La plaine d’Anton, à Andenne, un sol agricole à préserver ? Fiche pratique

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Pour mettre à plat les replis d’un enjeu aussi capital que le sol, il apparait utile de choisir un lieu précis. Dans Echelle Humaine n°9, c’est la Friche Palmolive située dans le Longdoz à Liège, qui a permis d’illustrer les questionnements sur les friches. Ici, le choix se porte sur la plaine d’Anton, autre cas local emblématique suivi par Canopea, situé dans la commune d’Andenne (cité des ours). La situation urbanistique et l’actualité des projets qui visent à artificialiser la plaine d’Anton en font le support idéal pour générer des images concrètes sur l’utilité des sols non urbanisés.

Localisation et configuration

Où est Anton ? A l’ouest d’Andenne, sur la rive sud de la Meuse, en bord de fleuve. Repérez la carrière de Sclaigneaux et le pont-barrage hydroélectrique, bien visibles sur l’image aérienne. Ils sont situés juste en face d’Anton.

Le triangle agricole d’Anton est au centre de la photo, juste à côté du site urbanisé de la ville d’Andenne, sur la rive droite au sud de la Meuse. Andenne se prolonge au nord, au-delà de la Meuse, avec le quartier de la gare et Seilles, situés sur la rive gauche. Capture d’écran Google.

La plaine d’Anton, c’est le triangle formé par une mosaïque de terrains agricoles, immédiatement à l’ouest de la zone urbanisée d’Andenne. Il couvre une surface d’environ 49 hectares ; 73% de la surface est propriété de la Commune d’Andenne. L’endroit est mieux connu localement sous le nom du lieu-dit « Ma Campagne ». On y voit quelques chevaux et des vaches blanc-bleu, des haies d’arbres et d’arbustes, et surtout des centaines de verts différents toute l’année.

La plaine d’Anton commence à 800m du centre d’Andenne. Son extrémité ouest en est distante de 1700 m. A vol d’oiseau, Anton est à 12 Km de Huy, à 15Km de Namur, à 28 Km de Gembloux, à 40 Km de Liège, à 46 Km de Charleroi, à 50 Km de Louvain, à 97 Km de Bruxelles.

En termes de surface, la plaine d’Anton représente plus de la moitié de la ville urbanisée actuelle sur la rive droite.

Bien que largement non construit, le site comporte du bâti, principalement sur les deux bords de la Nationale 90, dénommée localement Chaussée d’Anton vers Namur et Avenue Reine Elisabeth vers Andenne. La Nationale est figurée par la ligne jaune qui passe horizontalement au milieu de la photo aérienne. Des résidences, des commerces et des services s’égrènent le long de la route, avec en plusieurs occurrences des champs cultivés jusqu’au bord de la voirie. Le principal pôle attracteur d’Anton se trouve sur cette route, signalé par un repère orange : c’est le fast food Quick d’Andenne.


Oro-hydrographie du site d’Anton : le relief et les trois micro-affluents de la Meuse. Capture d’écran Google.

La plaine cultivée d’Anton est un faux plat, qui monte en pente jusqu’à 200 m et s’appuie sur une forêt de crète. Sur l’autre versant de la petite forêt, le Golf Club d’Andenne a choisi l’exposition plein sud de l’entité de Stud. Au moins trois micro-cours d’eau traversent le site d’Anton, leurs parcours semblent avoir été partiellement redressés et canalisés.

Sur le plan du relief, Anton est comme le prolongement naturel du site où la ville d’Andenne s’est développée jusqu’à présent, c’est-à-dire sur l’atterrissement des collines, en berge de Meuse. Par rapport à ce contexte orographique, les quelques autres sites encore non urbanisés autour de la ville se trouvent dans des situations de rupture plus forte : souvent en hauteur, dans des recoins cernés par l’urbanisation ou en haut des pentes, sur le plateau.

Nationale 90

Une requête Google Map identifie Anton à une « Station de transit » sans plus d’explication, si ce n’est une photo montrant une grand’route. Voyez vous-même sur l’image.

Le site d’Anton fait partie de ces paysages mosans typiques où défilent les voitures, les bus et les camions,
entre collines et fleuve. Capture d’écran Google.

Du tarmac, de la verdure, des véhicules pressés :  la Nationale 90 se prend à pleine vitesse, elle n’a pas l’air de se pratiquer facilement à pied. Le tronçon où se trouve Anton va d’Andenne à Sclayn, c’est la même route qui passe devant la Collégiale de Huy et le réacteur de Tihange, près du Préhistosite de Ramioul et devant le site Tata Steel d’Ivoz-Ramet. Souvent fixée à l’extrême lisière de la berge, elle collectionne les sites d’extraction ou industriels et file ainsi jusqu’à Liège où elle se transforme en A25 à hauteur de Droixhe, pour aller aux Pays-Bas. Dans l’autre sens, vers l’amont, la N90 relie Sclayn, Samson, Lives, avec encore tout un chapelet de sites carriers, puis Jambes où elle traverse la Meuse vers Namur au pont des Ardennes. Elle longe la Corbeille par l’est et le nord en se déguisant en boulevard Cauchy puis en Boulevard Mélot (Oh ! Elle passe devant chez Canopéa ^^) et part plein sud-ouest rejoindre la rive droite de la Sambre à Ronet. Ensuite elle prend quelque distance avec le bord de la rivière, la franchit à Moustiers, passe par Jemeppe-sur-Sambre et Farciennes, approche Charleroi par l’est et par Ville2, disparaît, puis réapparaît au bout de l’Avenue des Alliés à la Porte Ouest. Elle achève sa route vers le soleil couchant en traversant Monceau, Fontaine-L’Evêque, Anderlues et Binche. Arrivée à Mons, la N90 s’éteint.

Voilà pour l’axe routier principal qui dessert Anton. Il y a une autre route, perpendiculaire à la N90, qui remonte la colline vers le sud. C’est la Route d’Anton, beaucoup plus locale.

En rouge foncé, la Route d’Anton, 5300 Andenne, capture d’écran Google.

En suivant cette route vers Rouvroy et en se retournant vers la vallée en direction d’Andenne, par la magie d’internet, on obtient cette vue champêtre qui semble tanguer :

Route d’Anton, capture d’écran Google

Ici on est à plus de 100m d’altitude, il n’y a pas de trottoirs, à peine la largeur pour le croisement de deux petits véhicules.

Plus proches d’Andenne, deux autres voies se greffent sur la N90 et reproduisent à peu près la courbure de la Route d’Anton. Leur gabarit est encore plus réduit. Ce sont les voies nommées Fond du Chenal et Sentier de Seilles. Sur ce dernier est implanté un service ambulancier, Assistance Secours Grenson & Cie.

Anton, les trois voies carrossables descendant vers la N90. De gauche à droite : Route d’Anton, Fond du Chenal et Sentier de Seilles. Capture d’écran Google.

Une voie secondaire longe le triangle d’Anton au sud, juste sous la petite forêt de crête. C’est la rue Sous-Stud, voie qui relie Anton à Andenne, comme la N90. Le Sentier de Seilles, à l’ouest d’Anton sert de jonction entre la N90 et la rue Sous-Stud.

Voisines et si différentes : la plaine d’Anton et la ville d’Andenne, reliées par la N90 et la rue Sous-Stud. Capture d’écran Google.

Deux voisines

La plaine d’Anton et la ville d’Andenne sont voisines immédiates.

La vue rapprochée montre à la fois la proximité d’Anton et d’Andenne, et la différence d’utilisation du sol. Outre la N90 au nord, la vue fait également apparaître côté sud la rue Sous-Stud, le long de la forêt de crète.

La zone urbanisée d’Andenne s’interrompt de manière nette. Les jardins du côté ouest de la Rue de Gotte et ceux de la Cité Clotz ont vue sur les premiers champs du site d’Anton, à travers un cordon d’arbres et d’arbustes qui marque la frontière entre espace urbanisé et espace non urbanisé.

Intéressons-nous à la voirie qui longe le triangle par le sud, la rue Sous-Stud.

La rue Sous-Stud : aménagement des abords de deux propriétés, capture d’écran Google Streetview.

Bien que la rue Sous-Stud soit plus étroite que la N90 et qu’elle connaisse un trafic routier nettement moins intense, elle veut aussi jouer à la grand’route. Priorité aux voitures !

Elle n’a pratiquement pas de trottoir, et, sur tout un tronçon, un mur fait de plaques de béton a été élevé à l’aplomb de la limite d’assiette de la voie carrossable. Etant donné que la rue héberge une série de résidences de type quatre-façades de construction relativement récente, cette façon de borner l’espace disponible ressemble à une stratégie pour restreindre l’accès au quartier. Qu’il y ait ou non intention, il faut convenir que le résultat rend la vie très difficile aux personnes qui veulent emprunter la rue Sous-Stud à pied, à vélo, ou en voiturette autonome, ainsi qu’aux engins agricoles.

La rue Sous-Stud : vue sur haies. Vers la Meuse, le rideau d’arbres devant l’horizon marque l’emplacement d’un des micro-cours d’eau. Plus proche, le dénivelé abrupt du talus d’accotement est colonisé par une haie composite. Capture d’écran Google Streetview.

Sur toute sa longueur, la rue Sous-Stud est située comme une étagère, en contrehaut de la Plaine d’Anton. Le dénivelé n’est que de quelques mètres, mais il est par endroits abrupt. La rue ressemble à une voie d’évacuation qui trouverait son usage lorsque le fleuve monte jusqu’au lit majeur. A mesure que la rue s’éloigne d’Andenne et se rapproche du Sentier de Seilles, le dénivelé s’atténue, la frange d’urbanisation du site s’interrompt. Des liaisons directes entre la rue et les champs apparaissent.

En contrebas, les cultures, prairies et pâtures en arrière des maisons sont relativement petites. Plusieurs de ces terrains sont entourés de haies diversifiées sur le plan des espèces, de l’âge des sujets et de leur taille. Les haies, parfois clairsemées, se prolongent sur plusieurs centaines de mètres et s’épaississent par endroits pour former de véritables bosquets, notamment le long des micro-affluents de la Meuse. Parcellaire de petite taille, présence de haies, ripisylve : cette configuration est probablement le reliquat d’un parcellaire ancien, qui aurait exceptionnellement survécu au remembrement agricole.

Une ZACC au plan de secteur

Anton à quadrillage roses, et Andenne en rouge vif. Extrait du plan de secteur, WalOnMap. Pour consulter la carte en ligne, cliquer ici.

Au plan de secteur, l’aire à l’ouest d’Andenne est couverte par diverses affectations : la plaine d’Anton correspond à une énorme ZACC (quadrillage rose sur blanc), avec un petit bout de zone agricole (jaune paille) à son extrémité ouest ; en bordure de N90 (trait noir continu), il y a de la zone d’habitat (rouge vif uni). La ZACC va jusqu’à la route : une situation de droit qui reflète la situation de fait, puisque ces champs et prés sont actuellement non urbanisés. De l’autre côté de la N90, en bord de Meuse, le plan de secteur prévoit que tous les terrains jusqu’ ‘à la Meuse soient urbanisables, sous forme de zone d’habitat (rouge), d’activités économiques mixtes (mauve pâle) et industrielles (magenta). La rue Sous-Stud comporte elle aussi trois zones d’habitat intercalées en bordure de ZACC et une zone forestière (aplat vert vif) couverte par un Périmètre d’Intérêt Paysager (fine oblique noire largement espacée).

Excepté le petit bout de zone agricole déjà cité, rien n’est prévu officiellement au plan de secteur pour pérenniser l’activité agricole dans la plaine d’Anton. Il n’y a même pas de zone d’habitat à caractère rural ! La zone d’habitat à caractère rural la plus proche est située sur l’autre versant de la colline, en contrebas du golf de Stud.

L’aire urbaine d’Andenne est, quant à elle, majoritairement en zone d’habitat (rouge vif) sur les deux rives de la Meuse. Le centre ancien d’Andenne, sur la rive droite, est recouvert par un périmètre en surimpression à oblique moyennement serrée : le Périmètre d’Intérêt Culturel, Historique et Esthétique. Les surfaces bleu clair relèvent de la zone de service public et d’espaces communautaires, qui fait partie des zones urbanisables. A noter que la zone forestière est présente dans la zone urbanisable ; il s’agit d’enclaves qui correspondent notamment au sommet boisé des collines.

Analyse avec la grille de lecture des huit balises

La grille de lecture des HUIT BALISES doit permettre de déterminer si le site de la plaine d’Anton présente des caractéristiques qui en feraient un bon candidat à l’urbanisation. Autrement dit, si ce serait une bonne idée de supprimer les surfaces agricoles.

Les huit balises sont :

Anton au crible des huit balises

Balise 1 : L’accessibilité piétonne et en transports en commun

Il faut privilégier une variété de connexions piétonnes et en transport en commun.

A PIED

La N90 et la rue Sous-Stud sont les principales voies carrossables d’Anton. Elles s’affichent comme plutôt hostiles à la personne qui s’y aventure à pied. L’une, pour la vitesse et la fréquence du trafic, l’autre, pour l’absence d’espace d’accotement et la priorité qui y est donnée aux voitures privées.

Quel que soit le projet qui s’implantera dans la plaine d’Anton, il lui faudra développer un système de connexions piétonnes sécurisées sur les voiries publiques et en complément. Cela implique de modifier les voiries actuellement en place, ainsi que leurs abords, mais aussi de créer de nouvelles voies de communication intérieures au site. Cette perspective va à l’encontre du principe du Stop Béton, puisqu’il conviendrait plutôt de s’abstenir d’asphalter davantage le territoire wallon.

Que l’on construise ou réaménage le réseau de voiries, il restera toujours un obstacle à la marche : la distance. Le quartier d’Anton est suffisamment éloigné du centre d’Andenne pour entretenir le vieux réflexe de se reposer sur l’auto pour effectuer ses trajets, ou choisir de ne pas bouger du tout. Huit cents mètres jusqu’au centre d’Andenne, plus du double dans la partie ouest du quartier, ce n’est pas rien pour de nombreuses personnes. La marchabilité dépend de nombreux facteurs. Elle peut notamment se mesurer à l’aide d’applications comme Walk Score (décrite ici dans la newsletter Urbanews) ou le Walkability Tool développé en Flandre et à Bruxelles (décrit ici sur le site Gezond Leven).

Une étude de fond sur le sujet de la marchabilité : « Mesure du potentiel de marche et de l’accessibilité dans les espaces urbains pour les piétons âgés » par Florence Huguenin-Richard et Marie-Soleil Cloutier, dans « Flux » 2021/1 (N° 123), p.30-53.

TRANSPORT EN COMMUN : BUS (ET TRAIN ?)

La balise n°1 inclut l’accessibilité aux transports en commun. Elle n’est pas mieux lotie que la marche pour le cas qui nous occupe.

Le site d’Anton est desservi par la ligne de bus 12 de la TEC, Namur – Huy qui emprunte la N90 et dispose de trois arrêts proches du site (en venant de Namur, dans l’ordre, Andenne Anton, Andenne Anton Charbonnage, et Andenne Rue de Gotte). La fréquence se répartit à raison de un bus par heure dans chaque sens, dernier bus juste avant 21 :00 h en semaine et le dimanche, juste après 19 :00 h le samedi, d’après l’horaire disponible sur le site TEC. Les arrêts sont exposés au trafic intempestif. Ils disposent néanmoins d’un abri.

Vue en direction d’Andenne, la N90 / Avenue Reine Elisabeth, avec l’abribus du bus 12,
arrêt Andenne Anton Charbonnage. En arrière-plan à droite, la plaine d’Anton et la petite forêt de Stud en haut de versant. Capture d’écran Google Streetview.

La traversée de la voirie n’est pas encadrée par des passages piétons à intervalles réguliers et rapprochés. Cette traversée s’effectue donc au petit bonheur la chance, quand le trafic est peu dense ou peu rapide.

Qu’en est-il de l’accessibilité en train ? Il y a une gare à Andenne, sur la rive gauche (nord) de la Meuse. Elle se situe à 3,5 Km par route de Anton. La gare d’Andenne est connectée à plusieurs grandes villes de la région : Mons, La Louvière, Charleroi, Namur et Liège. Avec cette dernière ville, la fréquence est bihoraire en semaine ! Or la ligne de bus 12 passe à côté de cette chance, puisqu’elle longe le centre d’Andenne en restant sur la rive droite. La gare d’Andenne étant située sur l’autre rive, on ne peut pas décemment parler de « bonne connexion » entre le site d’Anton et la gare d’Andenne via la ligne 12. La distance à pied entre Anton et la gare d’Andenne représente un trajet de trois quarts d’heure pour une personne habituée à marcher. Le trajet doit s’effectuer, faut-il le rappeler, le long d’une voirie qui n’est pas adaptée aux déplacements piétons.

Verdict : BALISE n°1 dans le rouge

Balise 2 : L’accessibilité aux cyclistes et aux PMR

Les deux approches, accessibilité aux cyclistes et accessibilité aux personnes à mobilité réduite, requièrent une série d’exigences techniques qui peuvent se compléter et se renforcer. Si on cherche à répondre au confort cumulé des cyclistes, des personnes en chaise roulante, et des malvoyants, il en résulte des aménagements qui rendent un quartier, une ville, des bâtiments publics, des maisons ou des magasins, beaucoup plus agréables pour TOU.TES les usager.ères.

La N90 comporte un marquage au sol pour délimiter une piste cyclable. C’est tout. La grande distance avec le cœur de ville d’Andenne et le type de voie carrossable ne permettent pas d’envisager des déplacements autonomes pour des usagers plus faibles, ou peu entraînés.

La rue Sous-Stud empêche une personne en chaise ou à vélo de partager l’espace avec les voitures car elle ne comporte pas d’accotement ni de zone refuge. Sur plusieurs tronçons, la limite d’assiette de la voie publique est un mur ou un talus abrupt, ce qui représente un vrai danger pour les cyclistes et les personnes en voiturette.

Le site d’Anton n’est pas accessible de façon confortable, sécurisée et dynamique aux PMR et aux personnes se déplaçant à vélo. Modifier les voiries actuellement en place, ainsi que leurs abords, ne suffirait pas à résoudre l’inaccessibilité, puisque le site est trop loin du centre-ville pour permettre aux plus faibles de ces usager.ères d’effectuer des déplacements utiles et efficaces. Il oblige à se servir d’une voiture, que ce soit pour la conduire ou pour se faire conduire.

Verdict : BALISE  n°2 dans le rouge

Balise 3 : L’échelle humaine

Les critères de distance et de confort qui viennent d’être évoqués font pleinement partie des critères de la balise 3. L’échelle humaine peut se mesurer dans différentes réalités : les distances à parcourir, les obstacles visuels et réels, la variété des fonctions et des usages, l’aspect accueillant des espaces en rez-de chaussée, le gabarit des bâtiments, la taille des îlots à contourner, etc.

L’échelle humaine est une invitation à la parcimonie, à la modestie. La balise 3 dit « non ! » à la mégalomanie, à l’uniformité, à la simplification et à la monotonie typiques des projets à grande échelle.

Le parcellaire agricole de la plaine d’Anton se présente comme une mosaïque d’espaces.  Il n’a rien d’uniforme, on y a maintenu des haies, les cours d’eau n’ont pas été enterrés. Il y a quelques bêtes sur des pâtures, un vieux verger. Bravo, l’usage actuel du site est à échelle humaine.

Verdict : BALISE  n°3 dans le vert

Hum, pas si vite. Il semblerait que cette mosaïque agricole ait pour vocation de disparaître au profit d’un projet d’urbanisation ?

C’est dès lors le projet d’urbanisation qui doit être examiné à l’aune de l’échelle humaine.

Plusieurs documents en ligne montrent de quel projet il s’agit. En 2016, au MIPIM de Cannes – grand salon de l’immobilier – Andenne elle-même a présenté un projet qualifié d’ambitieux par la RTBf. On le retrouve aujourd’hui sur le site de la Commune et Ville d’Andenne, qui baptise le projet « Campagne d’Anton ».

 Image et citation de la Ville d’Andenne : « En bordure du centre-ville d’Andenne, le projet d’Anton, dont le site est majoritairement propriété de la Ville d’Andenne, consiste en la création d’un quartier « nouveau » mixant activités économiques durables, services et logements. »

L’image choisie par la Ville d’Andenne ne montre pas le projet, mais une vue aérienne du site dans son état actuel. Elle conclut le très court paragraphe mis en légende ci-dessus par la phrase « Ce projet d’envergure s’inscrit sur le long terme. »

Pour une série de vues en plan et en 3D accompagnées d’un descriptif approfondi, il faut aller sur le site de JNC International « Joining Nature and Cities », qui rebaptise le projet « Eco-quartier d’Anton » et le présente dans son portfolio : https://jnc.be/fr/node/4.

Plan-masse du projet « Eco-quartier d’Anton » de JNC International pour la plaine d’Anton. Non daté.
En ligne ici, https://jnc.be/fr/node/4

Le plan-masse projet de JNC International coïncide avec le périmètre de la ZACC, que je replace ici pour mémoire.

« La trame urbaine des quartiers environnants, qui relie les deux rives de la Meuse, est prolongée tout en préservant et valorisant les éléments naturels et paysagers existants », dit le texte de présentation.

Laissons pour le moment de côté « les éléments naturels et paysagers existants », ils seront pris en considération avec la balise 4 et la balise 8.

Le projet n’ajoute ou n’améliore rien sur le plan de la mobilité entre les deux rives. Sur ce point, le bureau d’urbanisme n’avait pas non plus promis quoi que ce soit. La traversée de la Meuse se fait, aujourd’hui comme demain, en dehors du quartier visé par le projet, via les quartiers environnants, sur deux ponts très distants l’un de l’autre.

Le seul élément de trame urbaine que le projet prolonge, c’est la N90, à laquelle il maintient son statut de route à grand trafic. Il n’y a pas de tentative d’en faire un élément à échelle humaine, elle n’est aucunement incorporée ou adoucie par le projet.

Vue perspective du projet de JNC International pour la plaine d’Anton. Non datée.
En ligne ici, https://jnc.be/fr/node/4

La trame bâtie d’Andenne n’est, quant à elle, pas prolongée du tout par le projet, lequel opère une rupture complète d’échelle et d’implantation.

Le projet consiste à construire de grands immeubles quatre-façades au milieu de la verdure pour y installer environ 1600 unités de logement. Il occupe l’entièreté de la plaine d’Anton qu’il urbanise de façon répétitive. Les champs et les prairies deviennent des abords verts. Du milieu agricole initial, ne seront gardés que des fragments destinés à mettre en valeur le projet.

La vue perspective vous fait penser au projet de réaménagement des terrains des Anciennes Forges de Clabecq ? Bien vu, il s’agit du même bureau d’urbanisme.

Les rez-de-chaussée illustrés ici annoncent eux aussi une rupture par rapport à l’échelle humaine : au lieu d’être conçus comme des interfaces actifs, grâce à des entrées multiples, individualisées, on devine qu’il y a le moins de portes possible. Il faut contourner les constructions pour y entrer. Le premier bâtiment à gauche de l’image montre un rez complètement aveugle, dont une partie disparaît sous les étages en porte-à-faux. Bien qu’esthétiquement séduisante sur écran, cette configuration génère dans la vraie vie (In Real Life / IRL) des situations conflictuelles et de l’insécurité. Gonfler aux hormones la typologie des quatre-façades tout en se passant du jardin protecteur, privé et intime, c’est courir le risque de produire un habitat pratiquement invivable.

Par quelle solution à grande échelle les gestionnaires des logements devront-ils passer pour assurer un respect des espaces communs et de la vie privée ?

Le projet veut emmener le site très loin des outils sympathiques d’Ivan Illich.

Verdict : BALISE n°3 dans le rouge

Balise 4 : le paysage bâti et non bâti

Aujourd’hui, sur les bords de la plaine d’Anton, des maisons modestes anciennes, en moellons de calcaire, d’un seul niveau sous toit, alternent avec le catalogue de l’architecture du XXe siècle, typique des rues et des routes de toute localité belge qui a connu le succès industriel et commercial. Le tout, sur fond de verdure omniprésente. Avec les miroitements de la Meuse en face, et la route N90 qui tire son trait de tarmac.

Dans le projet d’urbanisation, le grand triangle de la plaine d’Anton reçoit une trame continue de constructions, d’espaces plantés et de dalles. La verdure est toujours assez omniprésente, comme le montre cette image de 2017, lorsque la Ville d’Andenne avait proposé le même projet dans le cadre de l’appel à Projet « Quartiers Nouveaux » du Ministre Di Antonio. Mais ce n’est qu’une image et, même si elle montre de nouveaux immeubles très soignés, des voitures discrètes et en retrait, des espaces publics très fréquentés, elle n’engage pas contractuellement à ce que l’ambiance et l’entretien soient conformes à cette projection. 

Vue perspective du projet (simulation). Extrait de la présentation d’Anton dans l’appel à projets « Quartiers Nouveaux » de 2017.

La vue perspective montre comment les nouvelles constructions vont s’imbriquer dans le paysage. Ce qui saute aux yeux, c’est la manière dont le projet recouvre intégralement le site. Contrairement à ce qui est affirmé, encore aujourd’hui, dans le texte de présentation, le projet ne va pas préserver et valoriser les éléments naturels et paysagers existants. Il va utiliser le paysage général de la vallée pour en faire son écrin ; il va fragmenter le paysage du versant, remplacer de la verdure par une autre verdure, occuper l’emplacement des activités agricoles, en limiter les possibilités de développement.

  • Le paysage du versant boisé, des cultures et des prairies d’Anton est une respiration dans le continuum de constructions de la vallée de la Meuse.
  • Pour ce qui concerne les surfaces agricoles du triangle, le paysage semble être le rescapé du remembrement agricole qui a uniformisé les parcelles dans les années 1960 et 1970. -> exceptionnel
  • La forêt de crête, le versant non construit et la plaine, également non urbanisée, constituent ensemble un bassin d’orage naturel, qui protège Andenne. Une fois le projet construit, la ville ne disposera plus de ce système d’absorption des précipitations, tellement plus adapté qu’un bassin d’orage artificiel, tant sur le plan paysager que technique.
  • Aujourd’hui, le lit majeur sur cette rive de la Meuse est encore majoritairement non construit à hauteur de la plaine d’Anton. Une fois le projet construit, le lit majeur de la Meuse sera encombré de 50 ha de terrains urbanisés supplémentaires.

Le projet n’a aucun égard pour le paysage actuel. De plus, il impose un nouveau paysage qui demandera énormément de moyens pour développer et maintenir l’aspect idyllique présenté dans la simulation.

On est à nouveau très très loin des outils sympathiques d’Ivan Illich.

Verdict : BALISE n°4 dans le rouge

Balise 5 : le réemploi des matériaux et la restauration des bâtiments

Il faut encourager une variété et une continuité de maisons mitoyennes en utilisant le bâti existant.

Avec son développement basé exclusivement sur la construction neuve, le projet s’inscrit en faux par rapport à la balise 5. Il n’y a pas de rénovation de bâtiments au programme. Quand bien même il y en aurait, elle serait en minorité par rapport à la pléthore de bâtiments qu’il est prévu d’implanter sur les 50 ha du site.

Peut-être que le réemploi de matériaux est prévu, mais cela n’apparaît pas dans la présentation du projet. Cela ne suffirait de toute façon pas à justifier un projet dont la vision s’articule sur le remplacement d’espaces encore non urbanisés par de l’urbanisation.

L’accent mis sur ce nouveau quartier va détourner les investissements potentiels de nombreux autres lieux qui auraient dû recevoir en priorité de l’attention, notamment le centre ancien d’Andenne et de Seilles. Des rénovations énergétiques pourtant urgentes risquent ainsi d’être délaissées.

Verdict : BALISE n°5 dans le rouge

Balise 6 : les aménités existantes

Parce qu’il fait disparaître une mosaïque de terrains agricoles, le projet supprime des aménités innombrables pour les riverains et les usager.ères du site. Tranquillité, vues vertes, puits de carbone, services écosystémiques, faune et flore : à la trappe !

S’afficher en tant qu’écoquartier est certes porteur sur le plan immobilier. Une telle affirmation  ne résiste cependant pas à l’analyse, puisque le quartier en projet n’a rien d’éco.

Il ne suffit pas d’ériger des édifices à PEB B ou A, ou de déclarer que toutes les rues internes seront vouées à la marche et au vélo pour être un écoquartier. Il ne suffit pas d’annoncer que les espaces publics seront « de véritables lieux de rencontre » pour qu’ils le deviennent. Ce sont les lieux publics d’Andenne qu’il faudrait plutôt aménager pour qu’ils favorisent une mobilité active, pour mettre en valeur leurs aménités et les biens communs qui s’y trouvent déjà.

Un véritable écoquartier se construit avec les habitant.es, en se servant du bâti déjà là. Le projet est plutôt caduc sur le plan du concept de participation, puisqu’ il veut partir d’une page blanche, aujourd’hui inhabitée et non construite. A qui aller demander ce qu’en pensent les riverain.es ? A quelles personnes demander si elles profitent de ce poumon vert ? A quelles personnes demander ce qu’elles aiment particulièrement dans le triangle, ou sur ses abords ?

Verdict : BALISE n°6 dans le rouge

Balise 7 : les activités économiques existantes

La principale activité du site d’Anton est agricole. Les terrains sont en majorité propriété de la commune, les agricultrices et agriculteurs exploitant les parcelles en sont les locataires.

L’agriculture est une activité économique.

Or, le projet d’urbanisation entend installer de nombreuses entreprises et services dans la trame de résidences. L’objectif : créer plus de 2000 emplois.

Ce qui laisse perplexe par rapport au projet, c’est que la motivation première du Bourgmestre Claude Eerdekens a été et est toujours de vouloir nourrir la population d’Andenne, en utilisant le site. Cette vision louable entre en contradiction avec la disparition de surfaces cultivables de la plaine d’Anton.

A supposer que le projet vise à maintenir certains éléments agricoles, ils se verront réduits en surface de façon drastique. Le nouveau voisinage, même s’il tolère les « nuisances agricoles », comme l’odeur du fumier, ne sera probablement pas intégralement compatible avec elles, ce qui menacera de facto le maintien de l’élevage et d’exploitations viables.

Il serait intéressant de faire une projection qui permette de comparer la résilience alimentaire d’Andenne AUJOURD’HUI et DANS l’HYPOTHESE de l’urbanisation de la plaine d’Anton.

Un calculateur de résilience alimentaire  a été mis au point pour la Wallonie par trois jeunes agronomes tout juste sortis de leurs études et passionnés par les questions d’alimentation, d’autonomie des territoires et de transition écologique.

Qu’en est-il des autres activités économiques déjà présentes sur le site et à proximité ? Les ambulances devront-elles déménager, ou s’agrandir ? Les restaurants situés le long de la N90 verront-ils leur clientèle augmenter, et venir joyeusement à pied jusqu’à eux, alors que le projet ne prévoit aucun aménagement destiné à apaiser le trafic automobile sur la nationale ?

Verdict : BALISE n°7 dans le rouge

Balise 8 : la végétation et les espaces verts en place – les continuités entre espaces naturels

Avec des connexions naturelles de plus en plus limitées, les espaces découverts, jardins, friches, zones naturelles, doivent être préservés, même au cœur des quartiers urbanisés. Ils participent à la lutte contre l’érosion de la biodiversité. Ils permettent d’espérer une meilleure adaptation aux dérèglements climatiques. Par les îlots de fraîcheur qu’ils procurent, ils sont des abris pour une infinité d’espèces, dont l’espèce humaine.

Ces espaces de nature, privée, partagée, cultivée, en jachère, sauvage, sont indispensables pour faire cohabiter agréablement beaucoup d’habitant.es dans un périmètre donné, et – last but not least – d’éviter d’entamer des zones urbanisables du plan de secteur encore non urbanisées.

Les 50 ha de bon sol de la plaine d’Anton sont loin d’être une valeur négligeable face à ces enjeux.

« Essentiels au maintien de l’équilibre sur Terre, les sols sont une ressource limitée. Les sols sont le second puits de carbone, après les océans. Ils abritent 25 % de la biodiversité terrestre. Ils constituent le premier maillon de la chaîne alimentaire et, grâce à eux, nous produisons la majeure partie de notre alimentation. La santé des sols doit être au cœur des priorités wallonnes. Les fonctions et services écosystémiques rendus par les sols doivent être reconnus, protégés et restaurés, le cas échéant. En adoptant une approche multifonctionnelle des sols, nous pourrons choisir « le bon usage pour le bon sol ». Mémorandum régional 2024-2029 de Canopea (p. 35).

Dans le projet d’urbanisation, la balance des surfaces « constructibles » (27 ha) et des surfaces « vertes » (32.7 ha) semble pencher en faveur de ces dernières. Cependant, les éléments naturels du site actuel seront fortement altérés par le chantier et par la présence de constructions ; toute la surface de la plaine d’Anton sera fragmentée.

Le couvert végétal actuel de la Plaine d’Anton est éminemment varié. Il forme un complexe d’habitats qui accueillent des espèces sensibles tant aux caractéristiques propres de ces habitats, qu’aux dimensions énormes du site. Ces deux aspects-clés seront définitivement perdus avec l’urbanisation de la plaine d’Anton.

Les continuités entre espaces naturels seront également compromises, puisque le projet entend urbaniser les abords directs de la rue Sous-Stud, là où des trouées non construites permettent encore des connexions entre la forêt de haut de versant et les champs.

Verdict : BALISE n°8 dans le rouge

Le bilan de l’analyse : la localisation ne convient pas pour une urbanisation. A plus forte raison dans les proportions mastodontesques qui sont prévues. Andenne a tout intérêt à préserver la plaine d’Anton de toute urbanisation.

Choisir la centralité

Proposition alternative : trouver un lieu qui soit…

  • Déjà bien innervé d’itinéraires piétons.
  • Avec des voies carrossables apaisées, adaptables à un meilleur partage de l’espace public.
  • Desservi par plusieurs lignes de bus, ce qui permet de voyager dans plus de deux directions différentes, avec une fréquence bihoraire – c’est la fréquence minimum pour que l’usage évolue de la voiture individuelle vers le bus.
  • Beaucoup plus proche de la gare de trains, qui a la chance d’être localisée sur une ligne à haute fréquence et reliée à plusieurs grandes villes.

Ce lieu, il existe déjà, c’est le centre-ville d’Andenne, sur les deux rives. Cela paraît fou de choisir le centre-ville ? Pas tant que ça. Le centre d’Andenne, les quartiers périphériques, toutes les rues et routes qui y passent, comptent des centaines de bâtiments qui demandent à être entretenus, rénovés réhabilités, aimés. Les habitant.es ont besoin de voir qu’on réinvestit dans le bâti existant, le bâti existant a besoin de rénovations énergétiques en profondeur. Attendre au lieu d’agir coûtera très cher aux ménages et à la collectivité.

Ajouter des logements en ville en se servant du bâti existant et soutenir les multiples activités économiques qui existent, voire en développer d’autres, c’est offrir une mine de possibilités, de styles, de dimensions et d’époques. La rénovation et la remise en activité élargissent la palette des coûts, ce qui abaisse le seuil financier d’accès à un logement décent. Elles ouvrent la porte à des chantiers à plus petite échelle, menés par des familles, des personnes seules, des coopératives. Face à l’échelle gigantesque du projet d’Anton, cette solution alternative remet en valeur l’échelle humaine. La Région de Bruxelles l’a bien compris, en mettant les bouchées doubles pour accompagner les petits projets de rénovation.

Il n’entre pas dans le propos de la présente analyse de commenter l’architecture du projet d’Anton, tout au plus son mode d’urbanisme. En couplant l’effort de rénovation énergétique avec l’échelle humaine et en cultivant les aménités de ses quartiers existants, Andenne pourrait très bien se retrouver à la pointe des villes durables, sans avoir dû urbaniser la plaine d’Anton. Ce qui lui permettrait de se reposer entièrement sur les capacités nourricières de ce sol laissé indemne.

Aider les urbanistes, les architectes et les communautés locales à concevoir de meilleurs projets à l’aide de l’échelle humaine, c’est la motivation première qui anime Jan Gehl lorsqu’il répète inlassablement, de colloques en congrès, « la bonne architecture ne dépend pas des formes, mais bien de l’interaction entre la forme et la vie, ce qui est bien plus difficile et exigeant ».

En savoir plus

La grosse tache colorée en rose sur la centralité d’Andenne s’arrête au milieu du triangle de la plaine d’Anton, avec un petit coin rentrant. Je densifie, ou je ne densifie pas ? J’urbanise, ou je n’urbanise pas ? Rappelons que le SDT est un outil indicatif, et que les cartes des centralités ne sont pas tracées au mètre près. Il sera possible de s’écarter des indications du SDT, du moment que les communes fournissent des arguments qui justifient cet écart. Les contours des centralités peuvent quant à eux encore changer à l’issue de l’enquête publique en cours. Les communes pourront les modifier – dans une certaine mesure – à condition qu’elles adoptent un Schéma de Développement Communal qui traite de l’optimisation spatiale.

  • La grille des HUIT BALISES et les espaces publics : une analyse de Canopea

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