Aviation : la Belgique a perdu 700 millions en 2022

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En Belgique, le secteur du transport aérien bénéficie d’exonérations fiscales injustifiées qui, si rien n’est fait, augmenteront de 37 % au cours des trois prochaines années.

Selon une nouvelle étude de la fédération européenne Transport & Environment (T&E), la Belgique a perdu 700 millions d’euros de recettes fiscales l’année dernière, en raison des très faibles niveaux de taxation du secteur aérien. 700 millions d’euros par an, cela permettrait de réaliser les travaux d’infrastructures indispensables pour améliorer la sécurité du rail belge et sa ponctualité d’une part et de développer l’offre en trains de nuit d’autre part. Des investissements que les budgets actuels obligent à étaler dans le temps. Au niveau européen, le total des pertes s’élève à 34 milliards d’euros.

L’analyse porte sur les rentrées fiscales qui auraient dû alimenter les budgets des Etats si le secteur du transport aérien avait été taxé correctement, compte tenu de ses effets désastreux sur le climat. Elle compare ces recettes potentielles à celles qui ont effectivement été perçues. La différence entre ces deux chiffres est désignée « déficit fiscal » (« tax gap » en anglais). En Belgique, il n’y a pas de taxe sur le kérosène, les taxes sur les billets d’avion et la TVA sont faibles[1]. Enfin, comme les autres pays de l’UE, la Belgique est concernée par les quotas carbone[2] qui touchent seulement les vols intra-européens et pas ceux en provenance ou à destination d’un pays hors-UE.

Pour Pierre Courbe, chargé de mission Mobilité chez Canopea : « Côté pile, en ne taxant pas le secteur aérien à la mesure de ses émissions, la Belgique se prive de moyens budgétaires dont elle a cruellement besoin pour décarboner les transports. Côté face, les compagnies aériennes frôlent des profits records, tout en brûlant tranquillement des carburants fossiles… Ceci dans un contexte d’urgence climatique absolue… Il est grand temps relever les tarifs de la taxe sur les billets d’avions, dont la valeur actuelle est proche du prix d’un sandwich à l’aéroport. »

Si aucune mesure n’est prise, le déficit fiscal en Belgique augmentera de 37 % d’ici à 2025, car le secteur est appelé à se développer dans les années à venir. Eurocontrol estime que le trafic atteindra 92 % des niveaux pré-COVID en 2023 et qu’il se rétablira complètement en 2025. Les recettes fiscales potentielles non perçues pourraient alors atteindre 1,0 milliard d’euros, selon T&E.

L’étude montre que des taxes plus élevées auront un impact sur le prix des billets des passagers. Cela pourrait entraîner une baisse de la demande et une réduction des émissions de CO2. L’étude montre que la suppression des exemptions en 2022 aurait permis d’économiser 35 Mt de CO2 – et de générer un impact climatique encore plus élevé en tenant compte des émissions « non CO2 » (oxydes d’azote, particules, vapeur d’eau…) qui représentent deux tiers du problème climatique du secteur.

Naomi Cambien, chargée de mission Mobilité chez BBL, conclut : « Une taxe n’est pas une punition. C’est un moyen de faire contribuer ceux qui profitent du manque de régulation de l’aviation, en particulier les plus aisés qui ont l’habitude de voler très souvent. En outre, une tarification équitable de l’aviation profitera aux citoyens et au secteur de la mobilité à long terme, en augmentant la capacité des gouvernements à financer la transition vers des modes de transport propres, par exemple un réseau qualitatif de trains de nuit. Il est temps de mettre fin à l’ère des vols bon marché et à l’augmentation disproportionnée des émissions qui en découle. »

Téléchargez la fiche (factsheet) relative à la Belgique.


[1] La Belgique applique une taxe sur les billets d’avion et une TVA de 6%, celle-ci ne concernant que les vols intérieurs (entre deux aéroports belges)

[2] Il s’agit du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE ou ETS pour Emissions Trading System). Les compagnies aériennes bénéficient de quotas gratuits, mais qui ne couvrent pas l’ensemble de leurs émissions. Les compagnies doivent donc acheter le reste de leurs quotas sur le marché. Après 2026, les quotas gratuits seront totalement supprimés.

Crédit photographique : adobe stock