The crucial next decade

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C’est avec ce titre choc que vient d’être présenté le nouveau rapport de l’organisation de coopération et de développement économiques (l’OCDE 2020) qui évalue les performances environnementales de la Belgique. Il était attendu de longue date, la dernière évaluation remontant à 2007. Publié la même semaine que le mémorandum de la coalition climat, cette analyse de l’OCDE est une expertise supplémentaire, qui nous indique qu’il est grand temps de prendre des mesures environnementales importantes et politiquement ambitieuses en Belgique. Dès la première page du rapport, le constat est on ne peut plus clair.  «  La Belgique n’est pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de développement durable en 2030 ».

Là où ça foire 

Fait-on assez d’efforts ? Réduit-on assez nos gaz à effet de serre ? Diminue-t-on nos polluants atmosphériques et notre consommation d’énergie ?

Non, au vu des enjeux, nos progrès sont clairement insuffisants, indique l’OCDE. La pollution de l’air reste préoccupante pour la santé, la biodiversité s’appauvrit, nos masses d’eau sont chargées de pesticides et d’engrais. Notre parc logement est vétuste avec une performance énergétique parmi les plus faibles d’Europe… Nous ne sommes pas en voie d’atteindre nos objectifs climatiques pour 2030 et encore moins ceux de 2050. Nous prenons de plus en plus de retard, et rattraper ce retard ne va pas être chose aisée. Le Plan national énergie climat (PNEC), jugé insuffisant par la Commission européenne, voit sa mise en œuvre retardée par la complexité de notre système politique et l’interaction entre les niveaux de pouvoir fédéral et régional. Au même titre que pour le COVID, chaque région à tendance à faire comme bon lui semble. Un véritable plan national ambitieux basé sur le long terme n’arrive pas à créer un consensus.

La production d’énergie venant des sources renouvelables est moitié moindre dans notre pays que la moyenne européenne. En 2018, elle ne représentait que 9,4 % de la consommation finale brute d’énergie. Notre objectif de 17,5 % pour l’horizon 2030 n’a pas assez d’envergure et est inférieur au minimum de 25 % recommandé pour la Belgique par la Commission européenne (CE,2020a). La Belgique voudrait en outre largement s’appuyer sur des biocarburants non durables pour atteindre ses objectifs renouvelables. Or ces agrocarburants impliquent la déforestation et l’utilisation de nourriture pour leur production !

L’OCDE souligne que «L’engagement en faveur d’une sortie progressive du nucléaire d’ici à 2025 nécessite des investissements importants dans la production d’électricité, les interconnexions transfrontalières, les réseaux intelligents, le stockage de l’énergie et la participation active de la demande». IEW va plus loin en rappelant que la sortie du nucléaire est une véritable opportunité pour entamer concrètement un switch technologique vers une plus grande sobriété énergétique.

Trente-huit recommandations pour y arriver

Le premier objectif de ce rapport de l’OCDE est de nous aider, par une analyse précise et objective de notre politique, à respecter nos engagements. Pour cela il nous faut améliorer notre qualité de l’air, la qualité de notre sol, préserver la biodiversité, limiter la précarité… Nous faire aller vers une meilleure qualité de vie en somme ! Tentant, non?

Sans parcourir de manière exhaustive les 38 recommandations de l’OCDE pour la Belgique, voici  quelques points importants :   

Opter pour une vision à long terme

L’OCDE demande à la Belgique d’adopter une loi interfédérale sur le climat définissant des objectifs nationaux pour 2030 et 2050 afin d’atteindre la neutralité climatique pour 2050. L’OCDE conseille d’établir un organe d’experts indépendants pour fixer le partage de la responsabilité des objectifs 2030 entre le fédéral et les régions. « Veiller à ce que les futures révisions du PNEC offrent une vue d’ensemble unifiée à l’échelle nationale au lieu de compiler des plans à différents niveaux ».

Un véritable plan national d’adaptation est également nécessaire. Se préparer aux changements climatiques est en effet crucial, car les différents impacts vont s’amplifier. La figure ci-dessous illustre l’évolution des vagues de chaleur suivant 2 scénarios.

Vagues de chaleurs extrêmes suivant 2 scénarios en 2100 :

Ces cartes représentent la fréquence des futures vagues de chaleurs extrêmes (« plus violente que celle de 2003 ») en Europe. Le scénario RCP4.5 est une augmentation de la température moyenne annuelle en 2100 entre (1.7 et 3.2 °C) et le scénario RCP8.5 est une élévation de la température moyenne annuelle entre (3.2 et 5.4°C) en 2100 (GIECC, rapport AR5). On arriverait dans les deux cas à des vagues de chaleur extrême possibles tous les 2 à 10 ans ! Des situations potentiellement très impactantes pour la santé humaine et les écosystèmes. Cela fait partie des raisons justifiant qu’un travail interfédéral soit impérativement mis en place pour nous préparer à un monde qui ne respecte pas l’Accord de Paris (ne pas dépasser 1.5°C en 2100).

Le 2 avril 2021, la ministre fédérale du Climat Mme.Khattabi a mis en place un outil de monitoring climatique pour chaque ministre. Il s’agit de l’élaboration d’une feuille de route par chaque ministère en matière d’adaptation et de résilience face aux changements climatiques. Ce travail doit être fini au plus tard le 30 septembre 2021. Un outil qui peut en effet permettre d’augmenter la coordination des acteurs politiques en Belgique. Reste à voir son évolution et son implication.

Sortir de la trajectoire polluante

Avec, on l’espère, la fin de la crise COVID pour cette année, il faut sérieusement prendre en main cette décennie et limiter la future crise climatique qui sera à coup sûr bien plus longue et piquante que cette pandémie. Nous avons de nombreux outils à notre disposition pour réussir à respecter l’Accord de Paris. Le plan de relance européen pour la Belgique « Next Generation EU », soit plus de 5 milliards d’euros fournis par l’Europe avec une condition d’au minimum 37% de cette somme pour des projets qui réalisent les objectifs climatiques (CE,2020d). Mais vu l’urgence climatique est-il bien raisonnable de n’investir qu’une si faible proportion du plan de relance dans des objectifs durables ?

Ensuite l’argent on peut le trouver ailleurs mais cela nécessite une réforme urgente de notre système fiscal afin de favoriser l’utilisation de l’énergie verte et le financement vert. « La Belgique devrait donner suite au débat national sur la tarification du carbone, pour mettre en place un prix du carbone dans les secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE et supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles. La hausse des recettes pourrait contribuer au financement des infrastructures bas carbone et à soutenir les ménages vulnérables. » On le voit, l’OCDE insiste sur une réforme fiscale qui prenne en compte la situation des personnes les plus précarisées. La fondation Roi Baudoin estime à 14 % la proportion des ménages belges confrontés à des soucis d’accès à l’énergie. « Un soutien direct aux ménages vulnérables, découplé de la consommation d’énergie, permettrait de mieux répondre aux questions d’environnement et d’équité. »

Enfin une croissance verte implique aussi un investissement vert, réfléchi et encré dans une vision systémique. « Développer une vision commune de la mobilité pour se détourner de la route au profit du rail et des modes de déplacement actifs », c’est-à-dire orienter l’investissement vers l’énergie renouvelable et la mobilité durable.

Les projets ne manquent pas, il faut développer davantage les énergies renouvelables, augmenter la densité de notre réseau électrique, redynamiser le secteur ferroviaire, rénover intensément les bâtiments… Depuis 2010 seulement 0,45 % de l’investissement du PIB va dans le transport ferroviaire : un taux trop faible selon les normes internationales alors que c’est un moyen efficace de réduire nos émissions tout en soutenant les plus précarisés par le coût du transport et en proposant « une alternative crédible ».   

Améliorer notre biodiversité

Le dernier point que j’aborderais dans cette nIEWs est l’état de la biodiversité et les solutions pour la préserver en Belgique. Le graphique produit par l’agence européenne pour l’environnement (AEE 2019) sur l’état des habitats et des espèces en Belgique est alarmant : «L’état de conservation des habitats et des espèces est préoccupant. Plus de 33 % des espèces de poissons d’eau douce, près de 30 % des espèces d’oiseaux et plus de 20 % des espèces de plantes vasculaires et de mammifères sont menacées. Les populations d’oiseaux sur les terres agricoles ont diminué de moitié et pour les zones forestières de 20% depuis 2000. Ce sont les pires dégradations enregistrées dans la zone OCDE ».

Etat de conservation des habitats et des espèces :

Face à ce constat, l’OCDE propose entre autres deux solutions.

La première est fondée sur une biodiversité systématiquement intégrée aux politiques d’aménagement du territoire, agricoles, forestières, climatiques et commerciales. Toute forme de construction ou projet pouvant impacter la biodiversité se doit de soutenir de manière équivalente la protection de celle-ci. En d’autres termes, la biodiversité doit être dans les critères principaux à considérer dans toutes les formes d’aménagement du territoire.

Ensuite, l’OCDE estime qu’une rémunération des services de séquestration du CO2 est un bon moyen pour financer la biodiversité. Nous pouvons suivre l’OCDE dans le constat que les arbres et les zones naturelles  sont à ce jour les meilleurs moyens pour stocker le surplus de CO2 de l’atmosphère, mais vouloir monétiser les services rendus par la nature est, selon nous, un excès lié à une approche qui veut tout faire rentrer dans le marché. Une telle approche est forcément arbitraire (il n’existe pas de prix de marché « scientifique » pour une forêt ou un milieu naturel) et porteuse d’effets pervers (les aspects, forcément nombreux, qui n’auront pas été considérés dans la définition d’un prix auront une valeur nulle pour le décideur, et seront donc ignorés dans la décision). Plus fondamentalement, la mise d’un prix sur un objet revient à adopter le postulat discutable que cet objet pourrait toujours et indifféremment être substitué par un autre, de prix équivalent.

Conclusion

Ce nouveau rapport de l’OCDE est un outil qu’il importe de prendre en considération. Il nous met face aux enjeux. Il donne une vision d’évolution pour notre économie et notre façon de vivre, dans un contexte où le « business as usual » n’est plus tenable vu ses impacts sur le climat et la biodiversité, notamment. Il ne nous reste que 10 ans pour opérer un changement radical de paradigme.

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