La sécurité routière en deuil

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Chantal Perrichon, militante contre la violence routière, est décédée ce 20 juin 2023, à l’âge de 77 ans. Présidente de la Ligue Contre la Violence Routière (LCVR) durant 20 ans, son action aura permis de sauver des milliers de vies.

Il y a tout juste 5 ans, Chantal déclarait au magazine Grazia  : « Moi, à la base, j’ai hérité de mon père, anti-franquiste, la haine de l’injustice et de la violence faites aux autres. Ce virus s’est d’abord traduit par des combats pour le droit des femmes à disposer de leur corps, puis contre l’amiante lorsque je travaillais à la faculté de Jussieu, qui en était infestée. »

C’est ensuite dans la lutte contre l’insécurité routière que Chantal avait décidé d’investir son énergie débordante et ses grandes compétences. À une journaliste de France Bleu qui lui demandait en 2014 pourquoi ce combat, elle répondait « j’ai toujours été intéressée par les grands problèmes de santé publique. En ce qui concerne le combat contre l’insécurité routière, il faut rappeler que c’est la plus meurtrière des délinquances ». Elle fustigeait « les conducteurs qui refusent les règles, qui pensent que celui qui conduit mal est forcément l’autre, eux ce sont de merveilleux conducteurs qui peuvent prendre tous les risques mais au détriment de la vie des autres ». Mais Chantal avait aussi à cœur de s’attaquer au cœur du problème : un système défaillant et des responsables politiques trop souvent peu ou mal informés et surtout craintifs de s’aliéner certains électeurs. Tout en rendant hommages à ceux qui osaient mettre en place des mesures réputées impopulaires, tels Jacques Chirac et Edouard Philippe.

Comme le rappelle La Croix, sa détermination et son franc parler lui avaient valu de virulentes campagnes de haine sur les réseaux sociaux. Mais également des menaces de mort. Ou encore un procès pour injure publique, intenté en 2019 pour cette déclaration faite dans le cadre de la polémique autour du 80 km/h : « Nous allons payer le prix du sang la pseudo-responsabilité des élus qui préfèrent leur mandat à la sécurité des citoyens ». Procès dont elle sortira relaxée en 2021.

Les personnes qui ont eu la chance de la connaître, de la côtoyer, de travailler à ses côtés, sont unanimes. En témoignent ces quelques déclarations publiées dans la presse suite à son décès : « force d’âme exemplaire, échanges fertiles et chaleureux, précision dans l’argumentation, mordant dans l’attaque, une personne avec un cœur extraordinaire, à la recherche de la vérité, intègre, très engagée, très sensible à la préservation de la vie ».

En 2018, Chantal m’avait fait l’honneur de m’inviter à l’assemblée générale annuelle de la LCVR pour y présenter le projet LISA Car et, la veille, à la réunion du conseil d’administration de la Ligue. A la sortie de cette réunion, comme je partageais mon admiration devant sa connaissance pointue des dossiers et son énergie qui semblait inépuisable, un des administrateurs m’avait déclaré en substance, l’air à la fois admiratif et amusé (voire attendri) : « oui, si on n’y prenait pas garde, elle nous épuiserait à la tâche ».

Intègre. Dynamique. Courageuse. Enjouée. Persévérante, … la liste de tes qualités, chère Chantal, prendrait des pages. Moins, cependant, que la liste de toutes celles et tous ceux dont tu as sauvé la vie et qui l’ignoreront toujours, victimes évitées d’une mobilité routière qui serait pire que ce qu’elle n’est sans ton action ; et bien meilleure, hélas, si tous tes plaidoyers – et toutes les recommandations de la LCVR – avaient été suivis.

Nous n’avons eu l’occasion de nous rencontrer qu’à deux reprises (dans nos capitales respectives : Bruxelles et Paris), mais nos nombreux échanges m’ont permis de découvrir une personne hors du commun, une personne remarquable, œuvrant inlassablement pour le bien-être collectif. Un exemple de militantisme intelligent et efficace.

Merci pour ton engagement au service des autres. Merci d’avoir travaillé inlassablement à diminuer la souffrance, à combattre l’obscurantisme. Merci d’avoir merveilleusement illustré, par ta vie, que l’indignation n’est rien sans l’action.

Tu es partie, mais tu es et restera présente dans les pensées et les cœurs de toutes celles et ceux qui ont eu la chance de te côtoyer.

Mes pensées vont à la famille de Chantal et à ses proches.

Crédit photo d’illustration : @Adobe Stock

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