Ruiner la santé pour sortir de la pauvreté ?

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Communiqué de presse relatif à la révision de la DIRECTIVE européenne sur la QUALITÉ DE L’AIR (AAQD). Communiqué initié par HEAL et co-signé dans sa version belge par Canopea et BBL.

Dans le cadre du Green Deal européen, la Commission initiait en 2022 une procédure visant à renforcer sa Directive liée à la qualité de l’air ambiant. L’un des principaux objectifs de cette Directive consiste à aligner les standards européens avec les recommandations scientifiques de l’OMS afin de préserver davantage la santé des citoyens européens face aux maladies et décès occasionnés par la pollution de l’air que nous respirons.

Responsable de 253 000 morts prématurés en Europe (2021), la pollution de l’air aux particules fines (PM2.5) se hisse au triste rang de première menace sanitaire environnementale[1]. Selon les nouveaux seuils de l’OMS, 97% de la population européenne respire un air malsain[2]. En Belgique, la pollution aux particules finesétait responsable de 5 110 morts prématurées en 2021, le dioxyde d’azote, de 1 360[3].

Une étude scientifique[4] récente indique que l’adoption immédiate de la révision ambitieuse de la Directive permettrait d’épargner 327 600 vies au cours de la décennie à venir.

Malgré les nombreux bénéfices attendus, tant sanitaires qu’économiques, le Conseil des Ministres européen est en phase de déforcer la future Directive. Ils prévoient ainsi que les pays européens à faible PIB ne soient pas tenus d’améliorer la qualité de l’air d’ici 2040. Cette non-obligation du respect des nouvelles valeurs limites assurant une meilleure protection de santé pourrait concerner près de 2/3 des pays de l’UE.

Parmi les pays concernés par ces exemptions on retrouve notamment la Pologne, la Roumanie, l’Italie, l’Espagne, … là où paradoxalement les décès liés aux particules fines sont les plus nombreux. Cette exemption aura pour effet d’augmenter les disparités en matière de santé dans l’UE. Or, les émissions de particules fines, extrêmement nocives pour la santé, sont 30% plus importantes dans les pays européens à faible PIB[5]. Cette potentielle décision européenne est aussi insensée que de déclarer à l’échelle d’un territoire « Nous interdisons désormais aux véhicules les plus polluants de rouler sur nos routes, sauf dans les villes les plus polluées ». Se dire qu’on ne va pas demander aux pays les plus pollués de limiter la pollution de l’air étant donné qu’ils sont en difficulté économique revient à accepter que ces pays dépensent des sommes considérables pour prendre en charge les nombreuses et coûteuses maladies imputables à la pollution de l’air.

Un trilogue européen est prévu ce 20 février afin d’aboutir sur un accord provisoire. Seront réunis à cette occasion des représentants du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne. Nous implorons ces derniers de garantir l’ambition portée par la proposition de révision initiale, et ce pour tous les pays de l’Union dans les meilleurs délais. Il en va de la santé de toutes et tous.

Certains qualifieraient d’ « écologie punitive » le fait d’imposer des mesures environnementales à des pays dont la prospérité économique fait défaut, mais soyons réalistes. N’est-ce pas punitif, en plus d’être profondément discriminatoire, de délibérément accepter que des citoyens demeurent surexposés à la pollution de l’air au prix de leur santé tandis que des efforts sont entrepris ailleurs ?


[1] 2023, OMS, Air pollution: The invisible health threat

[2] AEE, Air Pollution, Key Facts

[3] AEE, Belgium Fact Sheet

[4] 2024, Malmqvist and al., Urgent Call to Ensure Clean Air For All in Europe, Fight Health Inequalities and Oppose Delays in Action, International Journal of Public Health

[5] Décembre 2023, AEE, « Environmental inequalities. Income related environmental inequalities-indicator »