discuté en intercabinets. C’est la version qui résultera de ces négociations, accompagnée de la déclaration environnementale, qui sera présentée au Parlement de Wallonie pour le round final.

La réponse du ministre en Commission s’achevait sur une note optimiste à propos du SDT : « Encore quelques semaines de patience pour avoir la synthèse de tout cela. Merci de votre intérêt et de votre connaissance du dossier. Quelques mois encore avant une version, je l’espère, finalisée. »

La députée Veronica Cremasco (Ecolo) a rappelé dans sa réplique l’importance de préserver les espaces verts existants dans les milieux urbanisés. Elles’est dite curieuse de connaître la méthode qui allait être appliquée pour intégrer les avis contradictoires dans le texte du SDT, notamment au sujet de ces espaces verts en danger. De même, Eddy Fontaine, parlementaire du groupe PS, soulignait que « ce serait bien d’intégrer un maximum de ces propositions. » Il avait par ailleurs interrogé le ministre sur la manière dont il entendait « soutenir les communes dans l’élaboration d’un schéma, et sur la suffisance des effectifs chargés de traiter ces dossiers ».

Pour Canopea, ces questions de fond, de méthode et de moyens sont éminemment importantes, vous les retrouverez dans notre avis de fédération sur le projet de SDT.

Quantité et qualité

Combien de réactions individuelles y a-t-il eu à l’enquête publique ? Le Ministre Borsus n’a donné aucun détail. La question a été posée par Canopea au Cabinet et au SPW, nous n’avons pas encore reçu de réponse.

Pour ce qui concerne les réactions des communes, il y a eu un peu plus de 230 avis transmis.

André Antoine, ancien ministre de l’Aménagement du territoire et aujourd’hui parlementaire (Les Engagés) dans la Commission de Willy Borsus, a choisi l’interpellation pour faire écho aux communes qui estimaient le délai de consultation trop court. Son interpellation portait sur « la réaction du gouvernement wallon aux très nombreux avis critiques émis par les communes wallonnes à l’égard du schéma de développement du territoire (SDT) ». Vous pourrez la retrouver à la page 56 du pdf de retranscription des débats.

Willy Borsus a répondu :

« Qu’en est-il de la participation des conseils communaux ? On m’a dit : « Non, c’est impossible, vous n’y pensez pas, on ne se réunit pas en juillet ». Vous me permettrez alors d’établir le constat de façon cinglante, puisque 94 % – c’est du jamais vu, Mesdames et Messieurs – des villes et des communes qui en avaient la possibilité ont remis un avis, une expression, parfois d’ailleurs un avis extrêmement détaillé et structuré. L’enquête publique a pour sa part fait remonter un large éventail de considérations des contributions collectives. Une cinquantaine d’institutions, de partenaires du développement territorial, d’intercommunales, de conférences des bourgmestres, de provinces, de fédérations, d’associations, mais aussi de nombreuses contributions individuelles. Franchement, je n’avais jamais vu une telle ampleur, un tel flux de contributions de toute nature. (…)

Je lis moi-même nombre de ces avis, commune par commune, les votes, les expressions et les arguments. Je lis aussi les contributions d’un certain nombre des opérateurs que vous venez de mentionner, et je poursuis ce travail de façon soutenue, de manière à m’imprégner d’un maximum de ces remarques différentes. Il va de soi que j’ai également rencontré de nombreux acteurs de terrain qui m’ont relayé certaines préoccupations, craintes et demandes d’informations relatives au SDT. Je prends avec le plus grand sérieux et avec la plus grande attention ce travail de concertation, tout comme la nécessité d’adapter des éléments, des approches et certains points de ce texte. Par ailleurs, je voudrais signaler que, dans l’immense majorité des contributions, celles-ci commencent par une adhésion quant à l’approche générale, quant aux objectifs de la réforme et quant à une expression de la nécessité de voir aboutir ce dossier.

Cela démontre encore une fois que revoir notre stratégie territoriale, l’adapter aux enjeux et défis actuels comme aux défis futurs, mais le faire de façon équilibrée, en intégrant ses objectifs, mais aussi en tenant compte des situations individuelles de nos concitoyens, de leurs libertés, de leurs droits de propriété, des aspirations en matière économique, du contexte de mobilité, et cetera. Tout cela est un enjeu essentiel. Le statu quo que certains plaident à demi-mot et souhaiteraient voir poursuivi n’est évidemment pas une option. »

On notera au passage que « l’adhésion quant à l’approche générale » et « la nécessité de voir aboutir ce dossier » font partie des opinions exprimées par Canopea, tant dans notre avis sur le projet de SDT, que dans nos recommandations lors des séances d’information citoyennes que nous avons organisées pendant l’enquête publique, en présentiel et en ligne.

Avis à grande vitesse

De l’expérience de Canopea, eu égard aux questions qui ont pu nous être posées durant l’enquête publique, il semblerait qu’il y ait eu, dans toute la région, des inquiétudes autour du moment choisi pour l’enquête, et non seulement sur sa durée à proprement parler. La période où devait se dérouler l’enquête rendait le délai d’autant plus difficile à respecter. En juillet, il était compliqué pour de nombreuses communes de réunir le Conseil communal de manière valable. Difficile, dans ces conditions, de prendre connaissance de l’intégralité des textes en profondeur et d’émettre un avis nuancé.

Une vingtaine de communes se sont finalement vues dans l’impossibilité de rendre un avis, faute de pouvoir réunir le Conseil communal au mois de juillet, ou pour tout autre raison qui leur appartient.

Mais il était probablement plus difficile encore pour les communes de rédiger un avis sur cet objet urbanistique parfois très mal identifié qu’est le Schéma de Développement du Territoire. D’aucunes découvraient la matière, c’est le moins que l’on puisse dire. Plusieurs communes ont ainsi demandé à leur CCATM qu’elle rédige un avis sur le projet de SDT, afin que le Conseil puisse s’en inspirer. J’en profite pour féliciter toutes les CCATM qui ont fait l’exercice grandeur nature, qu’elles aient ou non dû préparer le terrain à leur Conseil communal.

Les quelques remarques dénonçant un « déni de démocratie » ou un « pur jeu politique » qui nous sont parvenues n’étaient pas gratuites, ni lancées de gaité de cœur. Elles émanaient de personnes ferrées en aménagement du territoire, conscientes des enjeux, et donc sceptiques par rapport à la manière dont les conseiller.ères de leur commune allaient pouvoir entrer dans le sujet et délibérer valablement dans le délai accordé.

Un matériau de choix

Comme me l’ont encore exprimé dernièrement des associations membres de Canopea, avec ces avis émanant de plus de deux cent trente communes, le gouvernement wallon dispose à présent d’un matériau qu’il aurait probablement eu beaucoup de mal à réunir par d’autres moyens. Même si le choix des dates a provoqué des problèmes de priorités dans les ordres du jour, et obligé de nombreuses personnes à travailler dans l’urgence, on peut se féliciter que la réglementation en matière d’aménagement du territoire prévoie cette consultation des communes. Ce n’est pas une procédure courante. Bien des plans et stratégies sont construits sans les consulter systématiquement.

L’avis émis par de très nombreuses communes est disponible sur leur site internet et/ou relayé dans la presse, dans des articles également disponibles en ligne.

Quant aux avis individuels ou d’associations, ils devaient être adressés aux communes, à charge ensuite à celles-ci de les faire parvenir aux autorités régionales, sans filtrer. C’est sur la quantité de ces avis que le ministre Borsus s’est montré laconique. Nous espérons que ces avis ont été nombreux et qu’il sera possible d’en prendre connaissance dans les prochaines semaines.

« Occupons le terrain » a relayé à ce propos sur son site le commentaire de la commune de Sainte-Ode (province de Luxembourg) accompagnant les remarques de ses citoyen·nes : « Considérant qu’il est à craindre que les avis émis dans le cadre de l’enquête publique ne soient finalement le fait que d’associations ayant un objet social en lien avec le SDT ou le fait de citoyens très engagés, et dès lors loin d’assurer une représentativité citoyenne. » Allez, on respire un grand coup et on se dit que ces autorités communales changeront peut-être un jour leur fusil d’épaule, qu’elles se feront alors une fête de disposer d’ouailles désireuses de s’impliquer dans la vie de la commune et de la région.

Avant de proposer à votre lecture quelques avis d’instances sur le projet de SDT, permettons-nous un souhait supplémentaire : que cette fois-ci soit la bonne et que le SDT soit adopté ! L’histoire s’est déjà suffisamment répétée, cela devient compliqué de trouver des titres originaux pour nos articles. Plus sérieusement, on a passé assez de temps sur le dossier, dépensé beaucoup d’argent et de matière grise. Il vaut mieux adopter le SDT avec quelques imperfections, et le laisser produire ses effets. S’il n’est pas efficace, la Wallonie pourra envisager une révision, forte des acquis engrangés via la vaste enquête publique qui vient d’avoir lieu.

Ce qu’en dit la fonction consultative régionale

Sur le projet de SDT, voici les avis émanant des deux pôles du Conseil Economique, Social et Environnemental de la Wallonie les plus concernés par le dossier.

Avis du Pôle Aménagement du territoire

Note introductive : « Le Pôle Aménagement du territoire salue la volonté du Gouvernement wallon d’optimiser le développement du territoire, en limitant notamment l’étalement urbain et l’artificialisation des sols et en prenant davantage en compte les services écosystémiques. 

Le Pôle émet plusieurs considérations générales portant sur les domaines d’application et échelles d’opérationnalisation, l’identification des besoins et l’arbitrage entre les fonctions, la répartition de l’effort et la solidarité territoriale, la nécessité d’assurer un caractère dynamique au SDT. Il demande un monitoring et de veiller à une articulation avec les autres politiques régionales ainsi que la maîtrise de l’augmentation des coûts et de la pression foncière, la ruralité et le maintien de l’attractivité hors centralité. Le Pôle souligne l’importance d’une approche transversale de la biodiversité et d’une meilleure prise en compte du paysage et enfin, l’intérêt de l’adhésion de la population et acteurs concernés. Il émet par ailleurs des considérations sur les objectifs, les centralités, la structure territoriale et le rapport sur les incidences environnementales. »

Avis du Pôle Environnement

Note introductive : « Globalement, le Pôle Environnement accueille positivement l’actualisation du SDT ainsi que la volonté de lutter contre l’étalement urbain, de s’adapter au dérèglement climatique et à ses conséquences, d’adopter une vision plus stratégique de la gestion des activités sur le territoire et de soutenir le développement d’une mobilité plus active.

Le Pôle regrette toutefois quatre éléments fondamentaux :

  • l’absence d’une analyse des perspectives de développement des secteurs ;
  • la faible considération de l’effondrement de la biodiversité ;
  • le manque de principes de mise en œuvre permettant d’opérationnaliser les objectifs ;
  • la période de consultation et les délais non proportionnés et non adaptés à ce dossier spécifique.

Vu les ambitions transversales du SDT, le Pôle demande la réalisation d’un travail prospectif et de cohérence avec les politiques « sectorielles ». Il émet également des recommandations spécifiques par chapitre relatifs notamment à la notion d’artificialisation, à l’imperméabilisation des sites d’activité économique, au rôle des friches industrielles, aux enjeux agricoles et alimentaires du territoire, …

En ce qui concerne le Rapport sur les incidences environnementales, le Pôle estime que l’analyse des impacts est peu objectivée et incomplète. »

En savoir plus

  • L’avis d’Occupons le terrain :

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