La Wallonie se dote d’une Stratégie Intégrale Sécheresse

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La Commission Environnement du PW s’attaque lors de sa rentrée au texte de  la Stratégie Intégrale Sécheresse (SIS) qui leur a été soumis en juillet 2022 par la ministre Céline Tellier. Grâce à ses réserves souterraines et ses retenues d’eau de grand gabarit, l’eau est une ressource vitale dont la Wallonie ne manque pas. L’eau est cependant le vecteur via lequel la majorité des impacts du dérèglement climatique se manifestent : fonte des glaces, augmentation du niveau des mers, inondations, sécheresses, etc. autant de phénomènes liés aux perturbations du cycle de l’eau. Les inondations, comme les épisodes de canicule, vécus récemment et douloureusement par notre région, confirment la nécessité impérieuse de mieux gérer l’excès et le manque de pluie.

La part belle aux solutions basées sur la nature

Cette stratégie fait la part belle aux solutions basées sur la nature, inspirées par les dix mesures que Canopea porte avec WWF et Natagora dans le manifeste « No Nature No Future ». Revégétalisation, création et entretien de mares, restauration des zones humides, régénération de la foret, autant de mesures mises en valeur dans cette stratégie. L’adaptation de la Wallonie ne pourra se faire sans une attention plus grande portée aux écosystèmes et aux services qu’ils nous rendent.

La limite planétaire de l’eau verte est dépassée

D’un point de vue général, nous notons que la « Stratégie intégrale sécheresse » porte essentiellement sur l’eau bleue : l’eau des aquifères, des cours d’eau, l’eau de distribution. L’eau que l’on peut mesurer. Or, il existe une autre eau, l’eau verte, issue des précipitations, qui participe au cycle de croissance des végétaux et constitue une des onze limites planétaires. Le rôle de l’eau verte se manifeste dans le taux d’humidité du sol, la capacité d’infiltration ou encore l’évapotranspiration. Cette limite planétaire a été franchie en janvier 2022.

Peu de place accordée à la résilience du système agricole

De ce point de vue, il est étonnant de remarquer le peu de place qui est donné à la résilience du système agricole dans cette stratégie. Les mesures concernent principalement un meilleur stockage de l’eau dans les exploitations. Il semble pourtant important d’utiliser cette stratégie comme outil pour favoriser les cultures les moins gourmandes en eau et limiter l’évapotranspiration en favorisant la présence de zones ombragées en cultures et en prairie. Les images vécues dans nos campagnes cet été où tout un troupeau est rassemblé sous le seul arbre existant dans la prairie sont édifiantes de ce point de vue.

Le Re-USe… Oui mais

Une grande attention doit être portée à la mise en œuvre des projets de Re-Use, c’est-à-dire de réinfiltration, de réinjection et d’utilisation d’eau issue de stations d’épuration, pour l’irrigation. Les projets DiaDem et BioDien menés par l’IsseP et l’Université de Namur, financés par le Service public de Wallonie, avaient pour objet de mettre en évidence la présence de « substances émergentes » dans les eaux de rejets de STEP, notamment des substances médicamenteuses, pesticides et perturbateurs endocriniens qui se sont avérés avoir des impacts marqués sur le développement des populations piscicoles qui y étaient exposées.  La qualité des eaux candidates à la réinjection doit être absolument garantie, et il est primordial qu’elles respectent l’ensemble des normes de qualité environnementales et des valeurs-seuils pour toutes les substances , particulièrement pour leurs concentrations en « substances émergentes ». Il serait gravissime de contaminer davantage nos aquifères, qui souffrent déjà d’une qualité très moyenne – plus d’un tiers de nos masses d’eau souterraines sont en mauvais état. De plus, dans les projets pilotes envisagés, nous recommandons de toujours préconiser l’infiltration plutôt que la réinjection directe, afin que le rôle de filtre joué par le sol et la zone non saturée puisse être assuré.

Le piège des bassines à la française

La stratégie évoque la création de « génie rural » permettant le stockage d’eau lors des périodes humides. Derrière ce vocable ne se cacherait-elle pas la problématique des « bassines » telle qu’elle apparaît en France où cette pratique est monnaie courante ? Les « bassines » sont des réservoirs d’eau à ciel ouvert remplis en période d’abondance d’eau via des pompages, la déviation de cours d’eau en période de hautes eaux, ou via l’eau de pluie. Intercepter l’eau via des pompages massifs en hiver pour la stocker en surface pour l’été consiste à court-circuiter le cycle de l’eau. Les bassines posent un problème environnemental important puisqu’elles consistent à soumettre à l’évaporation des volumes d’eau qui, sinon, seraient restés dans les aquifères ou y auraient été amenés. L’apparent excès d’eau dans les aquifères en hiver est nécessaire, puisque ce surplus nous permet d’attaquer la saison estivale avec des nappes rechargées et donc plus résilientes face à un phénomène de sécheresse. C’est également ce surplus apparent qui sert de débit de base dans les ruisseaux en période d’étiage, permettant ainsi la survie de tous les écosystèmes aquatiques. La problématique est extrêmement bien développée par l’hydrologue Emma Haziza1.

Le ménagement du territoire, la clé d’un territoire résilient

Enfin, la mise en œuvre de l’objectif européen de « No Net Land Take by 2050 » est indispensable pour ne pas aggraver la vulnérabilité de notre territoire face au dérèglement climatique. A ce titre, Canopea regrette le peu de place qui est donnée au ménagement du territoire dans la « Stratégie intégrale sécheresse ». Une surface imperméable empêche l’infiltration, accélère le ruissellement et augmente l’évaporation par rapport à l’absorption. La gestion des périodes de sécheresse et d’inondations passe par des mesures concrètes consistant à freiner et ralentir l’eau, à l’absorber, à la laisser s’infiltrer. Elles peuvent être complétées par des décisions à court terme en période de crise, telle que la priorisation des usages pour un temps limité, mais il est urgent d’envisager des mesures contraignantes à long terme, à l’échelle régionale. Le territoire wallon perd annuellement 12 km² au profit de l’urbanisation, en moyenne. Un processus qui limite d’autant ses capacités d’éponge et accentue sa fragilité face aux épisodes météorologiques. La Fédération estime que la « Stratégie intégrale sécheresse » doit exprimer plus clairement l’urgence du maintien de surfaces non urbanisées en tous lieux du territoire en vue de rendre ce dernier plus résilient. Dans cette logique, la rénovation des bâtiments et des infrastructures est un élément clé.

Affaire à suivre

La « Stratégie intégrale sécheresse » est à l’état de plan et, bien que les travaux des différents groupes de travail du SRRE (schéma régional des ressources en eau) soient parfois bien avancés, il faudra attendre leurs conclusions pour évaluer l’impact et la faisabilité réelle des mesures proposées.


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  1. https://youtu.be/5ysUySSNW3M – toute l’émission est très intéressante