Face à la gravité de la crise démocratique, plaidoyer pour un bouleversement institutionnel

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Texte écrit par Eric Jourdain, pour le collectif CaP Démocratie et publié le 26/05/2025 dans le journal Le Soir

Il faut instaurer un véritable bicaméralisme, avec une deuxième assemblée composée par tirage au sort, complètement indépendante de la première. Lettre ouverte à Willy Borsus, Président du Parlement de Wallonie. Les signataires de cette lettre ouverte plaident pour qu’après la Communauté germanophone de Belgique en 2019, après la ville de Paris en 2021, la Wallonie devienne rapidement la troisième entité au monde à se doter d’un dispositif permanent utilisant le tirage au sort pour représenter sa population.

Monsieur le Président,

La crise de la démocratie que nous traversons depuis plusieurs décennies est grave et profonde. Grave parce qu’elle a pour conséquence, la montée des populismes et ceci nous fait penser aux années 1930 qui ont précédé la Deuxième Guerre mondiale.

Cette crise est profonde parce que ce sont les fondements même de notre système politique qui sont en cause. Aujourd’hui, une grande partie de la population se sent mal, voire plus du tout représentée par les partis politiques. Un sondage IWEPS indique que 80 % des Wallons ne font plus confiance à la politique.

C’est la qualité de la représentation citoyenne dont les partis ont le monopole qui est en cause. Ce monopole existe depuis 1830, mais entre-temps le monde a beaucoup changé.

Or, à quelques exceptions près, le monde politique ne semble guère préoccupé par cette situation. Améliorer notre système de gouvernance, la manière dont le citoyen est représenté au sein de nos institutions ne semble pas prioritaire.

Une thérapie de choc nécessaire

Le mal est profond et pour y remédier il nous faut une thérapie de choc, un bouleversement institutionnel. Face à la particratie qui gangrène notre pays suivant l’expression de Monsieur Prévot, comment rompre avec ce système ?

Nous revendiquons la mise en place d’un véritable bicaméralisme avec une deuxième assemblée complètement indépendante de la première et nous proposons qu’elle soit composée par le tirage au sort. Ce mode de représentation a fait ses preuves dans l’histoire ancienne mais aussi au XXIe siècle. Ne dit-on pas qu’en démocratie le peuple est souverain ? En permanence, ce Souverain devrait avoir le pouvoir de faire entendre sa voix et ainsi se faire respecter. Voter une fois tous les cinq ans ne suffit plus.

Moyennant une réforme ultérieure de notre Constitution, ce véritable bicaméralisme permettra entre autres :

1. De lutter contre l’immobilisme parlementaire. Prenons un exemple concret la crise en Région bruxelloise sans Gouvernement un an après les élections. La solution serait que six mois après les élections, le peuple souverain par le biais d’une assemblée citoyenne contraignante décide de renvoyer les Bruxellois aux urnes.

2. De clarifier certaines lois, décrets et règlements obscurs. Autant de sources de scandales dommageables pour nos institutions et la confiance indispensable à leur bon fonctionnement.

3. La mise en place en Wallonie d’un contrôle citoyen indépendant des partis politiques.

La révision de la Constitution n’est bien entendu pas de la compétence du Parlement de Wallonie que vous présidez, mais en Région wallonne nous pouvons dès aujourd’hui faire un premier pas dans la bonne direction.

Il est temps de concrétiser le projet

En 2022 notre Collectif CaP Démocratie a lancé une pétition réunissant plus de 3.000 signatures suggérant au Parlement wallon de mettre en place un dispositif inspiré par celui existant depuis 2019 en Communauté germanophone de Belgique.

Le 14 juin 2023 à l’unanimité le Parlement de Wallonie a décidé de répondre favorablement à notre pétition en chargeant une Commission délibérative mixte composée de 30 citoyens tirés au sort et 10 élus d’étudier la question. En février 2024 au terme de son mandat, cette commission adressait plusieurs recommandations au Parlement de Wallonie, parmi celles-ci la mise en place d’une assemblée citoyenne permanente composée par le tirage au sort complémentaire au Parlement élu. L’intérêt voire l’enthousiasme d’une majorité de citoyens et d’élus pour ce projet était très clair.

Un an après les élections nous vous demandons que le Parlement de Wallonie vote un texte ambitieux avec un budget adéquat pour la réalisation de ce projet. Face à la gravité de la situation, le contraire serait à nos yeux un nouvel exemple de l’immobilisme parlementaire.

Au chapitre institutionnel, le programme des Engagés pour les élections de 2024 prévoit ceci : « Nous proposons d’adjoindre, à chaque assemblée représentative, une assemblée paritaire de citoyennes et citoyens tirés au sort. » C’est exactement ce que nous revendiquons. Une « volte-face » de ce parti qui a basé sa propre remise en question entre autres sur la participation citoyenne serait impensable, ce serait une illustration édifiante de ce que l’on reproche aux partis politiques : changer d’avis suivant qu’on se situe avant ou après les élections, dans l’opposition ou la majorité.

Sous la présente législature nous avons rencontré les chefs de groupe des cinq partis représentés au Parlement wallon, ils étaient ouverts à notre proposition voire très favorables.

Sauvegarder la démocratie

Monsieur le Président, ce que nous vous demandons clairement, c’est qu’après la Communauté germanophone de Belgique en 2019, après la ville de Paris en 2021 (deux millions d’habitants), avec un projet ambitieux et un budget adéquat, la Région wallonne devienne rapidement la troisième entité au monde à se doter d’un dispositif permanent utilisant le tirage au sort pour représenter sa population.

Nous les Wallons ne sommes-nous pas capables d’ambition, d’audace, d’innovation et ainsi montrer la voie à d’autres régions, à d’autres pays confrontés à la même crise démocratique ?

Ne serait-ce pas une grande fierté pour la Wallonie d’être la source de la modernisation des institutions démocratiques ? La démocratie occidentale, c’est toute une civilisation avec ses valeurs qui est menacée. C’est aussi un mode de gouvernance qui doit être modernisé. Dernièrement, le Président Macron déclarait que l’Europe était mortelle, mais faute de sa propre remise en question notre démocratie occidentale l’est aussi.

En espérant une réponse positive de votre part, nous vous remercions pour votre attention et vous prions de croire à notre sincère considération.

Crédit image illustration : Adobe Stock

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