Des bonnes intentions à la pratique : s’outiller pour changer nos comportements

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Texte co-écrit avec Mme Virginie Bartholomé

Dans le contexte des enjeux environnementaux et de santé, entre la prise de conscience d’une nécessité de changement et l’adoption de nouveaux comportements, il y a un grand pas souvent difficile à franchir. Quels facteurs influencent nos comportements ? Quels trucs et astuces pouvons-nous mettre en place pour modifier durablement nos habitudes ? Lors d’un atelier organisé par Canopea et la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise dans le cadre du festival Nourrir Liège, nous avons exploré ces questions en compagnie de Fred Dorsimont, expert en sciences comportementales. En voici la synthèse, en prenant comme exemple nos comportements alimentaires.

Introduction

Que ce soit pour l’environnement ou pour notre santé, nous savons qu’il est préférable de consommer des produits locaux, peu transformés et de limiter notre consommation de viande. Malgré cela, il peut pourtant nous arriver de faire nos courses au supermarché sans vérifier la provenance des produits, d’acheter des plats préparés ou encore de consommer des quantités excessives de produits d’origine animale. Survient alors un inconfort psychologique résultant d’une incohérence entre nos convictions et nos actions : c’est ce qu’on appelle la dissonance cognitive.

Quelles sont les premières clés pour y remédier ? Pour le comprendre, il faut d’abord déterminer ce qui influence nos comportements. Les influences sont de trois types : contextuelles, sociales et individuelles.

Influences contextuelles

Les influences contextuelles sont liées à notre milieu de vie au sens large. Le fait de devoir s’arrêter dans plusieurs magasins différents et/ou parcourir plus de kilomètres pour trouver un magasin de producteurs alors qu’on a un supermarché à côté de chez soi peut être un frein à la consommation de produits plus locaux et durables. Le manque de transparence sur l’origine des produits n’aide pas à faire des choix éclairés, et il n’est pas toujours facile de trouver des alternatives végétariennes de qualité. La publicité, les promotions peuvent aussi influencer nos comportements d’achat, en favorisant la consommation d’aliments ultra-transformés, gras et sucrés.

De même, les contraintes matérielles peuvent être limitantes. Il n’est évidemment pas possible de cuisiner soi-même si on ne dispose pas d’une cuisine équipée et du matériel adéquat.

La saison peut être vécue comme une contrainte puisque le choix de produits locaux est plus restreint à certaines périodes de l’année.

Influences sociales

On constate aussi un effet de mode, une culture de la cuisine rapide et des plats préparés qui est propre à notre époque : par exemple, on commande des pizzas lors d’une soirée entre amis plutôt que de préparer un repas. La vie sociale, les occupations diverses et les sorties au resto contribuent aussi au fait qu’on a tendance à moins cuisiner soi-même. Au restaurant, il n’est d’ailleurs pas toujours facile de connaître la provenance des produits, ni de trouver des choix végétariens satisfaisants.

La transmission générationnelle des pratiques culinaires joue un rôle positif pour la consommation d’aliments peu transformés mais a tendance à perpétuer un modèle de repas basés sur la viande (repas typique « viande-féculents-légumes »).

Influences individuelles

Nos habitudes alimentaires dépendent évidemment de notre situation personnelle. Si on manque de temps ou d’argent, c’est plus compliqué de changer nos habitudes. Mais pour une partie non négligeable de la population, c’est surtout une question de choix et de priorités : à quoi consacrons-nous notre temps et notre argent ? Planifions-nous suffisamment de temps pour faire les courses, cuisiner, voire faire notre potager ? Quelle part de notre budget acceptons-nous de consacrer à l’alimentation, par rapport aux autres postes de dépenses ?

Il y a aussi bien sûr une question de goûts, d’habitudes d’achats et de produits. Si on a l’habitude de faire nos courses au supermarché, où on trouve un énorme choix de produits en provenance du monde entier et en toute saison, relocaliser notre alimentation nécessite une certaine capacité d’adaptation. De même, si on apprécie particulièrement la viande, il est plus compliqué de devenir végétarien. Le manque d’envie de cuisiner, de créativité et de compétences culinaires peuvent également être des freins.

Les bénéfices pour la santé d’une diminution de la consommation de produits ultra-transformés sont évidents, mais l’adoption d’un régime végétarien se heurte encore à l’idée reçue selon laquelle la consommation de viande serait essentielle pour la santé, promue notamment par les lobbies de la viande. Or, il a été démontré qu’un régime végétarien permet de réduire les risques de maladies cardiovasculaires et de cancers. Cependant, pour certaines personnes souffrant de problèmes de santé impactant leurs besoins nutritionnels tels qu’une anémie chronique par exemple, tout changement de régime alimentaire nécessite des précautions particulières et l’avis d’un médecin.

On a vu ci-dessus que les facteurs contextuels, sociaux et individuels peuvent être des freins aux changements d’habitudes, mais on peut également trouver des leviers dans ces trois catégories de facteurs.

Leviers contextuels

Lorsqu’on décide de changer de comportement, une condition essentielle pour mettre en pratique cette résolution est d’abord… de s’en souvenir. Par exemple, si on décide de commander des produits locaux via une coopérative ou un groupe d’achats communs, on peut se mettre un rappel pour ne pas oublier le jour de commande. Ça peut être sous forme d’un post-it sur le frigo, d’une note dans l’agenda ou d’un rappel dans le téléphone.

Changer de comportement nécessite aussi une restructuration de notre environnement. C’est ce que font par exemple les parents qui stockent les sucreries tout en haut de l’armoire pour éviter que les enfants puissent y accéder sans leur autorisation… Mais ça fonctionne aussi pour les adultes ! Par exemple, pour ne plus manger de charcuterie, la première chose à faire est d’arrêter d’en acheter (et si on peut éviter de passer par ce rayon pour éviter la tentation, c’est encore mieux). Ainsi, en cas d’envie de grignoter on ne sera plus tenté.e de se ruer sur le saucisson qui traine dans le frigo… A la place, on prévoira des alternatives végétales et plus saines : carottes, fruits, noix, etc.

Choisir une date symbolique pour un nouveau départ peut donner un élan de motivation. On parle souvent des résolutions du Nouvel An, qui sont rarement tenues mais cette date n’est pas forcément la plus adéquate. En termes d’alimentation, par exemple, le changement de saison est un moment plus pertinent pour mettre en place de nouvelles habitudes. On peut par exemple en profiter pour mettre des légumes en bocaux afin de pouvoir en bénéficier tout au long de l’année. On peut aussi se fixer comme objectif de choisir chaque semaine un fruit ou un légume de saison et de tester différentes recettes avec cet ingrédient.

Leviers sociaux

Participer à un projet collectif est une bonne source de motivation. Ça peut être au niveau familial (répartition des tâches liées à l’alimentation entre différents membres de la famille, ateliers cuisine en famille, sortie au marché avec les enfants, etc.) ou à un niveau plus large (faire des achats groupés avec ses voisins ou collègues, participer à un potager collectif).

Le réseau social peut également être source d’engagement. Réinventons nos modes de vie lors de nos événements sociaux ! Par exemple, plutôt que de commander des pizzas lors d’une soirée en famille ou entre amis, organisons un atelier pizza collectif à base de produits locaux, préparons un repas végétarien maison ou faisons une « auberge espagnole » (chaque personne amène un plat à partager). On peut aussi étendre nos connaissances et notre réseau social en allant à la rencontre des petits producteurs, en participant à des cours de cuisine, à des ciné-débats, ateliers ou conférences sur le thème de l’alimentation, etc.

Un engagement public peut aussi nous aider à tenir nos résolutions, par exemple en rejoignant des groupes ayant adopté le comportement souhaité, qui seront également source d’inspiration et de conseils.

Leviers individuels

Une bonne planification est essentielle pour adopter de nouvelles habitudes. Un bon exemple est la réalisation d’un menu prévisionnel accompagné d’une liste de courses pour la semaine en tenant compte du temps de préparation et des produits de saison. Si on manque de temps durant la semaine, on peut préparer ses repas à l’avance en utilisant la technique du batch cooking. De nombreuses recettes inspirantes sont disponibles sur internet.

L’association d’habitudes permet l’adoption plus rapide d’un comportement. On peut planifier ses courses en les combinant à d’autres activités : par exemple, faire sa promenade hebdomadaire le jour du marché pour faire ses courses en même temps.

Le regroupement de tentations permet de joindre l’utile à l’agréable pour rendre le changement de comportement plus désirable. On peut, par exemple, revisiter son plat préféré en version végétarienne, ou encore cuisiner en musique…

Conclusion

On l’a vu, les pistes d’action qui peuvent nous aider à changer nos comportements sont nombreuses. Nous avons pris comme exemple l’alimentation mais elles sont transférables à toute autre thématique nécessitant une évolution de nos modes de vie. Cependant, toutes les techniques ne conviennent pas nécessairement à tout le monde ; certaines personnes seront plus sensibles aux influences sociales tandis que d’autres bénéficieront plus de la planification… A vous de trouver celles qui vous conviennent le mieux, ou d’inventer les vôtres !

Crédit photo d’illustration : Jon Anders Wiken – Adobe Stock

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