Le numérique peut sauver la planète… Ou accélérer sa chute…

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Compte-rendu du livre de Eric Vidalenc- Pour une écologie numérique.

Les technologies numériques sont souvent présentées comme un des outils-clé pour sauver le climat. On pense à la digitalisation de nos systèmes de chauffage ou de transport ou aux applications d’économie partagée (car sharing…). En réalité, rien n’est moins sûr… Dans son dernier livre Eric Vidalenc, chercheur à l’ADEME en France, creuse le lien complexe entre numérique et écologie.

Sa réflexion part du postulat que la préservation d’une planète viable est l’objectif majeur auquel nous devons faire face. Pour lui : « L’écologie est une fin, mais nous manquons de moyens ». C’est typiquement le cas pour le climat. Avec l’Accord de Paris, les états se sont fixés un objectif mais peinent à transformer l’essai avec des outils efficaces. A l’inverse, la transition numérique est souvent «  un moyen mais qui n’a pas d’objectif… ».

Il rappelle que la multiplication des usages numériques, plus ou moins efficaces et utiles pour la société, implique une consommation de ressources et d’énergie considérable. Le numérique n’est pas si dématérialisé qu’il le prétend. Si Amazon peut livrer des produits partout dans le monde, c’est parce qu’il y a des usines en Asie, des centrales électriques pour ses serveurs, des avions et des aéroports, des constructeurs pour ses entrepôts et des routes pour ses livraisons.

Au final, Vidalenc essaie de se positionner entre Jeremy Rifkin chantre de la troisième révolution industrielle numérique et l’économiste Pierre Bihouix qui préconise le retour à un âge des low tech. Pour Vidalenc, il serait illusoire de prétendre se dé-numériser. Pour lui, le numérique est devenu un pilier structurant de nos sociétés au même titre que la voiture. En outre, il voit que, dans de nombreux domaines, la digitalisation est un puissant outil d’optimisation et d’efficacité.

Mais il constate, en même temps, que ces technologies ne sont, la plupart du temps, pas à la hauteur de l’enjeu et des changements réclamés. Surtout, au final, leurs avantages en terme écologique sont contrebalancés par des impacts cachés bien plus grands. Il cite de nombreux exemples comme la numérisation de l’agriculture qui pourrait améliorer les rotations agricoles et faire gagner quelques % de rendement. Or, dans une logique de décarbonations, le secteur devrait pratiquement devenir neutre en carbone. Pour y arriver, seul des transformations structurelles comme une modification de nos régimes alimentaires (moins de viande) pourraient avoir un impact suffisant. …

Eric Vidalenc aboutit à des recommandations intéressantes pour les autorités publiques :

  1. Rendre l’invisible visible : la soi-disant dématérialisation de l’économie numérique devrait être « visualisée » d’avantage (éducation, sensibilisation…).
  2. Lister les usages du numérique les plus « inutiles » (Il cite des exemples caricaturaux comme des « toilettes connectées ») et les réglementer.
  3. Transformer le modèle économique de l’économie numérique :
    • Améliorer la qualité matérielle (réglementer la durée de vie minimum notamment) ;
    • Lutter contre l’obsolescence logicielle (ces fameux GSM qui marchent bien mais n’accepte pas la mise à jour du logiciel…) ;
    • Travailler sur les usages (Il parle, notamment, de revenir à un modèle du téléchargement plutôt que du streaming systématique).
  4. Changer structurellement les modes de consommation et de production (partage, économie de la fonctionnalité, changement de logique de consommation).

Un « must read » qui a en tout cas le mérite de nous faire réfléchir à un sujet fondamental.

Pour une écologie numérique ; Eric Vidalenc ; édition Les petits matins ; 2019