Questions pertinentes sur l’adaptation du territoire

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L’adaptation, ne serait-ce pas enfin mieux écouter celles et ceux qui s’insurgent face à la coulée continue de projets, notamment en zone inondable ? Lors d’une rencontre récente avec Michel Dachelet chez Canopea, les citoyen.nes ont partagé à l’inspecteur général leur souci du bien commun.

A l’occasion d’une rencontre organisée par Canopea avec l’Inspecteur général Michel Dachelet ce 19 juin 2025, le public était invité à préparer à l’avance des questions à lui poser sur son bilan et sur les perspectives du développement territorial. On pourrait presque croire que le thème de l’adaptation avait été imposé, tant les questions des participant.es vont dans ce sens.

Vous trouverez ci-dessous leurs productions, regroupées par thèmes et anonymisées. Cette rencontre-débat prouve (s’il y avait encore besoin de preuves !), par la richesse de son contenu et par la bienveillance des échanges, que le grand public comprend ce qu’est l’intérêt général, s’interroge sur les enjeux prioritaires de l’aménagement du territoire, et réclame des solutions innovantes.

Dans le prochain numéro d’Echelle Humaine, consacré à l’adaptation, vous trouverez les réponses de Michel Dachelet associées aux questions, dans la mesure du possible. Pour les questions qui n’ont pas eu le temps d’être posées en séance, des pistes de réponse seront fournies par Canopea, avec des liens vers nos autres analyses et celles de nos associations membres.

Grand angle : deux enjeux majeurs

Ralentir l’eau, permettre son épanchement

Quel est le plan d’aménagement prévu pour « ralentir » l’eau dans le paysage ?

Y a-t-il une réflexion globale en cours sur la Wallonie ou sur certains territoires ? La Wallonie va-t-elle procéder par bassins versants ?

Bâti ancien, végétation ancienne

Ne serait-il pas intéressant d’inclure aussi dans l’aménagement général une protection du parcellaire et du bâti ancien sous leurs multiples visages tant architectural que paysager ?

Ceci, afin de conforter ce type de patrimoine modeste dans sa protection actuelle, ou de lui donner une protection qu’il n’avait pas encore.

Outils d’AT

PLAN DE SECTEUR

Comment modifier le Plan de Secteur pour protéger la santé des riverains fortement mise à mal par l’usage des pesticides en agriculture ?

Les ZACC au plan de secteur pourraient-elles être revues en fonction du changement climatique, afin de préserver la nature, la biodiversité et des terres agricoles nourricières ?

Faut-il faire une révision du plan de secteur pour sauver une friche de 17Ha où la nature a repris ses droits (Petite Fagne d’Ans, SGIB 3232) ? 

Le comblement a longtemps été accepté trop facilement. La règle du comblement devrait être abrogée. A ce jour, il semble que la volonté de préserver l’agriculture tempère la règle du comblement. Pourquoi conserver cette possibilité de dérogation si son usage est de plus en plus restreint ? Comment récupérer les droits d’enregistrement déjà versés pour un terrain potentiellement à bâtir alors qu’il ne peut plus l’être, ceci en corrélation avec la perception des droits d’enregistrement devenue prérogative régionale ?

Comment faire évoluer les plans de secteur qui ont statut de loi ? Les outils se sont multipliés sans nécessairement être assuré de leur interopérabilité opérationnelle. Par ailleurs, des dispositifs européens viennent s’ajouter. La mobilité, une des composantes de l’aménagement du territoire, est en train de changer. 

Comment modifier le plan de secteur pour le rendre plus adapté à la situation actuelle, tout en n’augmentant pas les zones constructibles, et sans réduire les zones agricoles ? Les terrains urbanisables sont parfois mal situés. Pourrait-on faire des échanges avec une autre parcelle non urbanisable (agricole par ex.) ?

SDT, Schéma de Développement du Territoire

Un SDT améliorable… sur quels points ?

Comment inscrire dans le SDT et dans le CoDT la faculté de créer de la zone non urbanisable ?

Le SDT est-il aujourd’hui à même d’encadrer les outils pour concilier densification et préservation des jardins et espaces verts ?

Pourquoi le SDT n’est-il pas plus clair sur le fait d’encourager la rénovation du bâti caractéristique du lieu plutôt qu’encourager les démolitions/reconstructions (perte de l’âme d’un village ou ville) ?

SDC, Schéma de Développement Communal

De quelle manière déplacer les ZACC pour renforcer les centralités ?

Quels seraient les outils au sens large pour favoriser la densification ?

De quelle manière mieux appréhender les dossiers au niveau de la biodiversité dans les services d’urbanisme communaux ou régionaux ? On voit se développer des infrastructures sportives comme des terrains de hockey qui sont des espaces complètement artificiels.

Faire coïncider de manière concrète et efficace les politiques de mobilité et de ménagement du territoire, cela suppose une réelle amélioration des dessertes par les transports en commun, et une localisation judicieuse des centralités. Comment les communes peuvent-elles inclure ces enjeux dans leur SDC ? Quels leviers d’action ont-elles en la matière ? Quelles sont les actions ou pistes de réflexion en cours et prévues au niveau régional et en collaboration avec le fédéral ?

La CCATM , Commission Communale d’Aménagement du Territoire et de Mobilité

Comment les CCATM peuvent-elles favoriser la protection des terres agricoles avec les nouveaux outils (CoDT, SDT, futurs SDC) ?

Souvent, en réunion, j’entends le ressenti suivant : ‘Contrairement aux Forêts ou aux zones naturelles, les terres agricoles servent systématiquement de monnaie d’échange en aménagement du territoire et urbanisme et ne sont pas fermement protégées ». Vrai ou faux ? Peut-on objectiver cela par des chiffres ? Quelles réponses apporter à ce type de propos ?

Dans notre CCATM, nous constatons un affaiblissement de la démocratie participative particulièrement préoccupant. Du temps du Cwatup, nous avions beaucoup de dossiers à traiter. Depuis le CoDT, nous en examinons beaucoup moins, est-ce bien normal ? Nous aimerions savoir ce qui se passe dans les autres CCATM.

Comment concilier la confidentialité des débats en CCATM et la participation en tant que représentante d’une association ? (on doit faire rapport à notre Organe d’administration)

Comment la CCATM peut-elle convaincre une commune d’adopter un SOL (Schéma d’Orientation Local) sur une partie de son territoire pour éviter tout développement anarchique ?

Les indicateurs

Pourriez-vous nous informer des chiffres et statistiques dont vous disposez en matière d’aménagement du territoire ? Quelles sont vos sources et vos références ?

Parcelles urbanisées / artificialisées : la mise à jour de la couche bâtiment dans le plan cadastral ne se fera plus d’année en année, mais une année sur trois, quatre ou cinq. Cela pose des problèmes lorsqu’on doit faire un plan avec intégration du nouveau projet alors que le fond de plan n’est pas à jour.

L’administration : charge de travail, éthique, instruction des dossiers

Comment, au vu du nombre de dossiers parfois conséquents et du temps octroyé, les fonctionnaires délégués et/ou techniques arrivent-ils à étudier ceux-ci et remettre un avis « correct » ?

Sur bases de quels critères objectifs les permis sont-ils octroyés ?

Quelles sont les pressions sur les fonctionnaires délégués et techniques ? Sont-ils totalement indépendants des politiques et des promoteurs immobiliers ? Le SDT, ou SDC s’il existe, est-il toujours suivi ? Y a-t-il des exceptions ? Sur bases de quels critères sont-elles justifiées ?

Pourquoi les promoteurs immobiliers ont-ils un contact privilégié avec les fonctionnaires, la CCATM, le service d’urbanisme, les élu.es… pour défendre leur projet, mais pas avec les citoyen.nes bien renseigné.es ou concerné.es ? Pourquoi les citoyen.nes ont-il si peu de contacts avec les autorités communales et leur administration ?

L’approbation tacite des dossiers cache le manque d’effectif pour traiter les dossiers. Bon nombre de dossiers sont acceptés sans avoir été analysés comme il se doit. Lorsqu’il y a désaccord avec les citoyens, le dossier devrait être étudié plus en profondeur.

L’enquête publique

Où peut-on voir (dans quel document) comment sont prises en considération toutes les remarques des enquêtes publiques ?

Comment faire pour que les réponses aux enquêtes publiques soient considérées au même titre que les rapports d’experts ?

Les citoyens ne bénéficient d’aucune aide pour se défendre face à des projets de grande ampleur. Pourquoi n’ont-ils pas droit à un soutien financier ? Le jeu est trop inégal face à des promoteurs qui reçoivent des subsides des pouvoirs publics, par exemple lorsqu’ils réalisent un SOL (Schéma d’Orientation Local) ?

Autonomie communale

Pourquoi ne pas donner plus d’autonomie décisionnelle au niveau communal ? Par exemple, l’aménagement d’un rond-point dépend d’une décision régionale, voire fédérale.

PROSPECTIVE

L’occupation temporaire, l’urbanisme transitoire

Questions (non détaillées dans le formulaire) sur l’occupation temporaire et l’urbanisme transitoire en Wallonie.

Audace architecturale pour adapter le territoire : guides d’urbanisme

Les enjeux environnementaux exigent de l’audace et des adaptations techniques. A l’instar des performances énergétiques, les enjeux bioclimatiques n’impliquent-ils pas de modifier les contraintes urbanistiques ?

N’est-il pas grand temps d’introduire dans les guides urbanistiques communaux et régionaux les toitures plates végétales, les pilotis, les matériaux biosourcés plutôt que du parpaing, du PU, ou des enduits de synthèse ?

Au terme de cette énumération, qui ressemble à une « Enquête involontaire sur les mesures d’adaptation », je vous donne rendez-vous dans le prochain numéro d’Echelle Humaine pour découvrir les pistes de réponses.

Mais avant de vous quitter, il me semble utile de revenir sur le plaidoyer politique de Canopea en matière d’adaptation.

Adaptation : la politique à mettre en œuvre, selon Canopea

Tout d’abord, voici un résumé des mesures d’aménagement du territoire poussées par Canopea lors de la campagne électorale régionale en 2024 et présentées aux différents partis en lice.

Comment ménager le territoire durant les 5 prochaines années ?

1. Mesures relatives au CoDT

A.          Introduire dans le CoDT la possibilité claire de créer des zones non urbanisables au Plan de Secteur.

NB : en fin de législature précédente, Canopea a été auditionnée sur le CoDT par la Commission Aménagement du Territoire au Parlement de Wallonie et a poussé cette mesure. Elle était soutenue par Les Engagés et par écolo ; chaque groupe a présenté un amendement à ce sujet.

B.          Canopea doit faire partie de la Task Force CoDT qui sera remise sur pied (nous étions dans les 2 précédentes, sous Carlo di Antonio et Willy Borsus).

NB : Une nouvelle Task Force CoDT a bien été constituée en toute fin de législature et a travaillé en 2024-2025 ; Canopea n’y a pas été associée. Il s’agissait de travailler uniquement sur les aspects opérationnels de la procédure, avec les représentants des agent.es locaux et des ville et communes.

2. Inondations et dérèglements climatiques

Mettre en œuvre les recommandations de la Commission Inondations. Les parlementaires ont clairement délimité tout ce qu’il reste à faire pour protéger la population et l’environnement. Et il reste beaucoup à faire.

NB : Canopea a repris les recommandations spécifiques à l’AT dans une analyse sur la reconstruction post-inondations.

3. Mesures concernant le SDT et les SDC, stratégie d’adaptation

A.          Le GW doit aider les communes à monitorer le suivi des mesures du SDT et les accompagner pour faire leur SDC.

B.          Canopea doit faire partie du groupe d’experts SDT qui sera remis sur pied (nous étions dans le précédent, sous Willy Borsus).

C.          Le SDT et les SDC doivent former l’ossature d’une véritable stratégie d’adaptation de la Wallonie (îlots de chaleur, inondations, canicules, sécheresse, perte de biodiversité)

D.          Canopea envisage l’organisation d’un Colloque en 2025 ou 2026 pour sensibiliser à l’urgence d’adapter le Plan de Secteur afin de protéger la population, selon quatre axes de réflexion : compensations, mitigation, évitement, rénovation du bâti.

Memorandum régional de Canopea

Dans le Memorandum régional publié par Canopea à l’occasion de la campagne électorale, il y a une grande quantité de mesures relatives à l’aménagement du territoire. L’idée centrale est de valoriser le « déjà-là ». Maintenir, réutiliser, rénover, entretenir le bâti existant et privilégier le recyclage foncier (c’est-à-dire la réutilisation prioritaire des terres déjà artificialisées, dont les friches).

Voici les MESURES PHARES de ce chapitre 4 Aménagement du Territoire, avec des liens vers les mesures opérationnelles détaillées :

  1. Mettre en œuvre le freinage de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols notamment via les schémas de développement communaux (SDC).
  •  Sanctuariser les zones non urbanisables du plan de secteur, en particulier les zones agricoles et forestières.
  • Adapter le territoire pour faire face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité.
  • Soutenir l’attractivité et l’accessibilité des centralités en les consolidant et en y intégrant une infrastructure verte de qualité.
  • Se doter d’outils de gestion des stocks de terrain disponibles et d’indicateurs objectifs et uniformisés du taux d’occupation des parcs d’activités économiques (PAE).

La DPR face au jury canopéen

En juillet 2024, lors de la parution de la Déclaration de Politique Régionale, Canopea a donné une note au nouveau gouvernement par rapport à ses engagements dans nos différentes matières.

Pour ce qui concerne l’aménagement du territoire (pages 6 et 7 de la note), les mesures annoncées ont été notées de manière relativement positive. Voici en quels termes :

« On peut se réjouir de voir apparaître dans ce chapitre le très attendu “plan de révision progressive des zones destinées à l’urbanisation ou non”.

Le Gouvernement annonce qu’il « mettra l’accent sur la qualité de vie des villes et villages en ce compris la cohésion sociale, la préservation des terres agricoles et des espaces verts ainsi que sur la biodiversité”. Cette affirmation est malheureusement démentie par quelques mesures laissant percevoir une méfiance profonde vis-à-vis de la participation citoyenne, ainsi qu’une vision en silos, notamment à propos des enjeux liés à la qualité des sols et vis à vis des solutions de mitigation des effets des dérèglements climatiques.

Parmi les projets prometteurs, on épinglera les évaluations de la mise en œuvre du CoDT et du SDT, le soutien aux communes pour la réalisation de leur SDC ainsi que l’élaboration d’un référentiel sur la régénération du bâti pour en accélérer la réutilisation et la rénovation. »

L’ensemble des commentaires détaillés est ici : https://www.canopea.be/wp-content/uploads/2024/07/AnalyseDPR24-29_Canopea.pdf.

En savoir plus

Une Echelle Humaine qui parle aussi d’adaptation

Cet été 2025, Canopea publie sa newsletter Echelle Humaine, avec un numéro consacré à l’adaptation. Outre les réponses de l’Inspecteur général aux questions énumérées ci-dessus, vous trouverez, entre autres, une interview de Jacques Teller et de solides pistes pratiques, ainsi qu’une analyse de l’étude de vulnérabilité qui vient d’être présentée au public en mai dernier, « Vulnérabilité et adaptations de la Wallonie au changement climatique ».

Pour lire les articles parus dans Echelle Humaine, c’est par ici : https://www.canopea.be/category/thematiques/territoire/echelle-humaine/

Pour vous abonner et ainsi recevoir l’info sur les formations en aménagement du territoire : https://www.canopea.be/rejoignez-nous/newsletter/

Intéressé.e par l’adaptation concrète des milieux urbanisés ?

https://www.dixit.net/redirectionurbaine/ est un guide à l’usage des élue.es et accessible au grand public. Ce guide nous a notamment été recommandé par Sophie Tilman dans son interview pour Echelle Humaine 🙂

Le « Stop Béton » est PRESQUE devenu une exigence mainstream.

Les citoyen.nes demandent que le ménagement du territoire devienne vraiment effectif. Mais on les écoute trop peu, voire pas du tout, et les projets se multiplient, notamment en zone inondable, en lieu et place d’espaces verts. C’est ce qui se passe à Trooz, avec un projet de logements sociaux, ou à l’Espérance avec un quartier résidentiel, mais aussi à Couvin avec un projet de parc d’activités. « Occupons le Terrain » a développé un argumentaire concret et authentique qu’il met à disposition de tout le monde : allez-y voir, inspirez-vous, montez votre propre argumentaire, soyez autonomes et responsables !

Deux exemples de publications d’OLT en rapport avec cette Racines

Début 2025, OLT a publié un article pour répondre aux reproches des politiques et du monde immobilier en matière de réclamation dans le cadre des enquêtes publiques :

Canopea et OLT ont composé ensemble un manifeste « Stop Béton, Maintenant ! » : https://occuponsleterrain.be/wp-content/uploads/2024/05/Stop-Beton-Maintenant-Le-manifeste-livret-A5.pdf

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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