Dans la foulée de mon article relatif à la sensibilisation à ce que sont les speedpedelecs et au récit d’un an d’expérimentation de ces engins, quelques retours m’ont été formulés sous la forme : « ce ne sont plus vraiment des vélos, mais plutôt des mobylettes ».
« M’enfin ! C’est quoi ct’affaire ?».
Une Racine qui, je le reconnais, relève de l’anecdotique : ça sent les vacances 😉 !
Analysons donc ce qui autorise (ou pas) cet amalgame, lequel pourrait – peut-être – être un frein au développement de cet outil de mobilité ACTIVE 😉 qu’est le SP. Et on en profitera pour parler un peu de réglementation et de puissance.
Une relative ressemblance
J’ai eu, dans les années 70, une mobylette qui ressemblait assez bien à ceci :

Voici un speedpedelec (SP) :

C’est exact qu’il y a une certaine ressemblance ! Elle vient, je pense, du fait que les mobylettes, appelées également « vélomoteur », ressemblent à de gros vélos… motorisés. 🙂
Mais, il ne faut pas se fier aux apparences.
Rappelons que la mobylette désigne à l’origine un cyclomoteur à pédales doté d’un moteur à combustion interne de 49 cm³, popularisé par Motobécane à partir de 1949, et dont l’Honda Amigo reste la représentante-type. Aujourd’hui, elles sont nettement moins fréquentes chez nous et sont surtout des objets vintages.
L’idée de départ était d’assister un vélo, mais du fait de la technologie disponible, l’assistance était tout ou rien et l’engin fut assimilé plus aux motos (certes petites) qu’au vélo. C’était en quelque sorte l’entrée dans le monde des engins motorisés. L’évolution confirme la chose : les (petits) scooters n’ont plus de pédales et ne peuvent évidemment pas être « suspectés » d’être… un vélo.

Scooter 50cc, finie la ressemblance…
Règlementation : l’uniformisation assimile des engins différents
Les vélos électriques standard (VAE), à la vitesse limitée à 25 km/h et la puissance limitée à 250W sont des vélos. Tous les vélos dépassant cette puissance et/ou cette vitesse sont classés dans la catégorie des cyclomoteurs légers (L1e), et plus précisément, ceux limités à 25km/h avec une puissance autorisée jusque 1000W dans la catégorie L1e-A et les SP dans la catégorie L1e-B avec une puissance limitée à 4 kW et la vitesse à 45 km/h.
Notons que la plupart des speedpedelecs commercialisés ont des moteurs dont la puissance réelle est bien inférieure à 4 kW, souvent moins de 1 kW (le mien fait 250 W en puissance nominale et 600 en crête), car cela suffit amplement pour atteindre, et plus ou moins maintenir, les 45 km/h autorisés.
A propos de la puissance
Cette distinction de la puissance, limitée à 250 W pour les électriques « courants » et soit 1kW (et 25 km/h) et 4 kW pour les SP est « bizarre » : les vélos cargos électriques (classiques), généralement limités à 250W, sont pénalisés, une fois chargés (de marchandises ou d’enfants) dès qu’une côte sérieuse se présente. Mais, pour 20 km/h de plus, on dispose de 3750 W supplémentaires, puissance inutile pour les besoins d’un véhicule destiné principalement à du domicile/travail sur une distance tournant autour de 20 km. On pourrait mettre une limite à 1kW pour tous les électriques « non cargo », et créer une catégorie « velo cargo » avec une limite autour de 2 kW… Ce serait intéressant, vu l’évolution réjouissante de la cyclo-logistique .

Pourquoi faut-il toujours, comme c’est le cas bien sûr avec les automobiles, fournir de la puissance inutile aux véhicules ? Sur un vélo équipé de tels moteurs, je suis convaincu que le bridage de la vitesse devient vite une frustration qui encourage au débridage, interdit bien sûr, mais très facile à réaliser.
La puissance d’une mobylette est, elle, approximativement de 1,5 kW et le moteur est bridé à 50 km/h. Pour le débrider, il faut bien s’y connaitre en mécanique.
Quelques différences « objectives » entre mobylette et speedpedelec
1. Mode de propulsion
La différence la plus fondamentale réside dans la manière dont ces deux véhicules avancent. Le moteur électrique n’intervient que si l’utilisateur pédale : c’est ce qu’on appelle l’assistance proportionnelle. Si l’on arrête de pédaler, le moteur s’arrête aussi. Cela signifie que l’effort humain reste nécessaire : dans mon cas, la puissance moyenne exercée est de 150W et les calories dépensées pour un A/R tournent autour de 1200 kcal. Et je peux choisir l’effort à fournir en fonction des aléas de la route et de la vie… La mobylette est, elle, équipée d’un moteur thermique (essence) ou, beaucoup plus rarement, électrique, qui propulse le véhicule sans effort musculaire si ce n’est de l’avant-bras droit : on avance simplement en tournant la poignée d’accélérateur, sans pédaler. On a relevé quelques cas d’épicondylite latérale (tennis elbow) liée à cette pratique ! 🙂
2.Insistons un peu : l’utilisation des pédales. Sur un SP les pédales sont indispensables car sans pédalage, pas d’assistance donc. Le véhicule conserve donc l’ergonomie et le fonctionnement d’un vélo. A titre d’exemple, ma cadence moyenne est de 85/minutes, donc, sur mon trajet A/R, je fais tout de même quasi 12.000 tours. Sur une mobylette, les pédales sont souvent présentes, mais leur usage est limité au démarrage ou à l’assistance en cas de panne… ce qui vous place dans une situation un peu ridicule, mais surtout très pénible vu le poids de l’engin (c’est du vécu) !
3. Poids : un SP est certes plus lourd qu’un vélo classique, mais assez proche d’un VAE 25 km/h et en tous cas plus léger qu’une mobylette qui pèse autour de 45 kg.
4. Émissions et bruit : le SP, équipé d’un moteur électrique, produit zéro émission locale et à un fonctionnement silencieux, respectueux de l’environnement. La mobylette, quant à elle, dotée d’un moteur à combustion interne, émet du CO2, des particules fines, des COV, des Nox…, et du bruit. Suggestion si le bruit d’une bonne vieille mob vous manque : vous pouvez attacher des cartes à jouer qui frotteront sur les rayons. 😉
Et le look ?
C’est aujourd’hui essentiel, non ? 😉 Soyons direct : sur une mob on a l’air un peu ridicule : faire tant de bruit et avancer si lentement (vitesse subjective). Sur un vélo, à 45km/h, on file silencieusement !!
Et le vécu ?
Là, il n’y a pas photo : le vécu est totalement différent ! La passivité sur la mobylette contraste avec la réelle activité sur un SP.
Lorsque je suis sur mon SP, je suis sur un vélo et je me sens cycliste…
Et donc, au-delà du petit exposé que j’espère suffisamment didactique, comparant les deux engins, je suggère à celles et ceux qui doutent, de monter sur un SP, pour vivre l’expérience. Je serais même tenté de retrouver une vieille mob pour faire un test comparatif !
Plus sérieusement : même si le ton des contradicteur·trices est souvent humoristique, il faut être attentif à ne pas mettre à mal l’image d’un vélo, certes particulier. Le SP participe pleinement à un transfert modal nécessaire et à la préservation de la santé des utilisateurs grâce à une saine et relativement douce activité physique (en fait, vous avez le choix de l’effort à fournir), le tout en participant à la lutte contre les pollutions locales et les changements climatiques : chacun de mes trajets économise en effet, par rapport à la voiture, plus ou moins 12 kg de CO21. La course à la puissance excessive reste, elle, une ennemie de la robustesse !

Note : tout bien réfléchi, le véhicule de mobilité « passive » moderne le plus proche d’une mobylette, hormis le scooter, est plutôt la trottinette qui, à l’instar de la mob, ne nécessite pas d’effort physique.
PS : les vacances arrivent d’où un peu de légèreté dans cette Racine. Si j’avais souhaité produire une analyse centrée sur la lourdeur anxiogène ambiante (et comment y résister), j’aurais (à nouveau) écrit quelque chose dans la lignée de :
• Les « hommes forts », émanation ultime du néolibéralisme ? Et après ?
• Une guerre à l’environnement et ses défenseur·euses est déclarée !
• Le déni, un poison pour les démocraties
• Et surtout : Résister dans un monde abîmé, en mode furtif
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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- Sur base d’un calculateur intégré à l’unité de gestion du moteur de mon SP (les réductions d’émissions se rapportent au coefficient d’utilisation. Le calcul est basé sur les données du Bureau fédéral allemand de l’environnement, 2022 : voiture = 166 gr CO2/km, VAE = 3 gr) ↩︎
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