Pour une fiscalité ambitieuse qui soutient la rénovation

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La fiscalité est un outil de pointe pour combattre nombre de problèmes dans notre société. Elle peine cependant encore trop à nous tourner vers des comportements plus respectueux de l’environnement. En matière d’isolation de notre bâti, notamment, le Gouvernement pourrait faire bien plus afin que les objectifs des accords de Paris puissent être atteints. Le week-end prochain (17-18 juin), le Gouvernement se réunira en conclave afin d’avancer dans le dossier de sa réforme fiscale. Dans le cadre de ces discussions, nous plaidons pour que la fiscalité soutienne la rénovation massive de nos bâtiments avec des matériaux respectueux de notre environnement.

Le Ministre des finances Vincent Van Peteghem a présenté en mars 2023 un projet de réforme fiscale qui vise à “moderniser, simplifier, rendre plus juste et plus neutre le régime fiscal.“ Elle doit aussi “contribuer aux engagements du gouvernement, à savoir (i) augmenter le taux d’emploi, (ii) soutenir les ambitions climatiques, (iii) encourager l’entreprenariat, (iv) stimuler les investissements, (v) la lutte contre la pauvreté et (vi) le soutien aux familles.”

Nous nous montrons relativement critique par rapport à cet avant-projet de loi et estimons qu’il ne répond que très partiellement aux éléments exprimés ci-dessus (voir notamment cette publication). Par rapport à l’accord de Gouvernement et à la première épure présentée par le Ministre en juillet 2022, l’ambition a été fortement revue à la baisse. Néanmoins, étant donné la situation économique et politique, il est nécessaire d’avancer et toute réforme qui permet de simplifier, de rendre plus juste et plus verte notre fiscalité doit être soutenue, quel que soit son niveau d’ambition.

Pour une Rénovation wave ambitieuse

Les ambitions climatiques européennes ont été revues dans le package “Fit for 55”, avec un objectif à l’horizon 2030 d’une diminution de 55% des émissions de gaz à effets de serre (GES) par rapport à leur niveau de 1990. Cela se traduit, au niveau belge, par une ambition équivalente. Le chauffage résidentiel et tertiaire, qui représente plus de 20% du total des émissions de GES belges en 2021, doit par exemple viser une diminution de ses émissions de près de 50% à l’horizon 2030 pour respecter la trajectoire selon le calculateur BECalc dévelopé par Climact pour le SPF Environnement.  Il convient donc de se donner les moyens de ses ambitions, et la fiscalité est une arme particulièrement intéressante à cet égard.

La rénovation de nos bâtiments, aussi bien privés que publics, est intéressante tant d’un point de vue environnemental (réduction des besoins en énergie et donc des émissions de GES) qu’économique (augmentation de l’activité dans le secteur de la construction) ou social (réduction des factures d’énergie pour de nombreux ménages). Nous plaidons dès lors pour que la réforme fiscale soutienne davantage l’accélération de la rénovation du bâti via deux mesures : un taux de TVA préférentiel pour les travaux de rénovation et pour l’emploi de matériaux de construction biosourcés, géosourcés et de réemploi.

La rénovation à l’heure actuelle

A l’heure actuelle, le rythme de rénovation tourne autour des 1% au niveau annuel. Si l’on veut atteindre l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, il est nécessaire d’atteindre un rythme de rénovation de 2.5% à 3% (toujours selon le modèle BECalc). Les besoins sont donc énormes par rapport à la situation actuelle.

Le contexte économique n’aide pas les particuliers à se lancer dans la grande vague de rénovations nécessaire à l’atteinte des objectifs climatiques belges. Le projet de réforme fiscale du ministre Van Peteghem n’arrangerait par ailleurs pas les choses: les taux de TVA pour la rénovation passeraient, comme bon nombre de taux préférentiels, de 6% à 9%. Selon Embuild, cela conduirait à une augmentation de la facture de 3.000€ à 4.500€ pour le particulier qui souhaite rénover entièrement son logement, ainsi qu’une baisse de l’activité de 4.5%!

La rénovation de demain

Nous estimons que la fiscalité doit, au contraire, inciter à davantage rénover leurs biens, aussi bien pour des questions environnementales qu’économiques ou sociales. Pour des particuliers, une augmentation de 3% de leur facture finale n’est pas anodine, nous risquerions de nous retrouver avec des projets de moindre envergure, retardés, voire complètement abandonnés! Garder un taux préférentiel de 6% est donc un minimum pour le développement de notre société.

Il serait même nécessaire d’aller plus loin et d’encourager à accélerer la rénovation du bâti par un taux davantage préférentiel qu’il ne l’est actuellement. Si l’on part des données d’Embuild, une réduction du taux de TVA préférentiel de 6% à 0% conduirait à une diminution de la facture de 6.000€ à 9.000€ pour le particulier, ce qui se traduirait par une augmentation de l’activité de 9%! Si les réglementations européennes n’autorisent pas spécialement un taux  de TVA nul pour tous les biens et services, le Gouvernement pourrait introduire un taux super-préférentiel, à l’image de la France qui applique un taux de TVA particulier de 2.1% ou du Luxembourg avec son taux super-réduit de 3%, notamment applicable aux travaux de rénovation.

Par ailleurs, la fabrication et la mise en œuvre de matériaux directement ou indirectement liés à la pétrochimie ou aux cimenteries consomment beaucoup d’énergie et émettent des gaz à effet de serre en haute intensité. Cela contribue au dérèglement climatique global, comme à la pollution généralisée, portant atteinte à la santé, souvent de façon persistante.

Les matériaux biosourcés et géosourcés, d’origine naturelle et peu transformés, et les matériaux issus du réemploi répondent tout particulièrement aux enjeux majeurs de réhabilitation, réparation et restauration de l’habitat existant. Il faut cependant agir sur leurs prix, notamment via les taux de TVA qui leur sont appliqués, pour en généraliser l’usage. Aider ces filières émergentes permettra leur développement dans le temps, ainsi que la création de nombreux emplois qualifiés, adaptés à ces solutions bas carbone vertueuses. Il serait dès lors contreproductif de maintenir un taux de TVA élevé sur des produits favorisant la transition énergétique et constituant une alternative saine et bas carbone à des pratiques polluantes.

Nous plaidons donc, dans le cadre de la réforme fiscale portée par le Ministre Van Peteghem, pour qu’un taux de TVA super-préférentiel soit appliqué aux travaux de dépose et pose (essentiellement la main d’œuvre) dans le secteur de la rénovation aux services d’accompagnement dans ces rénovations (recours à un architecte, un ingénieur, …), ainsi qu’aux achats, ventes et mises en œuvre de matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi.

Signataires

  • Canopea
  • Kaya, coalition belge des écopreneurs
  • Cluster Eco-construction

Crédit photo d’illustration : Ingo Bartussek – Adobe Stock

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