Liège Airport : où est le Gouvernement du climat ?

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Ce mardi 30 avril 2024, le Gouvernement wallon a délivré un nouveau permis d’environnement à l’aéroport de Liège-Bierset (Liège Airport). Ceci, suite aux demandes pressantes de l’aéroport, inquiet du fait que le Conseil d’Etat risquait d’annuler le permis délivré en janvier 2023. Canopea et Dryade sont tout à la fois satisfaites et… atterrées par cette décision du Gouvernement. Par ailleurs, les deux associations dénoncent l’attitude de Liège Airport dans ce dossier.

Il y a juste un an, Canopea et Dryade déposaient un recours au Conseil d’Etat contre le permis délivré par le Gouvernement wallon à Liège Airport. Ceci principalement en raison d’une étude d’incidences lacunaire (notamment absence de prise en compte des émissions de CO2 des avions) et d’une décision mal motivée. Pour rappel, un premier permis avait été délivré en août 2022 par l’administration wallonne. Ce permis fixait à 50 000 le nombre maximum de mouvements d’avions (décollages et atterrissages confondus) admissibles à l’aéroport. Ce permis avait été attaqué (recours administratif) par 26 intervenants dont ni Canopea ni Dryade ne faisaient partie mais bien… Liège Airport ! C’est suite à ces recours que le Gouvernement délivrait un nouveau permis en janvier 2023, portant le nombre de mouvements admissibles à 55 000. L’auditorat au Conseil d’Etat reconnaissait en partie les griefs portés par Canopea et Dryade et recommandait d’annuler le permis. La prochaine étape était donc l’arrêt du Conseil d’Etat.

Satisfaction d’abord…

Dans le prolongement du rapport de l’Auditeur du Conseil d’Etat, Canopea et Dryade actent le fait que le Gouvernement reconnait implicitement la validité de leurs arguments. On peut imaginer que le Gouvernement a tenté de mieux motiver la limite des 55 000 vols dans son nouveau permis, ce qui constitue un exercice de haute voltige, ladite limite résultant clairement d’un compromis politique entre partenaires de majorité. La non prise en compte des émissions de CO2 des avions dans l’étude d’incidences ne peut toutefois pas être résolue par un nouveau permis. Canopea et Dryade analyseront posément le permis une fois en possession de celui-ci. Néanmoins, les deux associations se réjouissent du fait que leur recours amènera inévitablement les autorités à porter, à l’avenir, plus d’attention aux faits et à la recherche d’un équilibre entre activité économique, protection des riverains et du climat planétaire.

Atterrement ensuite…

La décision du Gouvernement wallon de faire suite aux doléances de l’aéroport et de ne pas attendre la décision du Conseil d’Etat pour délivrer un autre permis ne constitue (malheureusement) pas une première. Il est regrettable, néanmoins, de constater qu’un Gouvernement qui se définissait lui-même comme étant « du climat » opte pour une croissance des activités aéroportuaires – et donc des émissions de CO2. Ceci alors même que, comme le rappelait Canopea lors d’une audition au Gouvernement quelques jours avant la délivrance du permis incriminé : « Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied sur l’accélérateur » (discours inaugural d’Antonio Gutteres à la COP 27).

Ecoeurement enfin

Depuis la notification du rapport de l’auditorat au Conseil d’Etat, Liège Airport n’a cessé de clamer, qu’en cas d’annulation du permis,  il serait en défaut de permis et forcé de cesser toute activité du jour au lendemain. Ce qui est factuellement faux. En effet, la jurisprudence est on ne peut plus claire : dans l’hypothèse de l’annulation, le Gouvernement wallon demeurerait saisi des recours introduits (notamment par Liège Airport…) contre le permis d’août 2022. Dans l’attente d’une nouvelle décision, les activités de l’aéroport seraient couvertes par ce premier permis. Et si le Gouvernement devait ne pas statuer, le rapport de synthèse établi par l’administration à l’attention du Gouvernement suite aux recours contre le permis de 2022 tiendrait lieu de permis.

Soyons clairs : ce que semblait craindre Liège Airport, c’est une absence de décision du Gouvernement qui aurait impliqué un retour sur un permis limitant à 50 000 le nombre de mouvements admissibles à l’aéroport. Liège Airport n’a donc pas craint d’avancer des arguments fallacieux pour arriver à ses fins : obtenir de l’actuel exécutif wallon un nouveau permis confirmant les 55 000 vols par an.

Liège Airport, qui a « gagné sa bataille », ne sort cependant pas grandi de cet épisode. Faire planer sur l’ensemble des travailleurs du site et des sous-traitants le spectre d’un chômage abrupt inhérent à l’annulation éventuelle du permis est totalement déloyal mais aussi et surtout irresponsable en ces temps d’urgence climatique absolue et de nécessité tout aussi absolue de mettre en place des politiques de transition.

Crédit image d’illustration : Adobe Stock