Dix-sept Etats membres viennent d’adresser à la Commission européenne une série de demandes relatives à l’ETS 21, ciblant plus spécifiquement les incertitudes liées au prix du carbone sur ce nouveau marché. Au vu de ces incertitudes, certaines demandes peuvent paraître légitimes : mise sur le marché de quotas dès 2026, meilleure information et outils de prédiction, lissage du déclenchement des mécanismes de stabilisation du prix …). D’autres, par contre, peuvent être qualifiées d’irresponsables au vu des enjeux climatiques urgentissimes. C’est notamment le cas de la demande d’augmentation du volume ou de la fréquence d’injection de quotas en cas de prix dépassant durablement les 45 €/tCO2.
Canopea regrette amèrement que la Belgique fasse partie de ces Etats qui freinent la mise en place d’outils indispensables à la lutte contre les bouleversements climatiques (comme l’ont confirmé les récentes sorties médiatiques d’un des partenaires du Gouvernement wallon). Les inquiétudes justifiées concernant les prix élevés doivent être résolues par des mesures complémentaires visant à réduire les émissions, ainsi que par des investissements et des aides ciblés. Le simple fait d’ajouter des quotas sur le marché se traduirait par une incertitude plus élevée en matière d’investissements et limiterait les recettes du marché ETS 2 – et donc la capacité des pouvoirs publics à mettre en place des politiques de transition. Augmenter le nombre de quotas au-delà du plafond fixé diluerait le signal-prix et serait contraire à la logique même du marché ETS 2, à savoir induire une diminution de la consommation d’énergie fossile.
Des marchés de l’énergie déjà fluctuants
Cette demande d’augmentation des quotas (pourtant fixés en concordance avec les objectifs climatiques européens) est d’autant plus incompréhensible que l’ETS 2 est un instrument de marché issu de longues négociations. Les variations de prix qu’il devrait engendrer ne dépassent guères les fluctuations liées aux aléas géopolitiques et un « Plan social climat » est prévu pour en atténuer les effets sur les plus vulnérables. Sans même évoquer la crise des prix de l’énergie, le prix du mazout de chauffage a plus fortement varié entre janvier et juin 2025 que ce qui est prévu via l’ETS 2 (une vingtaine de pourcents). En ce qui concerne l’essence, des variations de plus ou moins 10% sont courantes. Que mettent en place les pouvoirs publics en de telles circonstances ? Force est de constater que, selon nos gouvernements, ces variations habituelles liées aux dynamiques de marché sont tout à fait acceptables tandis que des mesures liées à la lutte contre les bouleversements climatiques et engendrant les mêmes fluctuations provoqueraient, quant à elles, un choc social insurmontable. Où est la logique ?
De plus, l’ETS 2 est source de recettes publiques, ce qui est peu le cas des dynamiques sur les marchés des combustibles fossiles. L’ensemble de ces revenus peut et doit être utilisé à bon escient, afin de prévenir les impacts sociaux que le marché entraînera inévitablement sans protection des personnes et micro-entreprises qui en ont besoin. Un marché du carbone n’est pas sans inconvénient, mais un retour en arrière sur ce sujet engendrera inévitablement un recul important sur l’ambition climatique, ce qui coutera encore bien plus cher à nos concitoyen·nes.
Sortir des combustibles fossiles : plus de temps à perdre
Les dix-sept Etats frondeurs vont jusqu’à envisager, si leurs demandes ne sont pas rencontrées, de reporter l’entrée en vigueur de l’ETS 2. Ceci qui ne ferait pourtant qu’augmenter l’imprévisibilité pour les ménages et les micro-entreprises. Sortir des combustibles fossiles est indispensable pour relever le défi climatique et nous affranchir de notre dépendance énergétique. Isoler les bâtiments, accélérer l’installation des énergies renouvelables … ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons avoir accès à une énergie décarbonée et à un prix prévisible. Retarder les politiques climatiques européennes est coupable, et ne peut jamais être justifié par des arguments populistes tels que « l’Europe ne représente que 6,9% des émissions mondiales ». Si le quatrième pollueur mondial ne s’engage pas pour le climat, qui le fera ?
« Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied sur l’accélérateur » déclarait Antonio Gutteres, Secrétaire général des Nations-Unies lors de son discours inaugural de la COP27 en novembre 2022. Retarder l’entrée en vigueur de l’ETS 2, c’est augmenter la pression sur l’accélérateur plutôt que de lever le pied et le poser sur le frein.
Il n’y a plus (du tout !) de temps à perdre. Remettre en cause l’ETS 2 est climatiquement irresponsable !
Crédit image illustration : Adobe Stock
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- L’ETS 2 est un nouveau système d’échange de quotas d’émissions de CO2 provenant de la combustion de combustibles dans les bâtiments, le transport routier et d’autres secteurs (principalement les petites industries non couvertes par l’ETS existant). ↩︎
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