Se chauffer propre, un casse-tête ?

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On ne le répètera jamais assez : les défis en termes de chaleur sont immenses. Le Belge est très consommateur d’énergie pour se chauffer, parmi les plus mauvais élèves d’Europe1. De plus, il se chauffe principalement aux énergies fossiles : 87% des ménages utilisent actuellement le gaz ou le mazout comme principale source de chauffage. On a donc une forte consommation d’énergie, et principalement carbonée en plus. Comment (s’) en sortir ?

Entre solution individuelle et collective, sobriété et technologie, cet article vous propose d’explorer trois réponses prometteuses.

Mon chauffage central : indispensable ?

On pense parfois que le chauffage central a toujours été là, mais rappelons qu’il se popularise il y a moins d’un siècle ! Comment faisait-on avant alors ? Certains ici s’en souviennent probablement : un poêle pour réchauffer la pièce principale où l’on se rassemblait, et une petite bouillote pour rentrer dans son lit tout froid. En vérité, une multitude d’habitudes et d’astuces permettaient de se tenir au chaud2. Aujourd’hui, le chauffage central est devenu la norme, nous faisant oublier ces habitudes sobres. Est-ce que cela veut dire qu’on ne pourra/voudra plus revenir en arrière ?

Ce n’est pas le pari qu’ont fait les habitants d’un appartement bruxellois encore en rénovation, qui ont choisi de s’en passer. Dans leur appartement de 100 m², un poêle installé dans la pièce de vie chauffera une partie de cette surface seulement (40 m²). Un rideau permet de couper le flux d’air et de conserver la chaleur dans cette pièce. L’installation d’un chauffage au bois en ville pose certainement question (voir cet article), mais cet aménagement a le mérite de proposer une vision différente, plus sobre, de la manière de répondre à notre besoin de se tenir chaud.

Cela pose certainement aussi la question des pratiques architecturale. Depuis plusieurs dizaines d’années, la tendance a été de décloisonner les espaces pour proposer des grands volumes d’un seul tenant. Un recloisonnement, permettant un chauffage plus rationnel de son logement, ne permettrait-il pas d’offrir aux occupants d’avantage de confort pour une facture énergétique moins élevée ?

La seule pièce chauffée de l’appartement. Le poêle n’est pas encore installé. Source : Jean-Philippe Possoz

Ensemble, on est plus forts

Un nouveau réseau de chaleur a été inauguré début janvier à Herstal. Un réseau de chaleur, c’est un système de distribution de chaleur qui permet d’amener de la chaleur depuis une ou plusieurs sources centralisées vers des consommateurs. Concrètement, la chaleur se déplace grâce à de l’eau sous pression qui circule dans des conduites souterraines. Les bâtiments consommateurs récupèrent cette chaleur grâce à des échangeurs. Ils n’ont donc plus besoin de système de production de chaleur individuel.

Un intérêt des réseaux de chaleur est de pouvoir mettre à disposition de consommateurs alentours de la chaleur fatale, c’est-à-dire de la chaleur non utilisée émise par exemple par une industrie voisine. C’est le cas ici : le réseau d’Herstal distribuera de la chaleur produite par l’incinérateur de déchet Uvelia. Cette chaleur, auparavant perdue3, permettra désormais de chauffer des bâtiments comme l’Administration communale, plusieurs écoles ou encore un hall omnisport. Une chaudière au gaz est présente en back up, pour suppléer lors de gros pics de consommation.

Ce réseau, financé par les pouvoirs publics et exploité par une filiale de la société Coriance, devrait être agrandi dans les années à venir, ce qui permettra de desservir les consommateurs résidentiels du nouveau quartier liégeois Rives Ardentes. D’une part, la chaleur non utilisée par Uvelia est plus importante que ce qui est consommé par le réseau actuel. D’autre part, diversifier le profil des consommateurs n’est que bénéfice : la demande est alors plus régulière, et les pics de demande sont diminués. En effet, alors que les bâtiments résidentiels vont en moyenne plutôt se chauffer en soirée, la demande d’une école ou d’une administration se réalisera uniquement en journée a priori. Dès lors, la chaudière au gaz peut être moins utilisée !

Électrifier la chaleur : tous les experts sont d’accord

Tout comme la mobilité, la chaleur va devoir en partie s’électrifier pour, entre autres, des questions d’efficacité.

Et la pompe à chaleur (PAC) est la voie royale pour cela : en allant chercher de l’énergie « gratuite et renouvelable » dans notre environnement (dans l’eau souterraine par exemple), elle est un moyen très efficace de produire de la chaleur. L’idéal étant évidemment de l’alimenter avec de l’électricité décarbonée.

Et pourtant, nombre d’articles de média récents nous partagent des témoignages d’utilisateurs mécontents de leur installation en raison du bruit ou encore des coûts de fonctionnement, …  Peu de citoyens sont familiers de ce système de chauffage, et encore moins ont installé une pompe à chaleur chez eux (seulement 1% des ménages belges en 20204. Alors, la pompe à chaleur, une solution empoisonnée ?

Une étude menée récemment en Grande Bretagne nous prouve le contraire : la pompe à chaleur a bel et bien de beaux jours devant elle. Parmi les 2550 personnes interrogées, 81% d’entre elles sont « autant satisfaites » ou « plus satisfaites » de la pompe à chaleur qu’elles ont installée dans leur maison que de leur ancien système de chauffage fossile ou électrique. Il semble aussi que l’âge de la maison ne soit pas un frein à l’usage d’une PAC, puisque ce taux de satisfaction se maintient pour les propriétaires d’un bâtiment construit avant 1900 !

Un mix de solutions variées à notre portée

Aucune des solutions présentées ici n’est miraculeuse et à déployer sans attendre dans chaque logement ! Elles ont chacune leurs avantages et inconvénients, et elles nécessitent parfois des adaptations du logement non négligeables. Mais elles montrent que des solutions variées, adaptables à chaque personne et chaque bâtiment, sont déjà à notre portée pour décarboner la chaleur.

Pour accélérer la transition vers une chaleur décarbonée, il faut que les citoyens et les pouvoirs publics répondent présents. Les citoyens, en se mobilisant selon leurs possibilités vers une source de chaleur décarbonée et des méthodes de chauffage plus sobres (est-il nécessaire de chauffer un couloir dans lequel on ne fait que passer ?). Les pouvoirs publics, en encourageant fiscalement l’électrification de la chaleur, en soutenant la création de réseaux de chaleur ou encore en n’autorisant plus l’installation de chaudière fossile. Et tout cela en accompagnant les ménages, en particulier les plus précaires. Décarboner le chauffage est une priorité, il est temps pour nos responsables politiques d’agir en fonction.

Pour en savoir plus sur les recommandations de Canopea sur ce sujet, n’hésitez pas à consulter cet article ou à parcourir notre mémorandum régional.

Image d’illustration : Adobe Stock

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  1. Rapport Green Heat for All 2
  2. Pour en savoir plus sur l’histoire du rapport de l’Homme à la chaleur, voir : Jandot, O. (2017). Les délices du feu: l’homme, le chaud et le froid à l’époque moderne. Editions Champ Vallon.
  3. Précisons qu’après incinération, la chaleur sert d’abord à produire de l’électricité. Nous parlons ici de la chaleur résiduelle en bout de ligne.
  4. SPF Economie, Analyse de la consommation énergétique des ménages en Belgique en 2021.