A côté du méga deal d’été en matière de chômage, retraite, le gouvernement fédéral a présenté son Plan Fédéral Énergie et Climat (PFEC) c’est-à-dire, les mesures qu’il entend prendre pour le climat d’ici 2030. Il s’agit d’une mise à jour d’un plan présenté par le précédent Gouvernement en 2023 (qui était déjà bien insuffisant). Il nous éloigne encore davantage de l’ambition de mettre la Belgique sur une trajectoire de décarbonation.
Un plan qui ne gagne pas en lisibilité
On espérait que la mise à jour du Plan climat énergie permettrait plus de lisibilité… Mais n’en déplaise au ministre Crucke qui parle d’un « instrument sociétal et économique structurant », le Plan Fédéral Energie Climat (PFEC) reste un texte illisible, désorganisé, incohérent et certainement pas un plan d’action ou un moyen de comprendre où va la politique fédérale en matière d’énergie et de climat. La plupart des « mesures » proposées restent en fait des phrases alambiquées issues de compromis non tranchés entre partenaires du Gouvernement. Pas de quantification de budget, de timing… Adieu les engagements de bonne gouvernance climatique.
Un manque de coordination qui demeure
On constate qu’en dépit de gouvernements symétriques sur le plan politique, le manque de coordination et de cohérence demeure la règle. Les régions wallonnes et flamandes renvoient par exemple la responsabilité d’un tax shift au niveau fédéral qui, dans son plan, annonce qu’il « étudie cette possibilité ». Autre exemple, les plans wallons ou flamands mettent la priorité sur l’électrification du parc de voiture, tandis que le texte fédéral « envisage aussi d’autres solutions comme l’hydrogène, les carburants synthétiques, etc. ». Bonne chance pour déterminer les besoins en réseau électrique avec une si grande incohérence…
Economy first
Si la reconnaissance du défi climatique et de la nécessité d’agir demeure, elle est de plus en plus subordonnée aux objectifs de compétitivité, budgétaires et industriels. Le résumé exécutif notamment ressemble davantage a un plan compétitivité qu’a un plan climatique. On aime particulièrement l’apparition dans le texte de termes d’un euphémisme délicieux comme une croissance économiquement durable qui remplace croissance verte ou durable (la durabilité est ainsi réduite à son seul aspect économique…)
Disparition des objectifs chiffrés !
Le plan réaffirme les objectifs climatiques européens. Mais l’objectif climatique belge (-47 % hors industrie), pour 2030 n’est plus repris nulle part de même que sa traduction en Mt de CO2 évitée (20,8 Mt hors industrie dans la version précédente). Plus grave sans doute, l’« ambition est de rendre notre pays climatiquement neutre d’ici 2050 » disparait simplement ! (la neutralité climatique n’étant plus mentionnée que pour l’Europe…).
Disparition ou affaiblissement de mesures …
Soyons clairs, le précédent plan était déjà bien trop vague, mais il citait un grand nombre de pistes de mesure qui ont été tout bonnement supprimées dans le plan actuel. A titre illustratif, la partie politique et mesures en matière de décarbonation et d’efficacité énergétique passe de 77 pages à 46… Pas étonnant dès lors que le Gouvernement ait aussi supprimé la phrase qui prévoit qu’« en cas de suppression de certaines des mesures reprises dans le PNEC existant, elles seront remplacées » …
On ne peut pas reprendre toutes les propositions supprimées, mais citons à titre d’exemple le « cadastre énergétique pour les bâtiments du gouvernement fédéral» (seul un cadastre des bâtiments SNCB est encore mentionné) ; la volonté de diminuer les surfaces de bâtiments publics ; « autoriser à terme uniquement la vente de voitures à émissions nulles » ou encore l’abandon de l’objectif de « remplacement progressif de la voiture-salaire et de la carte carburant par une généralisation du budget mobilité »…
D’autres propositions sont en parallèle affaiblies par rapport à la version précédente du plan… On peut citer en plus du recul sur l’éolien offshore développé plus loin, la prolongation des déductions fiscales sur les voitures hybrides dont il est avéré qu’elles sont peu intéressantes pour le climat …
Plus préoccupant encore, des mesures nouvelles auront un impact négatif en termes de climat comme l’élargissement du champ d’application de la TVA à 6% pour les démolitions/reconstructions qui entrainera par ricochet une augmentation des besoins en matériaux à forte empreinte carbone comme le ciment.
De trop rares avancées depuis 2023
Au rayon des avancées significatives, le plan confirme quelques avancées utiles de l’accord gouvernemental : la réduction de la TVA sur les pompes à chaleur (limitée à 5 ans), la hausse de la TVA sur les installations fossiles et l’augmentation (supplémentaire) de la déduction fiscale pour les investissements verts.
Mais, depuis la dernière version du plan, beaucoup de mesures cruciales au niveau fédérale restent en « phase d’étude » comme elles l’étaient déjà dans la version précédente comme : La suppression des subventions aux énergies fossiles ou l’arrêt des aides aux camionnettes thermiques. Le manque d’avancées sur la réforme fiscale énergétique (tax shift) nous rend particulièrement amers, tant c’est LE levier évident qui fait consensus. Le texte se contente de répéter la promesse « d’examiner les modalités d’un tax shift sur les produits énergétiques ».
Le nucléaire, la mauvaise solution climatique de ce gouvernement…
Sans surprise, c’est le nucléaire qui se retrouve à tous les étages de ce plan bien qu’il était déjà largement développé dans la précédente version (la prolongation de Doel 4 Tihange 3 était déjà intégrée dans le précédent plan, notamment).
Jean Luc Crucke qui était jadis très critique sur le nucléaire a dû avaler de grosses couleuvres en faisant du programme ambitieux pour développer l’industrie nucléaire la première mesure de décarbonation citée dans le résumé exécutif…
En pratique, on se demande bien ce que des mesures comme le développement des nouveaux réacteur SMRs viennent faire dans un plan climat 2030 sachant que s’ils voient le jour (et à quel prix !) ce ne sera que dans 15-20 ans…
Plus généralement, que ce soit pour des raisons économiques, de manque de flexibilité, de risque, nous estimons que le nucléaire est une mauvaise solution climatique.

Au détriment du renouvelable…
Le plan entérine la disparition de l’ambition offshore. L’objectif de 3,5GW (le plan parle uniquement de 2,1GW) dans la zone princesse Elisabeth et de 8GW au total disparait… La Flandre qui vient d’annoncer une légère augmentation de ses objectifs éoliens et PV ne compense pas ce recul fédéral sur l’éolien offshore. Nous nous retrouvons ainsi en dessous des plans de 2023 en matière de renouvelable, que la Commission avait déjà jugés « très insuffisants ». La Belgique devient tout simplement le pays de l’UE avec le plus grand écart entre son objectif européen en énergies renouvelables (33 %) et ses prévisions pour 2030 (moins de 20 %). Cela ne passera pas inaperçu : la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction contre notre pays, car nous avons (encore) ignoré l’échéance de transposition de la directive sur les énergies renouvelables. La Commission nous donne deux mois pour agir.
L’apparition (très) timide de la sobriété
Le plan intègre une avancée symbolique majeure. Il stipule dès le résumé exécutif qu’ « une utilisation rationnelle de l’énergie et une gestion de la demande rendent le défi plus surmontable. » C’est très peu, mais symboliquement important, tant la sobriété est un des piliers de la transition énergétique qui était désespérément absente jusqu’ici des plans climat…
Notons qu’aucune mesure favorisant une utilisation plus sobre de l’énergie (on pense à une fiscalité incitative pour les véhicules plus légers…) n’est ajoutée… A l’inverse une des seules mesures de sobriété du précédent plan – la réduction de la surface des bâtiments publics fédéraux – disparait…
Qui va payer ?
Si l’on combine tous les plans fédéraux et régionaux, nous sommes numériquement moins bien lotis qu’en 2023. En termes d’ambition climatique, nous ne faisons certainement pas mieux que la réduction de 42,6 % à laquelle arrivait la Belgique avant les révisions proposées par le fédéral (et par la Flandre qui a revu sa copie également en juillet). Nous nous dirigeons donc vers un écart d’au moins 3 mégatonnes qu’il faudra financer…
Un retard important qui nous poursuivra : la Belgique doit réduire ses émissions de plus de 80 % d’ici 2040 (avec un objectif UE de 90 %) et atteindre le zéro net en 2050.
Lire plus : Page web du service public fédéral consacrée au Plan climat Energie.
Crédit photographique : Adobe Stock
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