Valoriser le « foncier invisible » : l’art de changer de regard

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La stratégie européenne « zéro artificialisation nette » publiée en 2011 nous avait rappelé que les territoires ne sont pas infinis et qu’une maitrise de l’expansion de la forme urbaine allait devoir s’imposer. La Directive sur le monitoring des sols abonde dans le même sens et nous alerte sur la disparition de sols dont les qualités et fonctions au profit de l’urbanisation et au détriment de notre robustesse territoriale. Le projet de SDT adopté par le Gouvernement en mai 2023 traduit ces objectifs sous le concept d’optimisation spatiale. Pour réduire de fait l’étalement urbain, il va falloir bousculer nos représentations mentales et imaginer de nouvelles façons de faire la ville.

En art comme en urbanisme, rien de tel qu’une contrainte pour libérer la créativité. « Qu’il soit subi par l’environnement ou volontairement convoqué dans une pure démarche d’inspiration, le facteur « contrainte » reste intimement lié au processus créatif en ce sens qu’il incite justement à sortir d’un cadre de référence donné, celui auquel notre environnement culturel, géographique ou professionnel nous a habitué. »

L’application du concept d’optimisation spatiale (CoDT, 1er avil 2024) vise à « préserver au maximum les terres et à assurer une utilisation efficiente et cohérente du sol par l’urbanisation. Elle comprend la lutte contre l’étalement urbain » et remet (enfin) en question le modèle actuel de « constructions neuves sur terrain encore non urbanisé » qui fait fureur en Wallonie.

Mais dès lors, où et comment créer de nouveaux logements, de nouveaux bureaux, de nouveaux commerces (même si le taux moyen de 20% de cellules commerciales vides en Wallonie devrait nous inviter à fortement lever le pied sur ce point), de nouveaux locaux pour des activités sportives, culturelles, etc. ? Au sein du « foncier invisible » ! C’est-à-dire au sein du tissu bâti existant, en mobilisant le foncier vacant bien situé (en centralité, à proximité d’un mobipôle, etc.), en agissant sur l’inoccupation, en diminuant la sous-occupation du bâti. Identifier ce foncier invisible suppose de changer notre regard, ne plus chercher de terrain vierge mais repérer le potentiel de transformation du déjà-là. Voir avec un regard neuf un paysage urbanisé connu par cœur n’est pas pour autant un exercice facile. Comment repérer dans le puzzle urbain ce foncier « invisible » ? Pour aider les acteurs du territoire à « porter un nouveau regard sur les ressources foncières et bâties dont il·elles disposent », le cabinet d’architectes français Selva&Maugin a récemment publié un « Atlas du foncier invisible ».

Exemple de foncier « invisible » rendu visible dans l’Atlas ©Selva&Maugin

Véritable outil visuel grâce à la richesse de ses illustrations, la publication nous fait découvrir des situations urbaines présentant des potentiels de transformation et est truffée de pistes et conseils pour activer ces fonciers rendus visibles. Toutes les illustrations sont inspirées de cas réels. En outre, « des usages non bâtis sont aussi envisagés pour ces fonciers invisibles : production alimentaire, lutte contre les îlots de chaleur, biodiversité, transition énergétique… Intéressant changement de perspective, qui montre que tous les vides de la ville n’ont pas vocation à être comblés, et que leur métamorphose peut prendre d’autres formes que l’arrivée d’une toupie de béton. »

Depuis la lecture de cet Atlas, je ne peux m’empêcher de déchiffrer tous les potentiels des fonciers invisibles présents autour de moi. Et vous, les verrez-vous aussi ?

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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