Référentiel « alimentation durable » – Vers un conseil de politique alimentaire wallon ?

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Dans le cadre de la Stratégie Wallonne de Développement Durable, un projet de référentiel est en cours de définition avec l’ensemble des acteurs wallons du système alimentaire. Son objectif est, selon les termes même du Ministre Di Antonio « de faire évoluer le système alimentaire wallon (SAW) pour le rendre plus durable, en intégrant la question de la santé des citoyens mais aussi de la préservation de notre environnement. (…) « L’approche sectorielle (production-transformation distribution) doit être dépassée au profit d’une approche intégrée prenant notamment en compte la santé, la gestion territoriale, l’accès à l’alimentation, le revenu des producteurs et la préservation de l’environnement. »(1)

Nous nous réjouissons de cette volonté d’aborder les questions alimentaires de façon plus systémique, l’approche en silo étant vouée à l’échec.

La définition de ce référentiel coordonné par l’administration du Service public wallon du Développement durable a mobilisé des dizaines d’organisations (associations, acteurs économiques, administrations,,etc) pendant plusieurs mois. Il devrait être adopté en avril 2018. Il va sans dire que pour être utile, ce référentiel devra être approprié et mis en œuvre par l’ensemble des acteurs du SAW en ce compris les autres ministres et les différents niveaux de pouvoirs. Pour ce faire, la mise en place de conseils multiacteurs de politiques alimentaires (CPA) à l’échelle régionale et locale est une piste intéressante.

Conseils de politiques alimentaires : kesako ?

Ces conseils, soutenus par Olivier Deschutter,ancien rapporteur pour le droit à l’alimentation aux Nations Unies, répondent ou devraient répondre au besoin de soutenir le changement vers un système alimentaire plus durable. « Les Conseils de politique alimentaire permettent de développer une approche plus holistique et transdisciplinaire en rassemblant différentes expertises complémentaires autour de la table. Ce faisant, ils concrétisent une expérience de gouvernance collaborative, traduite par la participation active de différents acteurs dans le processus politique » [[Veronica Bonomelli et Manuel Eggen, Les conseils de politiques alimentaires. Vers une gouvernance démocratique des systèmes alimentaires ? FIAN Belgium, Note d’analyse Septembre 2017]]

Ces conseils peuvent avoir différentes fonctions(2) :

  • servir de forums pour discuter de questions consensuelles et conflictuelles liées à l’alimentation, en créant des espaces de dialogue où participent les différents acteurs liés à l’alimentation ;
  • encourager la coordination entre différents secteurs liés à l’alimentation, de la production au recyclage et faciliter le travail de chacun et la mise en œuvre des actions sur le terrain ;
  • émettre des avis afin d’influencer les politiques publiques voire co-construire les politiques alimentaires, et réaliser un travail de suivi et de monitoring sur la mise en œuvre des politiques publiques ;
  • être à l’origine d’initiatives concrètes qui répondent à des besoins régionaux ou locaux.

Des exemples de conseils alimentaires existent déjà en Belgique : Good food en Région bruxelloise ; à Liège, à Gand ou à Brugge, des conseils alimentaires locaux ont été créés dans le cadre du Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan.

Un conseil alimentaire wallon oui mais… osons la créativité

Créer un conseil de politique alimentaire au niveau régional serait une piste intéressante à condition d’être innovant dans son fonctionnement démocratique. Comment créer un lieu où sont dépassés les seuls défenses d’intérêts corporatistes et créer de l’intelligence collective tenant compte des enjeux, intérêts complexes et parfois contradictoires liés au système alimentaire durable ? Comment dépasser le débat d’experts et assurer le lien avec les besoins des citoyens, en ce compris les plus fragilisés ? Comment s’assurer que tous les acteurs qui souhaitent construire le changement puissent y participer, etc.?

Osons donc la créativité politique en agissant sur le « pourquoi ». Il ne s’agit pas ici de refaire un énième conseil consultatif. Visons la co-construction et la co-décision. L’engagement des acteurs, voire des citoyens sera d’autant plus fort que le niveau d’engagements sera élevé. Agissons également sur le « Qui ». Les conseils incluent en général les représentants d’intérêts, les experts. Est-ce forcément toujours pertinent ? Ouvrons-nous aux citoyens , aux acteurs de terrain tout en veillant alors à un accès équitable aux ressources nécessaires à une participation effective et à un renforcement des compétence.
Enfin innovons, surtout… sur le « comment ». Il s’agit de mettre en œuvre des modes de fonctionnement transparents permettant, autour d’une intention claire et d’une vision partagée, de faciliter l’écoute mutuelle et l’instauration d’un climat de confiance, de comprendre collectivement les enjeux, les freins rencontrés par le terrain, prendre des décisions partagées dans une logique gagnant-gagnant-gagnant, etc. Des méthodes d’intelligence collective sont expérimentées partout en Belgique, en Europe et ailleurs : la sociocratie, le design thinking, les labs (living, U-lab, social lab…). Inspirons-nous. Ayons le courage d’essayer, de se tromper, de recommencer à nouveau… pour une nouvelle démocratie.

Messieurs et Mesdames les Ministres, la Wallonie en a besoin et le vaut.

Ressources

(1) Note d’Orientation Politique conformément à l’article 135 du règlement du Parlement de Wallonie

(2) Veronica Bonomelli et Manuel Eggen, Les conseils de politiques alimentaires. Vers une gouvernance démocratique des systèmes alimentaires ? FIAN Belgium, Note d’analyse Septembre 2017