Usine à tarmac : Assesse retourne sa veste !

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Un article de Geoffroy Mirgaux paru dans la newsletter d’Occupons le terrain.

La saga du projet d’usine à tarmac dans le Bois Robiet à Assesse a déjà fait couler beaucoup d’encre, dans notre newsletter et dans la presse en général. Fin avril, nous vous annoncions que ce projet était définitivement enterré. C’était malheureusement sans compter sur les choses inavouables qui se passent parfois en coulisses ! Petit retour en arrière…

A l’origine

Il y a 5 ans, le consortium industriel Nonet-Sotraplant annonce son intention de créer une gigantesque usine à tarmac au Bois Robiet, une forêt située entre les villages de Sart-Bernard, Courrière et Maillen, à quelques centaines de mètres à peine des habitations. Une très forte mobilisation citoyenne immédiate va offrir à la commune plusieurs arguments pour s’opposer au projet.

Le premier de ces arguments est un sentier communal qui coupe la parcelle en deux. Sans disposer de ce sentier, impossible pour l’industriel de lancer son projet. Après la phase d’enquête publique, durant laquelle de nombreuses lettres de contestation ont été recueillies, la Commune suit le mouvement citoyen mais motive mal son refus de céder le sentier à Nonet-Sotraplant. Et perd ainsi son premier argument face au recours en justice introduit par l’industriel. Nous y reviendrons par la suite.

Néanmoins, le projet est refusé et le consortium d’entrepreneurs introduit en décembre 2022 un recours au Conseil d’Etat contre ce refus.

La biodiversité au secours des contestataires

Les associations citoyennes mettent alors en avant les qualités biologiques exceptionnelles de l’endroit, élément reconnu par le Département de l’Etude du Milieu Naturel et Agricole du Service Public de Wallonie, ainsi que celui d’un autre site de grand intérêt biologique de la commune (le Vallon du ruisseau de Vôvesène). Les collectifs Covisart ASBL et N931 travaillent alors d’arrache-pied à l’élaboration d’un règlement avec 5 associations de conservation de la nature : les ASBL Ardenne et Gaume, Canopea (qui regroupe 130 associations environnementales), la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO), les Cercles des Naturalistes de Belgique (CNB) ainsi que Natagora.

Les deux collectifs proposent alors au bourgmestre et aux échevins de voter ce règlement de protection des Sites de Grand Intérêt Biologique (SGIB) permettant d’éloigner à nouveau le spectre de l’usine à tarmac. Ce règlement est voté en juin 2024.

Le recours au Conseil d’Etat

Le consortium Nonet/Sotraplan ne l’entend évidemment pas de la même oreille et décide d’introduire un recours au Conseil d’Etat contre ce règlement de protection.

Devant ce nouveau recours de l’industriel, le nouveau bourgmestre et ses échevins demandent il y a trois mois aux cinq grandes associations de défense de l’environnement qui ont aidé les collectifs pour l’élaboration de ce règlement de se joindre aux autorités communales pour résister à cette nouvelle attaque en justice.

Fin avril 2025, on apprend que le consortium se désiste de son recours introduit devant le même Conseil d’Etat en 2022 contre le refus du projet. Par ce désistement, l’usine à tarmac est définitivement enterrée.

Fin de l’histoire ?

Le retournement de veste

Que nenni ! L’histoire ne pouvait évidemment pas s’arrêter là…

Un règlement communal de protection des Sites de Grand Intérêt Biologique (SGIB) ? Une première en Wallonie validée par l’autorité régionale ? Quand des industriels et une nouvelle majorité communale MR-Engagés se rencontrent (secrètement), il y a toujours moyen de « s’arranger entre amis » et de balayer du revers de la main ce règlement.

Le bourgmestre et les échevins ont en effet annoncé il y a quelques semaines avoir eu un contact avec les promoteurs de l’usine à tarmac. Ceux-ci se sont alors subitement désintéressés de leur propre recours au Conseil d’Etat, comme s’ils avaient été informés par la Commune qu’elle allait annuler son propre règlement communal… Ce qu’elle fait lors du Conseil communal du 4 juin dernier.

Une décision prise, sans attendre au moins le rapport de l’Auditeur du Conseil d’Etat et sans aucune concertation avec les associations citoyennes ni avec les cinq grandes associations de défense de l’environnement mobilisées par le même bourgmestre et ses échevins il y a trois mois à peine. Un manque de respect total pour tous ces alliés bénévoles, qui ont donné sans compter leur temps et leur argent pour aider la commune à éviter l’installation d’une usine à tarmac sur son territoire. Ceci sans compter l’argent public (l’argent des citoyens) dépensé par la commune pour aller en justice contre le promoteur. Tout cela pour renoncer à tout aujourd’hui et dérouler le tapis rouge à Nonet-Sotraplant, en dépit des intérêts de ces mêmes citoyens dont la commune dilapide l’argent pour rien. Ce n’est en tous cas ni à la Commune, ni à des avocats de dire qu’un règlement est illégal, cela revient au seul Conseil d’Etat !

Servez-vous Messieurs les Industriels !

Un autre point de ce même Conseil communal illustre également la volonté du Collège de fournir des gages de soumission à Nonet/Sotraplant. Ce point était annoncé comme une simple information sur le retrait du recours du consortium contre le refus de son permis unique. Bonne nouvelle : la demande de permis pour une usine à tarmac n’existe plus (…pour le moment) ! Mais dans le même temps le Collège glisse dans ce point d’information l’abandon de l’intention de borner le chemin communal qui traverse le Bois Robiet et qui aurait pourtant été un signal clair que la Commune souhaitait garder la main sur le devenir de ce site.  Ce petit chemin communal, par sa position stratégique dans le bois Robiet, est un incroyable levier pour toutes les négociations à venir entre la commune et Nonet/Sotraplant.

En renonçant à son propre règlement et au bornage du chemin dont elle est propriétaire, la commune d’Assesse fait une croix spontanément, et de manière totalement incompréhensible, sur les deux arguments les plus forts pour assurer la défense du territoire non seulement contre l’usine à tarmac projetée par Nonet/Sotraplant mais aussi contre tout autre projet qui nuirait aux intérêts de sa population.

Et la suite ?

Tant la Commune que le promoteur annoncent par voie de presse le dépôt d’un nouveau projet dit « socio-économique » avec probablement des bâtiments administratifs pour Nonet/Sotraplant. Et donc la possibilité, d’ici quelques années, d’une demande de dérogation au plan de secteur pour y construire une usine. Ce scénario n’est nullement une fiction : c’est celui suivi par Sotraplant à Perwez il y a quelques années.

Les associations citoyennes d’Assesse, qui se mobilisent depuis le début contre ce projet d’usine à tarmac au bois Robiet, pensent que le bourgmestre et les échevins veulent permettre au promoteur de poursuivre un projet « allégé » au bois Robiet. Elles craignent que le promoteur de l’usine à tarmac, comme il l’a fait il y a quelques années pour un projet similaire dans le Brabant wallon, utilise la dérogation prévue par le Code du Développement Territorial (CoDT) pour construire l’usine de tarmac en zone d’habitat à caractère rural, qui, rappelons-le, n’est pas destinée à accueillir une activité industrielle d’une telle ampleur.

Un danger que les associations citoyennes claironnent depuis le début du projet à l’oreille des autorités communales.

Le tacle (sans doute involontaire) du Gouvernement wallon

Il y a parfois des coïncidences inexpliquées fort intéressantes … Le lendemain du jour où la commune d’Assesse décide de faire passer les intérêts d’un industriel avant ceux de sa population, le Gouvernement wallon s’engage à multiplier par trois les surfaces sous statut de protection fort.

Devinez : Le Gouvernement, par sa décision du 5 juin 2025, prévoit la création de nouveaux sites protégés sur base des liaisons écologiques régionales !

Nous y voilà. Comme cela a toujours été soutenu par les associations citoyennes, le bois Robiet est juste au centre d’une liaison écologique principale décidée par le Gouvernement en 2019. Sur 17 km reliant la Meuse au bassin du Samson et couvrant 4.000 ha de forêt, le seul endroit affecté en zone d’habitat et qui de plus, est une forêt ancienne, se trouve être le bois Robiet !

Voilà sans nul doute un nouveau motif pour les associations de poursuivre la lutte et surtout une décision qui met à mal la Commune après son vote de la veille !

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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