Selon les médias, la manifestation du non-marchand du 22 mai a regroupé environ 30.000 participant·es dans les rues de Bruxelles. Du secteur des soins de santé, du soutien aux personnes, du monde culturel, du secteur associatif, … Toutes et tous s’inquiètent de la direction que prend l’Arizona et du peu de cas laissé à leurs activités « en-dehors du marché ». Et s’inquiètent également de la pérennité de leurs secteurs, pourtant essentiels à une vie de qualité en commun !
Le secteur environnemental était présent en nombre dans les rues de Bruxelles le 22 mai. Et pour cause, son financement est rudement mis à l’épreuve par nos différents gouvernements. Il semblerait que la protection de l’environnement ou l’éducation à la sauvegarde de celui-ci ne fassent pas partie des priorités politiques actuelles. Quand les coupes budgétaires ne viennent pas directement impacter les politiques concernées (soutien à la rénovation, à une politique de mobilité qui intègre davantage les transports en commun ou la mobilité active, sauvegarde de la biodiversité, …), elles touchent aux subventions facultatives octroyées par les différents ministres desquelles nombre d’associations environnementales dépendent. Or, ces associations opèrent un travail conséquent pour pallier aux manquements de la politique de nos gouvernements.
Une récente étude montre, par exemple, qu’un euro investi dans la restauration de la nature représente 51 euros d’effets retours. Au niveau climatique, tous les experts s’accordent pour dire que le coût de l’inaction sera bien plus fort que le coût de l’action. Une nouvelle étude vient encore de démontrer à quel point la Wallonie était exposée aux risques liés aux changements climatiques. Elle vient renforcer les messages poussant vers davantage d’investissements pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre, tout comme pour nous adapter aux dérèglements auxquels nous allons faire (et nous faisons déjà) face. Au niveau fédéral comme au niveau régional, on ne semble pourtant pas en avoir pris conscience pleinement…
Le secteur associatif actif dans les questions environnementales était donc présent, dans les rues de Bruxelles, pour demander davantage de volonté politique et de moyens financiers pour inverser la tendance. Il était également présent pour se faire entendre afin que les gouvernements soutiennent son action en lui octroyant des subventions pérennes. En effet, le financement du secteur est loin d’être garanti pour les prochaines années étant donné les restrictions budgétaires souhaitées par nos gouvernements. L’action de ce secteur est pourtant primordiale pour faire grandir la sensibilisation à l’égard de nombreux défis auxquels nous faisons face !
Le non-marchand, maillon central de notre société
Le monde environnemental n’était pas seul dans la rue le 22 mai. Tout le secteur non-marchand, aussi appelé secteur à profit social, s’y trouvait représenté pour faire entendre sa voix. Et, pour cause, la politique d’austérité mise en place par les différents gouvernements pèse fortement sur le financement de ce secteur dans son entièreté. Les coupes budgétaires sont nombreuses et s’effectuent à tous les étages, donnant l’impression que nos leaders politiques actuels ne jurent plus que par le marché et sa prétendue efficacité économique.
Pourtant, le secteur à profit social est un maillon crucial de notre économie. Il regroupe de multiples services à la société qui échappent à toute marchandisation ou qui permettent un accès facilité à tous les concitoyens. Citons, par exemple :
- Le secteur de la santé. Difficile d’imaginer que ce secteur soit entièrement soumis aux forces du marché, sous peine de voir une société divisée entre ceux qui ont les moyens de se payer une intervention médicale et ceux qui ne peuvent même pas se payer un passage chez le dentiste.
- Le secteur culturel. Idem, peut-on imaginer une culture wallonne qui se développe d’elle-même, soumise aux lois d’un marché sur lequel règneraient sans partage les productions de grosses écuries internationales ? Cela reviendrait à laisser la culture comme les musées ou les pièces de théâtre à un public aisé qui peut se permettre un prix plus élevé et laisser les moins nantis à la consommation de gros blockbusters étrangers ou à des chaînes de télévision à gros moyens.
- Le secteur de la petite enfance. Oui, un système régi par le marché existe. Mais à un prix qui se révèle exorbitant pour de nombreux ménages, qui se verraient dans l’impossibilité de faire garder leurs enfants et, de ce fait, en grande difficulté pour libérer du temps pour trouver un emploi.
- L’éducation. Même s’il reste très inégalitaire en Belgique francophone, notre système éducatif est basé sur une accessibilité élargie qui permet à tout un chacun de se lancer dans des études ou des formations poussées au niveau supérieur. Encore une fois, un système davantage privé pourrait être envisagé, mais forcerait la majorité à devoir s’endetter pour de nombreuses années afin de se lancer dans cette voie.
Vers une société plus solidaire ?
Notre modèle social s’est construit sur l’idée que tous les citoyens sont égaux et que la collectivité soutiendrait un accès à ces services de manière universelle. Pour que cela soit possible, il est nécessaire que la collectivité soutienne financièrement ces secteurs. Un coût, donc, pour la société qui nécessite une fiscalité qui le supporte.
Notre système fiscal est pourtant vu comme une charge pour la société : la charge fiscale qui repose sur les citoyens et les entreprises serait, en Belgique, une des plus élevées du monde ! Le slogan « aucune nouvelle taxe » est martelé à tout bout de champ par nos gouvernements comme un nouveau mantra, une nécessité faisant loi. Pour être honnête, il faudrait déjà relever que les charges pesant sur les revenus du patrimoine sont loin d’être excessives dans notre plat pays. A titre d’exemple, l’exonération des plus-values sur actifs financiers est une particularité bien belge…
On nous vend donc la fiscalité comme étant une charge, un problème, un moyen de financement pour un état obèse et inefficace. On oublie bien souvent, dans ce discours, de faire le lien avec tous les services qui sont rendus possibles grâce aux moyens publics, ainsi que leur accessibilité pour le plus grand nombre. Davantage que de parler de charge fiscale, il convient de parler de contribution à notre modèle de société solidaire et àn notre bien-être commun.
La solidarité, malheureusement, n’a pas spécialement le vent en poupe avec nos nouveaux gouvernements : coupes dans les budgets pour la coopération internationale, pour la politique migratoire, pour l’enveloppe bien-être qui soutient les plus démunis, pour les services publics et le financement du non-marchand, … alors que les épaules les plus larges ne sont que peu mises à contribution dans les nouveaux plans budgétaires. Rappelons quand même que notre société, si elle est relativement égalitaire sur base des revenus déclarés, l’est beaucoup moins quand on analyse les revenus du patrimoine ou la distribution de celui-ci !
Une société plus solidaire, donc, permet de rester plus résilient face à l’évolution du monde. La solidarité permet, en outre, de faire barrage à la montée de l’individualisme, de « faire société » ensemble, en prenant soin des personnes qui sont généralement laissées en marge du progrès. Elle permet de dépasser les limites d’une économie de marché qui vise toujours plus de dérégulation (on dit simplification administrative quand on est business friendly…), toujours plus de court-termisme (on dit bénéfices quand on est market friendly…) et une mise au panthéon de l’intérêt particulier (on dit efficience des marchés quand on est économie friendly…). L’économie sociale a une devise pour ça : « placer l’humain avant le profit ».
La manifestation du secteur non-marchand du 22 mai avait pour but de montrer à nos autorités qu’un autre monde est possible. Un autre monde dans lequel l’humain occupe une place centrale, bien avant les profits et bénéfices du marché. Un monde dans lequel la solidarité reste un marqueur non discutable, solidarité à travers laquelle la contribution de chacun aux services collectifs selon ses moyens est une vertu et non une charge.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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