La fin des énergies fossiles dans le chauffage : facile ?

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Une mesure phare du Plan Air Climat Energie (PACE) de la Wallonie, destinée à la diminution des émissions de gaz à effet de serre liées aux logements, est la sortie plus ou moins planifiée de l’utilisation des énergies fossiles pour le chauffage des logements. 

Le kWh le moins polluant est celui que l’on n’utilise pas. C’est pourquoi le PACE s’attaque d’abord à l’obligation de rénovation des logements. Il faut toutefois garder en tête qu’une fois isolé, le logement continuera à utiliser de l’énergie et si l’on veut atteindre les objectifs fixés par l’Europe et la Région, il va falloir décarboner l’énergie que l’on utilise.

En Wallonie la majorité des logements sont chauffés au mazout ou au gaz, et ce sont bien ces systèmes de chauffage là qu’il va falloir changer.

Dans son PACE la Wallonie prévoit l’interdiction de l’installation de chaudières au mazout, dans les habitations neuves à partir du 1er mars 2025 et le remplacement des installations existantes au 1er janvier 2026.

Pour le gaz naturel, le planning n’est pas encore défini, la question est plus complexe en raison du réseau de distribution de gaz dont la raison d’être est remise en question par la sortie des énergies fossiles. 

Il existe différentes alternatives aux énergies fossiles pour le chauffage. La première qui vient à l’esprit est probablement la pompe à chaleur, mais il est important de rappeler qu’elle n’est vraiment avantageuse que pour des logements bien isolés et que ce type de chauffage ne sera décarboné que lorsque l’électricité du réseau le sera, ce qui est encore loin d’être le cas en Belgique (sauf pour certaines journées printanières ou estivales, où les chauffages sont à l’arrêt).

On peut également penser aux chaudières à pellets, mais la filière locale est proche de la saturation, près de la moitié des pellets consommés en Belgique sont en fait importés d’Amérique du Nord ou des pays de l’Est où la gestion forestière n’est pas aussi durable qu’ici. Il faut également garder à l’esprit que le chauffage au bois est le chauffage le plus émetteur de particules fines et pose donc d’importantes questions de santé publique. S’il est envisageable comme chauffage d’appoint pour les pics de froid, en milieu rural, il ne convient pas pour le chauffage hivernal quotidien en zone urbaine densément peuplée.

Pour les zones urbaines, on peut par ailleurs envisager la création de réseaux de chaleur. Il en existe différents types qui utilisent de la chaleur fatale (quantité de chaleur créée par des processus industriels souvent rejetée dans l’atmosphère), peuvent être couplés avec de la géothermie, voire même avec des installations solaires thermiques. Certains projets utilisent d’ailleurs la géothermie comme réservoir de chaleur réalimenté en été grâce à des panneaux solaires thermiques. Ces réseaux de chaleurs n’ont pas toujours besoin d’être à température élevée (à isolation identique, au plus la température du réseau est élevée au plus il y a de perte d’énergie), mais peuvent fonctionner à basse température de l’ordre de 12 à 20°C afin de donner accès à chaque logement à une source « chaude » pour leur pompe à chaleur individuelle (le coefficient de performance des pompes à chaleur est grandement améliorée par une source « chaude »  à 12°C par rapport aux températures hivernales proches de zéro). Evidemment ce genre de projet s’envisage plus facilement à la taille du quartier qu’à celle de l’habitation individuelle. L’approche par quartier pourrait également apporter des économies d’échelle pour les rénovations/isolations et sont une piste à développer activement.

Le Biogaz et l’hydrogène sont souvent proposés comme des alternatives faciles à mettre en place puisqu’elles utiliseraient le réseau de gaz actuel. Mais attention à cette vision simpliste de la situation. Tout d’abord, parce que le potentiel du biogaz est fortement limité et ne remplacera jamais la totalité de la demande en gaz actuelle. Par ailleurs, produire de l’hydrogène demande beaucoup d’énergie : on considère de l’ordre de 40% de perte énergétique pour produire de l’hydrogène à partir d’électricité1 (perte bien plus importante si on envisage la production d’autres e-fuel). Finalement, injecter une partie de biogaz ou d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel en acceptant de garder en fonctionnement les chaudières aux gaz (qui seraient prêtes pour l’hydrogène), risque simplement de prolonger l’utilisation de gaz naturel et de nous empêcher d’atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050.  

Pour sortir des énergies fossiles dans le domaine du chauffage, il n’y aura pas une solution miracle mais bien un panel d’alternatives qui doivent être considérées au cas par cas. Pour s’assurer d’un choix pertinent parmi les solutions proposées et s’assurer d’une mise en place correcte et efficace, l’accompagnement par des services compétents sera essentiel.

Développer un opérateur public qui pourrait coordonner, stimuler et développer une approche de rénovation par quartier (mais également de faciliter l’accès aux primes, aux prêts à taux zéro, voir préfinancer le coûts des travaux pour les publics précarisés) serait un élément des plus utiles afin d’accélérer les diminutions d’émissions de gaz à effets de serre de nos logements.

Crédit photo d’illustration : R2H_Photography – Adobe stock


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  1. RENDEMENT DE LA CHAINE HYDROGENE, fiche Technique ADEME, Janvier 2020