10 ans après, toujours plus de déchets !

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Il y a tout juste 10 ans, le 23 novembre 1997, la Commission interrégionale de l’emballage (CIRE) voyait officiellement le jour. Cet organisme nouveau avait pour mission de mettre en oeuvre l’Accord de coopération sur la prévention et la gestion des déchets que les trois Régions du pays avaient signé le 30 mai 1996 et qui transposait dans le Droit belge la Directive européenne 94/62/CE visant à éviter et/ou diminuer les impacts des déchets d’emballages sur l’environnement. Très concrètement, il incombait à la Commission de veiller au respect des obligations imposées aux entreprises mettant des produits emballés sur le marché belge.

Alors que la CIRE fête en grande pompe sa première décade, force est de constater que son bilan est mitigé. Certes, les Belges sont devenus les « champions du monde du tri » mais, dans le même temps, la quantité de déchets d’emballages ménagers et industriels mis sur le marché national n’a cessé de croître. On est ainsi passé de 1.339.958 tonnes en 2000 à 1.659.261 tonnes en 2005, dernière année pour laquelle des chiffres officiels sont disponibles[Source: Suite à la décision 2005/270/EC de la Commission, les états membres fournissent à l’aide d’un formulaire ad-hoc les données annuelles concernant leur production d’emballages, quantités recyclées, valorisées et incinérées avec récupération d’énergie. Voir : [http://ec.europa.eu/environment.]] Entre 2000 et 2005, la quantité de consignés (emballages ménagers réutilisables) a diminué de plus de 10% tandis que les jetables, surtout plastiques, sont en progression continue. Et pour obscurcir davantage encore le tableau, des bouteilles en plastique de couleurs (rouge, brun, gris) acceptées en collecte sélectives – sacs bleus « PMC » – mais non recyclées sont apparues et ont tendance à se multiplier… Autrement dit, la Commission a plutôt bien réussi la mise en oeuvre des obligations de reprise et de traitement incombant aux responsables emballages[[Notamment à travers l’agrément des organismes pouvant prendre en charge ces obligations :Fost Plus pour les emballages ménagers et Val-I-Pac pour les emballages industriels.]] mais elle a échoué dans le volet « Prévention » de la mission qui lui est confiée. A cet égard, les chiffres sont, on vient de le voir, tristement éloquents…

Il n’est toutefois pas trop tard pour redresser la barre. En effet, l’Europe a revu sa copie de 1994 et la Directive 2004/12/CE du 11 février 2004 est venue la remplacer en approfondissant notamment la définition du terme « emballage » et en fixant des objectifs de recyclage et de valorisation en hausse. La Belgique doit depuis lors transposer cette nouvelle Directive dans sa réglementation, ce qui implique une révision de l’Accord interrégional de 1996. L’occasion est donc belle de faire de cette nouvelle mouture un véritable outil au service de la prévention. De ce point de vue, on peut se réjouir de voir les considérants du projet d’Accord en cours de négociation entre les Régions énoncé on ne peut plus clairement que « la gestion des déchets d’emballage comprend comme première priorité la prévention des déchets d’emballage et comme principes fondamentaux supplémentaires la réutilisation des emballages, le recyclage et les autres formes de valorisation des déchets d’emballage et de cette façon la réduction de l’élimination définitive de ces déchets. » Mais force est toutefois de constater que cette belle déclaration de principe n’est accompagnée d’aucun objectif chiffré, d’aucune prévision ou prospective concrète…

Une première étape vers une prévention efficace serait de permettre aux consommateurs de faire leurs choix en toute connaissance de causes. Or, la signalétique actuellement en application est source de confusion. Le célèbre « point vert » apposé sur les emballages n’atteste en effet en rien de leur caractère recyclable mais signale uniquement que le producteur à payé ses cotisations à Fost Plus… Pour lever cette ambiguïté et fournir une information réellement utile, il importe donc d’adopter un code clair (par exemple un logo se déclinant en rouge ou en vert selon les cas) permettant de savoir sans équivoque si l’emballage concerné sera ou non recyclé.

Mais l’effort de prévention ne peut porter exclusivement sur les consommateurs; des mesures incitatives doivent être prises en amont, dès la conception d’un produit. C’est en effet à cet instant que la spirale de l’emballage jetable et du suremballage s’enclenche.

Le projet d’Accord actuellement négocié ouvre une série de pistes intéressantes mais s’enferme également dans plusieurs impasses. Ainsi, faire porter par Fost Plus, responsable du tri et de le gestion des déchets, les messages de prévention est une absurdité aussi grande que de demander à une compagnie pétrolière de promotionner les alternatives à la voiture! Le meilleur emballage est celui qui n’existe pas et non celui que l’on recycle. Si Fost Plus peut inciter à bien trier ses déchets d’emballages, on le voit mal inciter les consommateurs à privilégier des produits non (ou peu) emballés… et scier ainsi petit à petit la branche sur laquelle il est assis.

D’autre part, le projet d’accord prévoit une contribution de l’organisme agréé au financement de la politique des régions en matière de prévention et de gestion des déchets d’emballages. Cet élément permettra de faire porter aux responsables emballages les coûts qui jusqu’à présent sont supportés par les consommateurs de plusieurs façons (le point vert sur les produits, participation directe via les systèmes mis en place par les communes pour la collecte et le traitement des ordures ménagères, participation en tant que contribuable aux investissements régionaux en matière d’équipements de gestion des déchets ménagers et de ramassage des ordures (déchets d’emballage majoritairement) le long des routes…, déplacements vers le parc à conteneurs pour se débarrasser de ses emballages).
Cependant dans une optique de promotion de la prévention, cette initiative théoriquement réjouissante souffre d’un grand bémol car à nouveau, le projet se situe en aval du problème. Il sera difficile de faire passer des messages de prévention au niveau de la région si elle n’a accès qu’aux déchets produits en bout de course. Par ailleurs, ce genre d’accord risque d’uniquement faire fonctionner la machine telle qu’elle existe actuellement (BAU, Businness as usual), sans véritables objectifs de prévention. C’est pourquoi il est nécessaire que ce ne soient des actions de prévention reprises dans les plans de prévention régionaux avec des objectifs de prévention clairement identifiés[[Ces actions définies au niveau régional pouvant être portées par la Région ou par des organismes et associations avec la coordination régionale.]] qui puissent bénéficier de ses ces financements., et pas la gestion des déchets !

Dans le projet d’accord, le montant de la contribution est définit « au coût à la tonne de la collecte non sélective et de l’incinération », à nouveau, cet élément n’est pas incitatif à réduire à la source la production de déchets d’emballages : il serait préférable de parler en pourcentages non recyclés pour éviter de conditionner directement les financements des actions de prévention aux tonnes de déchets d’emballages non triés et non recyclés !

Inter-Environnement Wallonie, fédération des associations environnementales, et ses alter-egos bruxelloises et flamandes ont transmis aux négociateurs du prochain Accord interrégional une position commune. Elles attirent l’attention sur un certain nombre de points à prendre en compte pour arriver à une politique de gestion des déchets d’emballages réellement adaptée aux réalités de l’époque. Car à l’heure où la lutte contre les changements climatiques s’apprête à devenir un des déterminants majeurs de tous les choix politiques et économiques, l’enjeu dépasse ici largement le cadre de la défense de l’environnement…

Pour en savoir plus : lire la position des quatre fédérations sur le projet d’accord de coopération.

Nous espérons donc que nos voix seront entendues … et que le 20ème anniversaire de la CIRE sera dès lors l’occasion d’une célébration sans bémol!

Canopea