Electricité en 2050 : combien j’en consommerai et d’où viendra-t-elle ?

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Énergie
  • Temps de lecture :13 min de lecture
You are currently viewing Electricité en 2050 : combien j’en consommerai et d’où viendra-t-elle ?

On parle beaucoup d’électrification avec la voiture électrique et la pompe à chaleur. Mais on craint déjà de manquer d’électricité en 2025 ! Petit tour d’horizon de la consommation d’un ménage en 2050, avant de voir la proportion de solaire et d’éolien nécessaire pour la produire.

Sobriété comportementale ou efficacité technique ?

Ces deux notions, centrales dans les débats énergétiques sont souvent confondues : pourtant, il est important de les distinguer. L’efficacité, prônée au niveau européen et soutenue par tous les acteurs, est entendue comme toutes les améliorations techniques qui permettent de réduire la consommation de ressources sans changer le comportement : isolation, pompe à chaleur, allègement d’un véhicule, amélioration du moteur… A l’inverse, la sobriété suscite le débat, et divise. Nous l’envisageons ici comme les choix individuels ou les modifications de l’organisation sociale, qui ne sont pas de nature technique et qui permettent de réduire davantage notre empreinte : co-voiturage, réduction de la température de confort dans l’habitation, adoption d’une mobilité active (vélo, marche)…

A la maison aujourd’hui, 10 fois plus de carburant que d’électricité

Mais où chercher ces fameux gains d’efficacité ou de sobriété dans nos consommations ménagères ? Regardons pour cela la consommation d’un ménage belge moyen d’aujourd’hui (2,3 personnes). Sa consommation s’élève à 3.500 kWh d’électricité, 2.500 L de mazout ou m³ de gaz (~25.000 kWh) et une voiture parcourant en moyenne 15.000 km sur l’année (6L/100 km, donc 900 L/an ou environ 9.000 kWh). La consommation totale du ménage est donc de 37.500 kWh/an, avec 10 fois plus d’énergie sous forme de carburant que d’électricité, comme on le voit sur la Figure suivante.

Figure 1 – Comparaison en kWh de la consommation d’électricité et de carburant entre un ménage moyen en 2020 et trois ménages hypothétiques en 2050.

A la maison en 2050, limiter l’augmentation d’électricité est possible

En 2050, imaginons maintenant le ménage « électrifié » qui passe pour son chauffage à la pompe à chaleur (PAC) sans isoler sa maison. Si le « Coefficient of Performance » (ou CoP) est de 3, la consommation est réduite d’un facteur 3, donc de 8.300 kWh. Pour la voiture, le ménage passe à une voiture électrique (VE) sans changer le kilométrage ni réduire le poids-puissance-taille de son véhicule (20 kWh/100 km), sa consommation descend d’un facteur 3 aussi, soit 3.000 kWh/an. Enfin imaginons une quantité d’électricité inchangée pour le reste de ses usages de la maison : 3.500 kWh. Au bilan, le ménage « Electrifié » totalise 14.800 kWh : il divise par 2,5 son énergie totale mais quadruple sa consommation d’électricité. Intéressant énergétiquement mais risqué pour l’équilibrage du réseau électrique ! Cette vision ne tient pas compte de l’apparition possible de nouveaux usages électriques (augmentation des flux de vidéo ou objets connectés).

En 2050 toujours, imaginons à présent le ménage «  Efficace », qui en plus de la pompe à chaleur isole sa maison (besoin divisé par 3, soit 2.750 kWh), sans diminuer ses km, utilise une voiture électrique légère et peu puissante (« Light & Safe car » ou « LISA car ») (10 kWh/100 km, soit 1.500 kWh/an) et parvient à diminuer ses autres consommations d’électricité à 2.000 kWh/an. Au bilan, ce ménage « Efficace » consomme annuellement 6.250 kWh : il divise par 6 sa consommation d’énergie totale et multiplie seulement par 1,8 sa consommation d’électricité, ce qui montre à quel point le levier efficacité est important.

La sobriété, pour le porte-monnaie et notre sécurité d’approvisionnement

La sobriété, soit des choix individuels et des changements d’organisation sociale, permettrait de réduire encore davantage cette consommation d’électricité  en 2050 et de transformer le ménage « Efficace » en ménage « Sobre & efficace ».

Concrètement, cela passe par la réduction de la température du logement en hiver de 1 ou 2 °C ou encore de réduire l’espace chauffé du ménage. Ce dernier levier passe par des modifications sociétales comme par exemple, changer plus facilement de logement selon l’étape dans laquelle on se trouve dans la vie (que l’on ait des enfants ou que l’on soit retraité, voire séparé, implique des besoins en logement différents). Pour la mobilité, cela pourrait être de supprimer la voiture grâce à du co-voiturage et/ou une offre suffisante de transports en commun et de pistes cyclables sécurisantes et/ou encore un déménagement grâce à des frais d’enregistrement réduits… Certains aspects ne dépendent que du ménage, tandis que d’autres dépendent bien sûr de l’organisation sociale, des politiques publiques et des infrastructures disponibles.

Au total, il serait probablement possible de descendre pour une partie des ménages à 4.000 kWh/an (pour rappel le ménage moyen considéré ici est de 2,3 personnes), avec 1.500 kWh pour les usages habituels d’électricité, 2.000 kWh pour le chauffage et 500 kWh pour la mobilité. L’énergie totale est alors divisée par 9 et l’électricité n’augmente que de 14% ! Bref, le rêve en termes de finance pour le ménage et d’équilibrage pour le réseau électrique.

Soutenir la géothermie des ménages

Bien entendu, tous les ménages ne pourront pas passer à la pompe à chaleur. Cependant, l’exercice est intéressant pour montrer l’importance, en complément des Stratégie de Rénovation et de Stratégie de la Mobilité déjà existantes, d’une politique de soutien à la géothermie verticale pour les ménages. Couplée à la pompe à chaleur, la géothermie permet en effet d’atteindre des CoP de 5 au creux de l’hiver (réduire par 5 l’électricité pour fournir la même chaleur) et donc d’encore améliorer les chiffres présentés ici (hypothèse de CoP = 3). Ceci a été montré par l’excellente étude comparative de 17 pompes à chaleur réalisées par la Région Flamande.

Si les canalisations existantes et l’étude d’incidence environnementale le permettent, des forages verticaux pourraient même être réalisés en voirie, et en série pour en diminuer le coût, voire développer un réseau de chaleur dans les quartiers les plus denses.

Les panneaux photovoltaïques ne suffiront pas…

Certains y pensent déjà : « c’est le moment de tout miser sur les panneaux photovoltaïques ! ». C’est en effet un bon choix économique pour le ménage, à condition de bien dimensionner par rapport à ses consommations et d’éviter les arnaques.

Par contre, cela ne suffira pas pour assurer notre approvisionnement en hiver ! Si on regarde la production d’électricité renouvelable en Wallonie en 2020, comme attendu, le solaire produit surtout au printemps et en été, tandis que l’éolien terrestre produit deux fois plus en hiver qu’en été. Comme les batteries et les bassins de stockage d’eau ne pourront stocker que quelques jours d’électricité, cette complémentarité entre solaire et éolien est assez heureuse et il est donc primordial de développer de concert éolien et solaire.

Figure 2 – Production d’électricité renouvelable en 2020 en Wallonie (solaire et éolien terrestre) typique de la complémentarité (extrait de l’outil dynamique de production renouvelable mis en place par le SPW).

La surproduction du solaire en été est d’ailleurs la raison de la fameuse et décriée taxe prosumer. Un ménage, qui produit avec ses panneaux sa consommation annuelle, produit en fait en excédent en été et injecte sur le réseau, et en hiver ne produit pas assez et prélève sur le réseau. Il n’est donc pas autosuffisant, même avec des batteries de 8 kWh qui ne permettent de stocker qu’un ou deux jours d’électricité (sans voiture électrique ni pompe à chaleur) et qui posent d’ailleurs question en termes d’usages de matières premières. Et il est donc normal de contribuer au financement du réseau électrique.

Or, déjà aujourd’hui en Belgique, nos besoins électriques sont plus élevés en hiver, et ce sans déploiement de la pompe à chaleur. Nous consommons en effet 30% d’électricité en plus en hiver qu’en été, comme on peut le voir à la figure ci-dessous : 9 GW de puissance en moyenne en hiver contre 7 GW en été, au niveau belge. Au passage, nous n’avions jamais aussi peu consommé entre Noël et Nouvel An, impact possible des prix de l’énergie…

Figure 3 – Charge électrique au niveau belge du réseau de transport de Elia, accessible on line.

… il faudra donc aussi de l’éolien, si possible citoyen

Vous l’avez compris, l’éolien va être indispensable dans notre mix électrique futur.

Certains souhaitent n’exploiter que de l’éolien offshore ou maritime pour mettre le moins d’éoliennes possibles onshore (terrestres). Cependant, ce n’est pas suffisant. Le plan très ambitieux de développement offshore de la Commission Européenne (300 GW ou l’équivalent en puissance de 300 centrales nucléaires) ne pourra produire que 8% de la consommation finale actuelle de l’Europe. Même le plan du lobby européen éolien avec ses 450 GW ne fournirait que 12% de la consommation finale européenne de 2020.

Figure 4 – Contribution possible de l’électricité de l’éolien offshore en Europe des 28 (Grande Bretagne incluse) à la consommation finale européenne de 2020 (donc sans efficacité technique, ni sobriété).

C’est la raison pour laquelle l’étude d’Elia « Roadmap to net zero » prévoit d’ailleurs au niveau européen un mix proche de 1/3 photovoltaïque, 1/3 éolien onshore et 1/3 éolien offshore pour assurer en moyenne un approvisionnement suffisant tout au long de l’année.

Les ménages souhaitant vraiment financer directement la production de leur électricité peuvent donc investir dans l’éolien, ce qui peut se faire de manière éthique en le faisant à travers les coopératives citoyennes d’énergie renouvelable de la Fédération Rescoop.

Figure 5 – Variation saisonnière de la demande d’électricité et des productions renouvelables au niveau européen pour garantir un approvisionnement suffisant, dans un scénario de la Roadmap to Net Zero de Elia (novembre 2021).

Transition Juste

Réaliser la transition énergétique nécessite beaucoup d’investissements pour isoler les habitations, changer la chaudière contre une pompe à chaleur ou un poêle à biomasse, voir acquérir un véhicule électrique léger quand le vélo ou les transports en commun ne sont pas possibles.

Pour prendre soin de tous, il importe aux associations de lutte contre la précarité, aux syndicats et aux associations environnementales de prendre des mesures d’accompagnement des ménages précarisés. Le soutien à la rénovation doit donc porter prioritairement sur les logements sociaux et les habitations les plus énergivores, souvent détenues ou louées par les ménages aux plus faibles revenus. Et l’accessibilité et l’offre de transports en commun et de pistes cyclables doivent également intégrer les inégalités de notre société.

Aidez-nous à protéger l’environnement,
faites un don !

Xavier Gillon

Énergie