Plan climat fédéral : un pas par ci, un pas par là, mais…

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Ça y est ! Tous les plans posant les bases du Plan national énergie climat (PNEC) ont enfin été approuvés :  le plan fédéral (PFEC) l’a été le 21 avril et le flamand, le 12 mai. Les plans wallons et bruxellois avaient, eux, déjà été approuvés précédemment (pour notre analyse du plan wallon, voir ici). Ces quatre documents vont maintenant être « agrégés » afin de construire le PNEC, qui doit être rendu à la Commission européenne d’ici fin juin. La gouvernance de ce processus est d’ailleurs régulièrement critiquée, que ce soit par des instances politiques officielles (comme la Commission européenne) ou encore par des associations environnementales.

Si beaucoup de mesures liées au climat et à l’énergie relèvent de compétences régionales, le niveau fédéral a tout de même de nombreuses possibilités d’agir. Examinons quelques mesures présentes (ou non) dans le PFEC récemment approuvé par nos ministres fédéraux.

Renouvelable en mer du Nord

Au niveau offshore, saluons l’augmentation de l’ambition belge pour 2030, qui passe de minimum 4 GW d’éolien dans l’ancienne version du PFEC à au moins 5,5 GW dans sa nouvelle version.

Pour 2040, une ambition de 8 GW de production offshore est annoncée, alors qu’un potentiel de seulement 7,4 GW est actuellement identifié…

D’autre part, une mention d’un potentiel important d’1 GW de solaire flottant fait son apparition dans le PFEC, inclus dans les 8 GW d’offshore, avec un horizon plus lointain que 2030. En effet, des recherches doivent encore être menées sur le sujet. Les panneaux photovoltaïques flottants seraient plus efficaces que les panneaux placés sur le sol ou sur les toits, grâce à l’effet refroidisseur de l’eau. Cependant, ces panneaux réduisent l’intensité lumineuse traversant la surface de l’eau, ce qui peut exercer une influence sur la biodiversité marine. Ce paramètre doit absolument être pris en compte lors de la détermination des lieux d’implantation, en évitant autant que possible les zones protégées et les lieux où les habitats naturels sont proches de la surface (rochers,…). L‘enjeu sera donc maintenant le respect des écosystèmes en mer du nord.

Biocarburant : vers un mieux

En ce qui concerne les biocarburants, les nouvelles sont également plutôt bonnes, avec des décisions plus ambitieuses qu’au niveau européen. Une réduction progressive de la contribution des biocarburants de première génération est décrite et phasée dans le temps, ce qui va dans le sens des demandes de Canopea et de la fédération européenne Transport & Environnement.

Hydrogène hype : revenir à la raison

Le gouvernement fédéral annonce des objectifs extrêmement ambitieux en ce qui concerne l’hydrogène, en estimant une demande intérieure totale d’hydrogène et dérivés (e-fuels) entre 125 et 200 TWh/an d’ici 2050. Sachant qu’en 2021, la consommation d’énergie primaire belge, c’est-à-dire la consommation totale, s’élevait à approximativement 660 TWh1, la quantité d’hydrogène à produire parait énorme . D’autant plus que le processus de production d’hydrogène vert, à base d’énergie renouvelable et d’eau, a une efficacité très limitée et entraîne donc un gros gaspillage  : plus de la moitié de l’énergie est gaspillée avant de pouvoir utiliser l’hydrogène. Canopea en appelle à la raison depuis longtemps en ce qui concerne l’hydrogène. Rappelons donc que les trois grands leviers d’action énergétiques doivent être utilisés pour permettre à l’hydrogène de servir de manière optimale, là ou elle est indispensable : efficacité, sobriété et énergies renouvelables (avec électrification des usages en priorité dès que cela est possible).

Verdir la  fiscalité : toujours très frileux

Au niveau de la fiscalité le PFEC ne va définitivement pas assez loin. Verdir la fiscalité est pourtant LE levier environnemental aux mains du gouvernement fédéral. Dans le cadre des discussions en cours menées par le Ministre Van Peteghem, Canopea a proposé de nombreuses mesures : TVA abaissée sur la rénovation ou les matériaux bio sourcés, meilleure taxation des avions ou de la consommation de viande rouge…  On est bien loin du compte dans le plan fédéral. Très insuffisant !

Un transfert des accises sur l’électricité vers les accises sur le gaz doit absolument être acté. Le PFEC ne parle ici que « d’intention de transférer progressivement une partie des accises sur l’électricité vers les accises sur les combustibles fossiles ». Nous avons besoin de décisions plus fermes pour réellement soutenir l’électrification de nos usages. Par exemple, une pompe à chaleur ne devient rentable que si les prix TTC du kWh fossile ne descendent pas plus bas que le tiers du prix du kWh d’électricité.

Si la TVA pour les pompes à chaleur et les panneaux photovoltaïques a été diminuée à 6%, on peut regretter que cette mesure ne soit que temporaire, bien que probablement prolongée en ce qui concerne les pompes à chaleur. Cette réduction n’est également valable que sur les maisons de moins de dix ans, alors qu’il semblerait beaucoup plus justifié de conditionner cette mesure à un niveau de PEB minimal.

L’évolution du régime fiscal des voitures de société est un autre point noir, puisque celle-ci favorise les véhicules “zéro émissions” et ne prend pas en compte la masse et la puissance des véhicules. Ces deux facteurs influencent pourtant grandement leur bilan écologique (à la fabrication comme à l’utilisation). De plus, le régime très favorable à cet avantage en nature est maintenu, ce qui contribue à maintenir la survalorisation de la voiture et à rendre plus difficile le transfert vers les modes actifs et vers les transports en commun.

Le fédéral n’a aucune réelle stratégie concernant l’aviation, bien qu’il est très clair que les carburants alternatifs ne pourront assurer qu’une infime partie des consommations actuelles. La durée de vie d’un aéronef est supérieure à vingt ans, c’est donc maintenant qu’il faut agir. La paralysie politique sur ce dossier est totale…

De même, aucun plan de sortie des aides publiques aux énergies fossiles n’est déterminé, alors que ces dernières restent encore extrêmement élevées. En 2020, la Belgique aurait octroyé 13 milliards d’euros aux énergies fossiles. Cette situation ne peut pas continuer au vu de nos objectifs climatiques et nécessite un plan de sortie clair et rapide.

Le gouvernement annonce une élimination progressive des chaudières à mazout, mais utilise une formulation appelant à la dérogation : « si possible aucune nouvelle chaudière à mazout vendue à partir de 2027 en tenant compte du degré de rénovation du parc immobilier et de la disponibilité des solutions alternatives abordables ». Rappelons que le plan climat wallon prévoit l’interdiction d’installation de chaudière à mazout à partir de 2026.

Publicité : l’éternelle oubliée

Enfin, le gouvernement fédéral dispose de compétences en ce qui concerne la régulation de la publicité commerciale. En tant qu’outil culturel de soutien (propagande) d’un système économique productiviste et croissanciste, dont un schème de base est la domination (compétition…), la publicité contribue aux nombreuses externalités négatives de ce système : dérèglements climatiques, perte générale de la biodiversité, pollution, épuisement des ressources… outre qu’elle accentue les inégalités (la ségrégation des classes sociales et la discrimination des plus pauvres. Pourtant, rien à ce sujet n’est mentionné dans le PFEC. Canopea vient précisément de mettre à jour sa position sur la régulation de la publicité commerciale.

En bref

Un avis global très mitigé sur le plan fédéral énergie-climat donc. Saluons néanmoins une budgétisation un peu plus présente que dans le plan wallon, bien qu’il soit indispensable d’aller plus loin dans le concret et l’actuel (les besoins d’investissement ont été évalués en 2018, alors que l’ambition a bien changé depuis). Les analyses d’impact  sont plutôt absentes : comment savoir dès lors si les mesures prévues permettront bien d’atteindre l’objectif de diminution des émissions de 47 % (hors secteur industriel) ? Nous attendons donc de pied ferme le plan national et demandons qu’il soit bien plus concret et chiffré que les plans qu’il va rassembler (les trois plans régionaux et le plan fédéral).

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  1. ENERGY Key Data Édition février 2023, SPF Economie, P.M.E., Classes moyennes et Energie